Mise à l’écart et écran de fumée

Le petit bocal politique calédonien est depuis quelques jours maintenant agité d’une sorte de tsunami médiatique. Il est même désormais permis de parler de « l’affaire des collaborateurs »… 

La semaine dernière, Calédonie ensemble a pris la décision de limiter à un le nombre de collaborateur alloué aux membres du gouvernement Union pour la Calédonie dans la France et Front pour l’unité (Sonia Backes, Cynthia Ligeard et Bernard Deladrière) au prétexte que ces derniers se situaient dans l’opposition. C’est osé et sans doute illégal.

Le règlement intérieur du gouvernement stipule en effet que « chaque membre du gouvernement dispose de moyens humains en rapport avec l’étendue, du ou des secteurs qui lui sont dévolus ». Il n’est donc nullement question de majorité ou d’opposition.

Comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement puisque le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie « est chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence », comme le précise l’article 128 de la loi organique.

Depuis lors, médias classiques et réseaux sociaux relayent attaques et contre-attaques, menaces et invectives.

Plainte contre X

Les trois personnes directement concernées par cette « fatwa » émise par le « mufti Germain » ont logiquement porté l’affaire devant la juridiction administrative pour obtenir réparation et revenir, a minima, à trois collaborateurs chacun, ce qui paraît plus en rapport avec les secteurs qui leur reviennent et pour lesquels ils se sont tous dits prêts à travailler.

Sans présager de ce que pourrait être son jugement sur le fond, le tribunal administratif a toutefois estimé cette semaine qu’il n’y avait pas urgence à statuer.

Pour corser l’affaire, le porte-parole du gouvernement a confirmé en milieu de semaine qu’une plainte contre X serait déposée devant le tribunal correctionnel pour un « délit de détournement de fonds publics » concernant un collaborateur de Sonia Backes qui aurait indûment perçu des indemnités en 2014.

C’est indéniable, aprés la guerre de tranchée conduite pendant la quasi-totalité de la mandature 2009-2014 et après les escarmouches incessantes depuis la mise en place des institutions issues des élections provinciales de mai 2014, les hostilités et surtout les coups bas, ont officiellement repris entre les partisans affichés du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France.

Transparence 

Au yeux de l’opinion, l’affaire est fort peu glorieuse, ni d’un bord, ni de l’autre,  et mériterait à coup sûr des clarifications juridiques.

Et puisque chacun appelle à la transparence, pourquoi ne pas franchir le Rubicon et encadrer les rémunérations de ces personnels de manière plus stricte ?

à l’instar de ce qui existe dans les ministères nationaux, et pour la bonne information du public, pourquoi ne pas publier au journal officiel de la Nouvelle-Calédonie la liste des collaborateurs au fur et à mesure de leur nomination ou de leur mutation ?

Ces solutions n’empêcheront pas les critiques, elles ne pourront pas régler définitivement la question de la défiance d’une partie grandissante de la population vis-à-vis de la classe politique, mais elles auraient le mérite de faire régresser l’opacité qui règne à la tête des institutions. (Car ce qui est vrai au gouvernement l’est tout autant dans les provinces).

Maintenant sur le fond, l’affaire des collaborateurs est davantage un prétexte de plus pour s’assurer de l’hégémonie du clan loyaliste. Toutes ces intrigues ressemblent fort un nouvel écran de fumée pour masquer quelques manœuvres sur des dossiers autrement plus stratégiques pour l’avenir du pays qu’il s’agisse de la politique minière, du corps électoral ou de la fiscalité.

Et franchement au moment de préparer un Comité des signataires extraordinaire, à l’heure où l’inquiétude grandit en province Nord autour des difficultés rencontrées par l’usine de Doniambo, la Nouvelle-Calédonie ne mérite-t-elle pas mieux que ce pugilat ?