Macron : une majorité absolue à l’Assemblée nationale pour faire quoi ?

Emmanuel Macron remporte avec une étonnante facilité « le troisième tour » de son élection présidentielle en s’offrant une majorité absolue et toute dévouée à l’Assemblée nationale. Un sans-faute qui lui permet même de se dispenser des voix de François Bayrou, l’allié qui commençait à devenir encombrant à mesure que gonflait l’affaire des emplois fictifs du MoDem au Parlement européen…

Une Assemblée confortable. – Côté résultats, la donne est indiscutable en France métropolitaine pour le nouveau président de la République. Avec 308 députés, La République en marche (LREM) dispose d’une confortable majorité absolue (la majorité relative est à 189 voix) à l’Assemblée nationale, sans même s’adjoindre les 42 élus du MoDem de François Bayrou. L’ampleur de la victoire dépasse la vague rose des élus socialistes, qui ont fait leur entrée au Palais-Bourbon en 1981, après l’élection de François Mitterrand. Lui, devait encore composer avec ses cosignataires du « programme commun » (communistes et Radicaux de gauche). Emmanuel Macron peut gouverner seul et s’affranchir de toutes obligation d’alliance… S’il le souhaite.

Parfait manœuvrier. – Oui, s’il le souhaite. Car le nouveau Président, inconnu de la sphère internationale il y seulement un an, s’est montré en parfait tacticien de ce scrutin législatif. Quelle fut sa stratégie ? Se replier sur le terrain régalien des relations internationales et de la sécurité extérieure, multiplier les visites à l’étranger comme aux troupes françaises en opérations extérieures. Rien à redire, c’est de sa compétence exclusive ! Voilà qui rappelle singulièrement encore une fois le comportement de François Mitterrand en 1988, à la veille de sa réélection. En clair et en moins d’un mois de campagne, Macron est rentré dans le costume de chef d’Etat de la Ve, comme un vieux briscard de la scène politique.

La campagne aux marcheurs. – Du même coup, il a abandonné la campagne des législatives à son Premier ministre, mais surtout à la dynamique de ses troupes de marcheurs : la victoire du Palais- Bourbon, c’est pour la piétaille ! À lui de ferrailler : ce qu’il a fait. Conséquence : Edouard Philippe, un presque inconnu qui ne brillait guère pas le coefficient de sympathie qu’il attirait à lui, a pris de l’épaisseur politique et l’étoffe d’un chef de majorité.

Les bémols. – La facile victoire des Marcheurs, dans la tradition républicaine de donner au Président nouvellement élu une majorité pour gouverner, fidèle aussi au « légitimisme » électoral des Français, ne doit pas faire oublier que presque six électeurs sur 10 seulement ont participé à la recomposition de l’Assemblée. Comme en Calédonie, l’abstention a atteint des records. Aussi, les chiffres et la majorité absolue de Macron ne sont pas des blancs-seings pour dérouler sa politique, encore assez floue du reste. A contrario, l’Assemblée est de moins en moins « nationale », dans le sens où elle reflèterait l’opinion de la nation. D’où aussi, les voix qui commencent à s’élever pour réclamer « une dose de proportionnelle » dans cette élection. Et pas qu’au Front national…

Perdants, mais rescapés. – Le Parti socialiste laminé, avec une quarantaine de députés si l’on compte ses alliés, est privé de la plupart de ses ténors et fait quasiment jeu égal avec « la gauche de la gauche » qui totalise moins d’une trentaine de députés : Insoumis et communistes additionnés. Une représentation « résiduelle », pourrait-on dire au Palais-Bourbon, qui rendra les uns et les autres certainement moins audibles, malgré la présence de quelques « grandes gueules » parmi leurs élus. Ironie du sort, l’ancien Premier ministre de Hollande et honni des socialistes, Manuel Valls retrouve son siège, bien que contesté par sa rivale : une LREM dissidente. Enfin, Marine Le Pen fait son entrée au Palais Bourbon avec sept autres frontistes.

Baroin endigue la citadelle républicaine.– De son côté, le sénateur François Baroin sauve les meubles des Républicains à l’Assemblée, avec 113 élus auxquels s’ajoutent 18 UDI (dont les deux députés calédoniens) et 6 divers droite. L’opposition républicaine a donc bien résisté dans ses circonscriptions et peut tabler sur un socle de 130 voix minimum et entamer une « politique de reconquête », comme le souhaite le maire de Troyes. Parmi les « bleus » de cette nouvelle mandature, les Républicains disposent en outre du plus grand nombre de députés « aguerris » : ce qui leur confère un avantage parlementaire certain, du moins à court terme. À moins que Macron entame, lui, ce socle et suscite de nouvelles défections pour le rejoindre à l’Exécutif.

Les clefs du remaniement gouvernemental.– Car le nouvel enjeu qui s’avance est bien « l’ajustement » du gouvernement à la nouvelle donne législative. Sur le papier, Macron aurait pu décider de ne rien changer. Tous les ministres d’Edouard Philippe ont en effet passé avec succès le second tour de scrutin. Même la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, pourtant en fâcheuse posture à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais, il était clair aussi que Richard Ferrand, éphémère ministre de la Cohésion des territoires, réélu mais englué dans l’affaire des Mutuelles du Mans, allait être « exfiltré » du gouvernement. D’autant qu’Emmanuel Macron compte désormais sur son fidèle pour diriger le nouveau (et pléthorique) groupe LREM à l’Assemblée.

Coup de théâtre, hier au MoDem. – Mais c’est surtout l’affaire des emplois fictifs du MoDem au Parlement européen qui risquait de rattraper l’Elysée et Matignon… Puis, tout s’est précipité mercredi soir pour nous, après que la ministre des Armées, Sylvie Goulard ait déjà annoncé quitter le gouvernement pour mieux se défendre dans cette affaire. Quelques heures plus tard, François Bayrou, déjà sur la sellette, lui a emboîté le pas en quittant le ministère de la Justice, suivi par Marielle de Sarnez, secrétaire d’État aux Affaires européennes. Conséquence : il ne restait plus aucun ministre du MoDem au terme de cette journée un peu folle.

Et maintenant ? – Emmanuel Macron n’avait aucun avantage politique à se priver du MoDem au gouvernement, même si pour beaucoup les nouveaux députés marcheurs fraîchement élus préféraient toujours resserrer les rangs autour de leur seul projet. Le Président pourrait donc choisir de remplacer les sortants par d’autres figures de la sensibilité centriste. Ou pas…

M.Sp.


Qui pilotera le dossier calédonien à Paris ?

Toutes les formations politiques loyalistes le clament sur tous les tons : « Il n’y a plus dans les instances gouvernementales parisiennes de connaisseurs du dossier calédonien. » Même Alain Christnacht aurait été écarté de son rôle de « sachant » par la nouvelle équipe Macron. Ce n’est certes pas la première fois, mais c’est un signe. Depuis, les rumeurs courent et des noms circulent : des anciens comme Yves Dassonville ou Jean-Jacques Brot comme des nouveaux marcheurs issus des fidèles du Président depuis Bercy. Seule véritable certitude : la Calédonie restera dans le champ de compétence de l’Elysée, avec délégation de l’opérationnel à Matignon. Les deux présidents des assemblées continueront à exercer un droit de regard, très pointu, dit-on du côté de chez Gérard Larcher, le président du Sénat.