Objectif : faire tourner l’usine

L’usine du Nord est la dernière à être entrée en service. Après un an et demi de déconvenues, la nouvelle direction de KNS se montre optimiste. Un délai a été obtenu il y a quinze jours en Suisse. D’ici le mois de novembre, les équipes auront dû faire la preuve qu’elles maîtrisent la technologie, dans le cas contraire, l’avenir de KNS pourrait s’assombrir.

L’optimisme est de mise. Marc Boissonneault, le nouveau président de KNS, également patron de l’ensemble de la branche nickel de Glencore, est venu pour mettre l’usine du Nord sur les rails et il entend bien réussir. Il y croit dur comme fer et rien n’est encore joué même s’il y a une quinzaine de jours, en Suisse, il a convaincu les actionnaires de donner une petite rallonge au projet. Car ce sont bien eux, les actionnaires de Glencore, qui permettent à l’usine du Nord de fonctionner et notamment de verser les salaires des quelque 950 salariés.

Pas vraiment porté sur les chiffres, le président s’est montré très évasif quant aux coûts de production et aux pertes que doit essuyer Koniambo Nickel. Il a toutefois concédé qu’ils étaient mauvais. Selon une étude du cabinet Wood Mackenzie du premier trimestre 2016 communiquée par la SLN, KNS se situe en queue de peloton des producteurs mondiaux avec un coût de production aux alentours de 15 dollars US la livre quand le prix du marché est à près de quatre dollars.

Rentable à partir de 50 000 tonnes

La priorité de Marc Boissonneault n’est toutefois pas le coût de production mais celle de faire marcher l’usine et d’en maîtriser la technologie. Après la remise en service du premier four au mois de mars qui avait nécessité un nouvel investissement de 60 millions de dollars, toutes les attentions sont portées sur son fonctionnement. Les premiers résultats des tests sur le four, l’amélioration du fonctionnement de la centrale électrique (*) et l’arrivée d’experts en pyrométallurgie de l’usine canadienne de Sudbury, l’optimisme est de rigueur. L’objectif annuel de production reste de 16 000 tonnes, un résultat plutôt bon si l’on considère qu’elles seront produites avec un seul four et sur une période d’à peine dix mois.

Si les équipes ont des raisons de croire dans le fonctionnement de l’usine, le contexte laisse toutefois entrevoir un avenir nettement plus sombre. Le président résume lui-même l’équation. Les Chinois construisent à marche forcée des usines en Indonésie très compétitives et n’ont donc aucun intérêt à restreindre l’offre, du moins pas avant d’avoir mis à genoux une bonne partie de la concurrence. L’environnement sera donc de plus en plus concurrentiel. Un élément qui ne va pas dans le sens de la réduction mondiale de l’offre, indispensable pour que les cours retrouvent des couleurs. Un mauvais point pour l’usine du Nord qui, selon son président, pourra être rentable (atteindre un coût de production de 4,5 dollars la livre) avec une production de 50 000 tonnes.

Le plan de KNS est donc de faire le dos rond jusqu’en 2020, date à laquelle les analystes anticipent une reprise des cours. Pendant ce temps, l’usine aura le temps de monter en puissance et de remettre en état son deuxième four. Reste qu’il faudra assumer d’énormes pertes en attendant, sans compter les investissements encore nécessaires et en particulier les 60 millions de dollars pour la réfection du second four.

Verdict au mois de novembre

Le conseil d’administration devrait prendre sa décision entre les mois d’août et de novembre, moment où Glencore construira ses budgets pour l’année 2017. Tout comme chez Vale NC, Marc Boissonneault ne veut pas croire à autre chose que la poursuite des opérations. La porte n’est toutefois pas fermée aux autres options que sont la fermeture ou la cession.

Le président de KNS a d’ailleurs confirmé la cession de deux actifs, le premier en Australie et le deuxième en République dominicaine. Un troisième actif a également été vendu en Côte d’Ivoire. Le patron de l’usine du Nord indique néanmoins que ces cessions ne sont pas directement reliées à KNS. Si les coûts de production ne sont pas la priorité des équipes pour le moment, avant d’injecter de l’argent, les actionnaires qui ont déjà financé une usine à huit milliards de dollars, devraient réclamer quelques garanties quant à la rentabilité de l’usine.

(*) Pour réduire ses coûts de production, KNS compte sur sa centrale électrique. Actuellement, l’usine fonctionne avec un bouquet énergétique à 80 %. Cela signifie qu’elle utilise 80 % de charbon mais continue d’utiliser 20 % de l’énergie produite avec des moteurs diesel qui coûtent quatre fois plus cher à produire. KNS devra également réussir la montée en puissance de la centrale. Actuellement, sa puissance est de 58 à 59 MW/heure pour une puissance maximale de 80 MW/heure.

M.D.

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La croissance calédonienne est-elle soutenable ?

C’est la question qu’a posé jeudi dernier Vincent Géronimi, maître de conférences en économie à l’université de Versailles, également membre du Centre d’études sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les vulnérabilités, à l’occasion d’une conférence organisée par l’IAC au centre culturel Tjibaou. Une question particulièrement d’actualité avec la crise que traverse le secteur du nickel. D’après le chercheur, elle l’a été ces dix dernières années, notamment grâce à des prix du nickel anormalement élevés. Selon le modèle de la Banque mondiale, la destruction du capital naturel a été compensée par l’augmentation du capital humain, notamment rendu possible par les investissements colossaux de la métallurgie.

Vincent Géronimi, s’il ne présume pas de l’avenir, laisse entendre qu’une diversification de l’économie est plus que souhaitable, le nickel risquant fort de ne pas être un moteur de l’économie calédonienne dans les années à venir. Les seules perspectives de soutenabilité de la croissance calédonienne résident dans les transferts de l’État. Le chercheur s’interroge notamment sur le manque d’anticipation ayant conduit à construction des deux usines. Lors de son intervention, il a notamment produit un graphe montrant l’évolution des cours depuis 1960. Un dessin éloquent qui montre que le cours naturel du nickel est plus proche des 8 000 dollars la tonne que des 30 000. Pas de quoi se réjouir donc, puisque les coûts de production des trois usines calédoniennes ne pourront guère descendre en dessous des 9 000 dollars et au prix d’immenses efforts. Selon des informations du BRGM rapportées par Vincent Géronimi, jusqu’à 50 % des usines de nickel pourraient être amenées à fermer.

Plus que jamais, il est temps que la Calédonie définisse une ligne claire en matière de nickel et en particulier du soutien qu’elle apporte à ce secteur clef du point de vue social mais qui pourrait coûter très cher aux collectivités, au détriment des autres secteurs qu’il est également devenu indispensable de soutenir.