Nouveau recours contre les pesticides

L’association UFC-Que choisir a déposé un nouveau recours contre un arrêté du gouvernement autorisant l’importation de pesticides en urgence aux besoins des agriculteurs. Depuis le début de l’année, cette réglementation n’est plus applicable, car annulée par la cour administrative d’appel de Paris.

Les pouvoirs publics semblent sourds aux récriminations des associations de protection de l’environnement et de défense des consommateurs. Chaque réglementation est systématiquement attaquée et, presque à chaque fois, les juges donnent raison aux associations au détriment du gouvernement, invité à revoir sa copie. Afin de contourner le problème, l’exécutif prend régulièrement des arrêtés d’urgence permettant l’importation de pesticides nécessaires aux agriculteurs grâce à un article de la loi : le recours à une procédure d’urgence « en raison d’un danger phytosanitaire (…) ou dans le but de préserver la sécurité alimentaire ». Des arguments qui sont tout aussi régulièrement battus en brèche.

Le 30 avril, le gouvernement a donc adopté deux nouveaux textes permettant l’importation de substances actives dont certaines sont agréées par l’Union européenne et d’autres non. Les arrêtés autorisent l’usage de ces produits sur une durée d’un an. Comme le rappelle l’exécutif, cette procédure d’urgence est mise en œuvre en raison de l’absence d’un comité consultatif des produits phytopharmaceutiques à usage agricole. Ce qu’il ne précise pas cependant, c’est que le comité n’existe plus suite à une décision de justice de décembre 2018 soulignant l’illégalité d’une habilitation du gouvernement par le Congrès dans des décisions qu’il était le seul à pouvoir prendre. De fait, depuis mi-décembre, le comité ne peut plus fonctionner et plus aucune substance active n’est autorisée.

Décision sans aucune expertise

Si l’UFC-Que Choisir reconnaît que certains pesticides sont nécessaires à la production agricole, elle combat le fait que l’autorisation des produits phytosanitaires ne répond à aucune procédure indispensbale à la protection de la santé humaine et de l’environnement. Elle fait valoir que la Direction des affaires vétérinaires, alimentaires et phytosanitaires a une nouvelle fois autorisé des substances actives sans aucune consultation d’experts de la Direction des affaires sanitaires et sociales. Les raisons de sécurité alimentaire et de danger invoqués par le gouvernement ne sont donc pas fondées, souligne l’association.

Problème de confiance après Agrinnov

Au-delà des arguments juridiques, elle s’étonne que suite à cette décision de justice le gouvernement a mis presque trois mois à réagir pour autoriser finalement des produits qui n’ont, pour certains, jamais été évalués en Nouvelle-Calédonie et dont la pertinence est donc plutôt incertaine. Les notices de ces substances remontent parfois à plusieurs années, du fait qu’elles ne sont plus vraiment utilisées en Europe. Plus généralement, le territoire ne dispose que de très peu d’expertise en matière d’utilisation de pesticides en milieu subtropical, ni sur les produits de substitution potentiellement moins nocifs, ce qui est pour le moins étonnant si l’on considère l’ambition du gouvernement de parvenir à une autosuffisance alimentaire.

Cette situation est d’autant plus surprenante que le forum Agrinnov, organisé par la Chambre d’agriculture et largement financé par le gouvernement et visant la réduction de l’emploi de pesticides et le développement du bio, s’est tenu il y a quelques semaines. Il a notamment été question de mettre en place un comité d’experts pour statuer sur l’efficacité des substances et l’opportunité de les autoriser. Si la création de ce comité risque de prendre du temps, on peut prendre l’exemple du comité scientifique du parc naturel de la mer de Corail, mis sur pied assez rapidement. Ce grand écart entre les déclarations et l’action publique n’est pas de nature à rétablir la confiance entre les acteurs, surtout qu’encore une fois, l’adoption de l’arrêté s’est faite dans la plus grande opacité, contrairement à ce que prévoit la loi. Cette dernière stipule que la population doit être consultée et informée, ce qui est un minimum pour un sujet aussi sensible. Il y a donc fort à parier que l’insécurité juridique qui nuit autant au développement de l’agriculture qu’aux consommateurs eux- mêmes perdure encore.

M.D.

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