Marc Zeisel « Nous sommes dans un système qui vise à l’hégémonie. »

Dixième adjoint au maire de Nouméa, cheville ouvrière du Syndicat mixte des transports urbains jusqu’à son éviction par le président de la province Sud il y a deux mois, Marc Zeisel est le suppléant d’Isabelle Lafleur pour les élections sénatoriales de dimanche prochain. Un engagement en politique qui n’a rien d’un hasard.

Vous avez été élu sur la liste de Sonia Lagarde aux municipales de 2014, quelle est aujourd’hui votre motivation dans ces élections sénatoriales ?

D’abord, c’était une demande dont j’ai été très honoré, puisque Isabelle Lafleur, de par son nom, représente l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. Je suis aussi particulièrement sensible au fait d’être le suppléant d’une candidate, car aujourd’hui les femmes n’ont quasiment plus aucune place dans les institutions calédoniennes. Mais sur le fond des choses, mon expérience d’élu à la ville, puis au SMTU, ainsi que les évolutions récentes du paysage politique ont conduit à l’émergence de ce que je qualifierais de système hégémonique qui vise à contrôler l’ensemble des institutions, le tout ayant vocation à rapporter quasiment tout à un seul homme. Et c’est cette dimension que je vais qualifier d’inquiétante pour la démocratie, c’est comme cela que je le vis et que je le perçois, et c’est ce qui m’a conduit à vouloir m’y opposer et à participer à l’opposition à ce système et donc à répondre favorablement à la proposition d’Isabelle Lafleur.

Au cours de cette campagne un peu particulière, puisqu’à destination des grands électeurs, vous avez vraiment l’occasion de faire passer ce message ?

Absolument, et autant que je puisse en juger, ce message est compris parce que j’ai l’impression que ce diagnostic-là est partagé. C’est-à-dire qu’il y a quand même un problème qui se pose aujourd’hui de pluralisme et de fonctionnement démocratique des institutions et de la sphère politique. Le mot malsain est peut-être un peu fort, mais ce fonctionnement ne correspond pas au fonctionnement normal, à la logique du dialogue entre une majorité et une opposition. Et puis, un autre aspect des choses me semble important aussi, c’est la situation économique. Toutes les informations auxquelles nous pouvons avoir accès, notamment sur la baisse prévisionnelle des recettes publiques des collectivités, sont inquiétantes et elles sont le signe avéré d’une situation économique qui se dégrade. Il est légitime que quelqu’un porte la voix de cette inquiétude et de la nécessité de changer de politique économique pour essayer de faire face à une telle situation.

Vous êtes suppléant dans une élection importante, la dernière avant le scrutin d’autodétermination de 2018. Comment abordez-vous cette échéance à titre personnel et dans ces derniers jours de campagne ?

Pour commencer, on peut se demander quel est le bilan des initiateurs de la plateforme qui se sont succédé au pouvoir depuis près d’une quinzaine d’années au moins, et qui sont aujourd’hui ensemble, dans le domaine spécifique de l’avenir institutionnel. Il n’est pas très brillant, puisque l’un préconisait un troisième accord et l’autre nous a inventé le référendum éclairé. Et qu’en est-il maintenant ? Rien du tout.

Aujourd’hui nous allons vers un référendum que je vais qualifier de « sec », qui n’est ni plus ni moins que la transcription de l’Accord de Nouméa tel que prévu avec une question très simple autour du transfert des compétences régaliennes. C’est peut-être d’ailleurs une bonne chose, parce que cela évite des manipulations ou des évolutions qui pourraient être tendancieuses et nous amener là où on ne veut pas aller ou, pour être plus clair, à sortir de la République française. Mais je trouve que l’exemple de ces gens qui ont discuté, annoncé, promis des choses… est révélateur. Rien ne s’est passé.

A contrario, je préfère et de loin la posture d’Isabelle Lafleur qui dit : « Allons au référendum tel qu’il est prévu par l’Accord, voyons le résultat qui sera le maintien dans la République française et ensuite négocions sur des éléments pour le futur dans ces nouvelles conditions où tout le monde devra se mettre autour de la table. » Enfin, l’autre raison pour laquelle j’ai accepté de m’engager, concerne le cas spécifique des non- citoyens. Moi-même je suis un non-citoyen, ce qui signifie que je n’aurai pas le droit de participer ni au scrutin référendaire ni au scrutin provincial, alors même que je serai président de bureau de vote. C’est à la fois inique et c’est aussi un déni de démocratie. Et cet enjeu-là, celui des droits civiques en quelque sorte et de l’intégration des non- citoyens dans le corps électoral est selon moi un enjeu crucial de l’après-référendum.

Propos recueillis par C.V.