Orthophonistes et sages-femmes tirent la sonnette d’alarme

Les orthophonistes et les sages-femmes ne vont pas bien et sont encore plus inquiets des mesures à venir, destinées à « sauver » le Ruamm, Régime unifié d’assurance maladie-maternité.  Peu considérés, ces professionnels de la santé, qui envisagent pour certains une reconversion, appellent à un soutien de la population et veulent être entendus par le gouvernement.

La santé est sur le point de connaître de gros bouleversements. Et il ne s’agit pas de la mise en place du plan Do Kamo qui vise à modifier la perception des Calédoniens de leur santé et en faire de véritables acteurs. Si le plan a pour objectif de réaliser des économies, notamment grâce à une meilleure prévention des risques sanitaires, la Cafat ne peut plus se permettre d’attendre pour réformer. Chaque année, les déficits se creusent et viennent ajouter de nouvelles dettes à la dette de la Cafat qui avoisine les 20 milliards de francs.

Et c’est sans compter sur les problèmes de trésorerie qui pénalisent indirectement les professionnels de santé dont les délais de remboursement se sont dangereusement allongés, au point de dépasser parfois six mois. Une situation qui n’est plus tenable pour les orthophonistes qui organisaient, mercredi matin, une conférence de presse afin d’alerter l’opinion publique sur leur situation. Cette initiative fait suite au lancement d’une pétition sur internet qui a déjà récolté plus de 1 000 signatures et l’envoi de courriers au gouvernement, toujours sans réponse. Si le mouvement concerne pour le moment les membres du syndicat des orthophonistes, qui regroupe une soixantaine des près de 100 professionnels du territoire, il pourrait bientôt être rejoint par les sages-femmes qui connaissent la même situation et dont le tout jeune syndicat a également diffusé un communiqué le mardi 16 janvier.

Des métiers déconsidérés

Le problème des délais de paiement n’est pas nouveau, mais il s’ajoute à l’inquiétude suscitée par la déclaration de politique générale du président du gouvernement Philippe Germain. « Il va y avoir des mesures draconiennes, mais le gouvernement est très silencieux, insiste Karen de Oliveira, la présidente du syndicat des orthophonistes. Nous sommes inquiets car des décisions vont être prises pour nous sans que l’on ait été concerté. C’est un manque de considération pour nous, mais aussi nos patients. »

Les sages-femmes et les orthophonistes redoutent en particulier une potentielle baisse de leurs honoraires et une hausse des charges. Un cocktail qui pourrait avoir pour conséquence une baisse du nombre de professionnels. Un rapide sondage réalisé parmi les membres du syndicat des orthophonistes indique que près d’un tiers des professionnels seraient prêts à se reconvertir malgré leur amour du métier. La présidente pointe une certaine inégalité de traitement parmi les professionnels de santé, rappelant que la dernière réévaluation des honoraires des orthophonistes remonte à 2009 et était de 20 francs.

Paradoxe, la veille de la conférence de presse des orthophonistes, le gouvernement diffusait la liste des métiers prioritaires permettant de bénéficier d’aide à la formation. Sur cette liste, on peut trouver les métiers de sage-femme et d’orthophoniste. Un paradoxe, car les problèmes de trésorerie ne sont pas les seules difficultés rencontrées par ces soignants. En matière d’orthophonie, la Calédonie dispose de la même concentration de professionnels rapportée à la population qu’en Métropole. De la même façon, il existe de grandes disparités dans leur répartition. En France, des mesures ont été adoptées pour faciliter l’installation de soignants dans les zones les moins couvertes. Ce n’est pas le cas en province Nord où sont installés deux ou trois praticiens et où la demande augmente sensiblement chaque année. Les demandes de conventionnement pour s’installer dans le Nord essuient presque systématiquement des refus, en particulier de la province.

Des disciplines génératrices d’économies

Comme le rappelle la présidente du syndicat, l’orthophonie permet pourtant de réduire le coût global des soins et d’améliorer sensiblement la qualité de vie des patients. Les soins servent par exemple à éviter des infections à répétition pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer ou encore à éviter à des enfants une alimentation par sonde gastrique. La problématique des sages-femmes est assez proche. Avec leurs compétences très larges et méconnues, ces soignantes peuvent aussi bien faire de la vaccination que des dépistages gynécologiques et à un tarif inférieur à celui d’un gynécologue.

Les professionnels attendent donc d’être consultés par le gouvernement avant que des mesures soient prises et surtout qu’ils soient mieux pris en compte. D’une manière plus générale, nos élus gagneraient grandement à sortir d’un débat purement comptable pour initier un véritable débat de société. L’idée serait de définir les attentes et les besoins des Calédoniens, notamment sur la question des remboursements, mais aussi de redéfinir le rôle de l’hôpital, établissement utile, mais coûteux, peut-être trop central aujourd’hui.

M.D.