Nouvelle polémique autour du glyphosate

Le glyphosate, c’est ce désherbant commercialisé par Monsanto. Pendant sa campagne électorale, Emmanuel Macron avait promis son interdiction au plus tard dans les trois ans. Le gouvernement pourrait revoir ce délai, ce qui ravive la polémique autour de ce produit qui cristallise les oppositions.

Le glyphosate est peut être le plus controversé des produits phytosanitaires. Ce désherbant, créé dans les années 50, est le plus utilisé au monde. Aprés avoir été longtemps produit par la société Monsanto, tout aussi controversée que son produit phare, la molécule est tombée dans le domaine public en 2000. Monsanto reste néanmoins un des principaux producteurs de ce produit, sous l’appellation Roundup, également très utilisé en Nouvelle-Calédonie. En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé l’a toutefois classé comme cancérigène probable.

Depuis, Monsanto n’en démord pas et s’est lancée dans une guerre à mort pour faire tomber le Circ. L’entreprise américaine, qui pourrait très prochainement être rachetée par le groupe allemand Bayer, a utilisé toutes les méthodes pour parvenir à ses fins, y compris les moins licites. En 2017, le quotidien Le Monde a mis au jour un système de désinformation organisé et à grande échelle autour du glyphosate. Ces « Monsanto Papers » ont alimenté la chronique pendant plusieurs semaines alors que l’Union européenne examinait la possibilité d’interdire le glyphosate.

Des lobbies puissants qui ne lâchent rien

Campagne pro-glyphosate sur les réseaux sociaux, liens sponsorisés pour le promouvoir, articles dans la presse scientifique, fraudes scientifiques… Monsanto n’a pas lésiné sur les moyens mis en œuvre et que l’on peut retrouver sur les sites internet du Monde ou encore de Sciences et Avenir. De quelle façon cette campagne a-t-elle influencé le vote des députés européens ? Difficile de le dire, toujours est-il que le glyphosate a bénéficié du renouvellement de sa licence pour les cinq prochaines années en Europe.

Depuis un peu plus d’une semaine, le produit est revenu sur le devant de l’actualité à l’occasion de l’examen de la loi sur l’agriculture et l’alimentation par l’Assemblée nationale. Son interdiction dans les trois ans était pourtant une promesse de campagne du candidat Emmanuel Macron, autant pour les risques sanitaires qu’il présente que pour ses effets nocifs pour la biodiversité que le nouveau président de la République a presque élevés au rang de cause nationale.

Et là encore, Monsanto n’a pas pu laisser les parlementaires faire leur travail. Si le projet de loi ne prévoit pas l’interdiction de la substance, plusieurs amendements vont dans ce sens. C’est notamment le cas de celui déposé par l’ancienne ministre de l’Écologie, Delphine Batho. Mais surprise, les députés n’en ont pas eu la primeur puisque quelques jours avant qu’ils ne le découvrent, le document avait fuité vers les lobbies regroupés au sein de l’Union industrielle de protection des plantes (UIPP qui rassemble, par exemple, Monsanto, Bayer ou encore BASF). Une enquête interne a permis de confirmer que le document avait bien fuité. François de Rugy, le président de l’Assemblée nationale a toutefois souligné que le personnel de l’institution ne pouvait pas être mis en cause. Cet incident illustre le puissant travail des lobbies qui cherchent à influencer les politiques publiques, pas toujours dans l’intérêt de la population.

Au-delà de l’amendement proposé par Delphine Batho, l’interdiction du glyphosate pourrait bien intervenir, même si elle n’est pas écrite dans la loi. Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture, a précisé la ligne du président de la République qui est pour l’interdiction dans les trois ans, à condition que l’on dispose de solutions alternatives pour les professionnels. Autrement dit, pas de solution, pas d’interdiction. Le ministre de l’Agriculture préfère donc que l’interdiction ne figure pas dans le texte. En commission, le gouvernement avait donné un avis défavorable à un amendement prévoyant l’interdiction dès 2021 sans possibilité de dérogation.

La Nouvelle-Calédonie concernée

La Nouvelle-Calédonie est indirectement concernée, puisque depuis l’adoption de sa nouvelle réglementation en matière de produits phytosanitaire en février 2017, tous les produits autorisés en Métropole, et plus généralement dans l’Union européenne, le sont de facto sur le territoire. Pour les produits originaires d’Australie et de Nouvelle-Zélande, il est prévu un dispositif simplifié par rapport aux produits des autres pays. Le gouvernement a, par exemple, récemment refusé la demande d’importation d’un glyphosate fabriqué en Chine, ne présentant pas suffisamment de garantie. Si le glyphosate devait être interdit en France, la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle continuer à autoriser cette substance ?

En attendant, une mission d’information parlementaire sur les pesticides, créée en octobre 2017, a rendu son rapport en avril dernier. Il indique que la relation entre l’exposition au glyphosate et les pathologies n’est pas évidente. La mission précise qu’il est nécessaire de renforcer les dispositifs de surveillance afin de d’obtenir de données plus complètes. Le rapport souligne plus largement les dégâts importants causés par l’utilisation des pesticides, évoquant même la disparition de nombreux insectes ou encore d’oiseaux. Pour les parlementaires, il est nécessaire « de réduire drastiquement l’usage des pesticides pour tendre aussi rapidement que possible vers leur abandon ».

M.D.