Manuel Valls vient glisser sa patte dans un calendrier institutionnel bien chargé

French Prime Minister Manuel Valls delivers his new year address to the press in Paris on January 28, 2016. / AFP PHOTO / ALAIN JOCARD

Décidément, la proximité du référendum attire tout le beau linge métropolitain en Calédonie : ils ne savent donc pas que c’est la saison des dépressions successives ici ? Après le Premier ministre et avant le président de la République, c’est la mission Valls qui s’invitera sur le territoire à compter du 17 février. Alors que la date du référendum n’est pas encore arrêtée et que la question du scrutin fait toujours débat, comment y voir clair ?

Président de la fameuse mission parlementaire sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls est attendu sur le territoire du 17 au 24 février. Moins d’un mois donc, avant le dernier Comité des signataires précédant le référendum. Il serait accompagné a minima du rapporteur de la mission, Christian Jacob (LR), et de Yaël Braun-Pivet (LRM), qui siège à la commission des lois de l’Assemblée nationale.

« Trente ans d’acquis ne s’effacent pas ! »

L’ancien Premier ministre a précisé l’objet de son déplacement, lors d’une visite de la Maison de la Nouvelle-Calédonie, à Paris, le 25 janvier dernier. S’il espérait, du temps où il était à Matignon, « l’émergence d’un troisième accord », Manuel Valls reconnaît « qu’à ce stade, il est évidemment trop tard ». Et qu’il faut aller au référendum, « dans les meilleures conditions » : c’est-à-dire en comprenant que « le référendum d’autodétermination n’est qu’une étape sur le chemin de l’Accord de Nouméa. Que les acquis trentenaires du vivre-ensemble ne vont pas s’arrêter du jour au lendemain… Que la route continue pour la Nouvelle-Calédonie… »

Le discours de Manuel Valls n’a pas varié d’un iota depuis son séjour sur le Caillou en qualité de Premier ministre de François Hollande. Pragmatique, comme lorsqu’il avait proposé l’aide de l’État aux trois usines métallurgiques pour leur permettre de passer « le mauvais cap de la crise du nickel » ; un tantinet idéologique quand même, lorsqu’il use du vocabulaire gomésien et prétend vouloir « éclairer les Calédoniens sur les choix qui s’offrent à eux ». Reste sa capacité d’écoute, qui n’avait pas déçu les élus calédoniens, alors qu’il était à Matignon.

Deux questions et un Congrès encore silencieux

Or à quelques mois maintenant du référendum, bien des questions font encore débat. À commencer par la date du référendum elle-même : les loyalistes ont évoqué le dimanche 28 octobre, les indépendantistes seraient plutôt favorables au dimanche 4 novembre. Pas de quoi en faire un fromage ! Début décembre, le Premier ministre, Édouard Philippe, avait invité le Congrès à prendre l’initiative de proposer une date à l’État. Le président de l’institution, Thierry Santa, s’y était engagé. Pour l’heure, la session budgétaire est close et l’on ne voit rien venir. Mais les choses « mûrissent », dit-on.

Autre inconnue : la question qui sera posée aux Calédoniens, lors du référendum de sortie de l’Accord. Là encore, les choses ont été parfaitement cadrées par le Premier ministre d’Emmanuel Macron : « simple », « compréhensible par tous », « donc forcément binaire : pour ou contre la France ou pour ou contre l’indépendance », ce que demandent en fait Les Républicains calédoniens depuis plus d’un an. Encore une fois, Édouard Philippe a invité les conseillers de la Nouvelle-Calédonie à faire une proposition de rédaction. Nul n’a saisi la balle au bond, pour le moment…

Un « facilitateur » ?

Mais, avec le mois de juin, le président Thierry Santa sait aussi que le renouvellement du bureau du Congrès approche. Alors, même si on voit difficilement comment le perchoir de l’assemblée du boulevard Vauban pourrait lui échapper l’année du référendum, le président de la première institution de l’Accord de Nouméa sait que les réponses que son assemblée apportera aux « prescriptions du Premier ministre » pèseront lourd dans la balance !

Dans ces conditions, Manuel Valls peut-il être un « facilitateur » et sa mission servir de déclencheur ? Peut-être. Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’ex-Premier ministre socialiste ne cesse de vouloir se rapprocher du pouvoir macronien et ce qu’il rapportera au président de la République de sa mission devrait le servir, lui, autant que servir la Nouvelle-Calédonie. Un sacré numéro d’équilibrisme, en quelque sorte.

L.N.©AFP