L’Usoenc dénonce la stratégie d’Eramet

L’Usoenc et le Soenc nickel sont plus qu’inquiets pour l’avenir de la SLN. Ils dénoncent une stratégie d’Eramet qui ne dit pas son nom. Le syndicat appelle à une réaction rapide et à des investissements afin de sauver véritablement la SLN.

Les responsables du Soenc nickel et de l’Usons sont plus qu’inquiets après la venue de Christel Bories, la présidente directrice générale d’Eramet, maison-mère de la SLN. Et pour cause, si la P-DG n’a rien annoncé de concret, elle a rappelé les trois piliers du plan de sauvetage imaginé par la direction de la SLN et le groupe Eramet et prévenu que des décisions devront être prises si la mise en œuvre du plan n’est pas assez rapide, sans donner plus de précision. Pour le syndicat, ces décisions relèvent de la fermeture, provisoire ou partielle. Ils sont d’autant plus inquiets qu’ils observent une absence de réaction des partis politiques qui ne semblent pas prendre l’affaire au sérieux.
Pire, ils s’interrogent même sur la possibilité que les élus soient informés d’éléments dont ils ne disposent pas. « S’il n’y a pas de réaction des responsables politiques, c’est peut-être parce qu’ils sont au courant de choses qui se discutent actuellement mais qu’ils ne peuvent pas annoncer maintenant. Ils préfèrent peut-être attendre le lendemain des élections ?, s’interroge Pierre Tuiteala, le responsable du Soenc nickel. Mais nous ne pouvons pas rester comme ça. La situation est grave ! »

Échec stratégique

La situation de la SLN est désormais bien connue, mais le syndicat rappelle qu’elle est le fait d’erreurs stratégiques de la direction et non des salariés, qui sont constamment sollicités pour sauver l’outil. L’Usoenc souligne, par exemple, la décision de repousser la construction de la centrale électrique en 2008, au lieu de quoi il a été décidé de vider la trésorerie de la SLN, alors proche de 100 milliards de francs, pour les reverser aux actionnaires sous forme de dividendes. Une décision qui a été suivie par une décision de ne plus la faire du tout en 2016, obligeant la puissance publique à assurer son financement alors qu’elle bénéficie de manière de plus en plus minoritaire à la population.

Sur la question de la négociation du prix de l’électricité, l’Usoenc se déclare d’ailleurs contre le fait que la diminution du tarif accordé à la SLN se traduise par une augmentation pour les particuliers. Milo Poaniewa, le secrétaire général de l’Usoenc, souligne que la solution doit passer par le lancement immédiat du chantier de la future centrale. Comme l’ont montré les études, quatre ans seront toutefois nécessaires à la mise en service de l’équipement.

L’Usoenc fait également huit autres propositions pour sauver la SLN. Elle propose, outre des pistes pour la centrale, de rouvrir l’atelier Bessmer, qui produisait les mattes. Safermeture a été une « erreur stratégique » qui a de fait disqualifié la SLN dans la course pour les batteries des véhicules électriques. Le syndicat est également très critique sur les exportations, même s’il n’y est pas opposé. Il fait valoir que les Calédoniens n’exportent pas de minerai pauvre. « C’est de la connerie totale !, lâche un syndicaliste. Le minerai pauvre, c’est juste ce que l’on ne peut pas enfourner ici, mais une teneur pauvre en Calédonie, c’est une teneur élevée ailleurs. »Les syndicalistes dénoncent l’exportation de minerai à une teneur en nickel comprise entre 1,4 et 1,8 % au même prix que du minerai indonésien ou philippin d’une teneur maximum de 1,4 %. Il est proposé de mettre en place une taxe sur le minerai en fonction de sa teneur.

Investir dans un outil « pourri »
Toujours sur la question des exportations, Pierre Tuiteala regrette qu’il n’existe encore aucune stratégie en la matière. « On va accepter d’exporter quatre millions de tonnes de minerai pour sauver la SLN, mais il n’y a aucun retour pour le pays. » Selon le syndicat, les quatre millions de tonnes exportées vont rapporter 16 milliards à la SLN, contre 70 milliards de francs à la sortie du four. « Ces 70 milliards vont bénéficier à d’autres, estime encore Pierre Tuiteala, et notamment à des concurrents chinois qui produisent de la fonte ce qui fait chuter les prix. » En matière d’exportation, Paul Néaoutyine a une nouvelle fois indiqué que la SMSP et ses différentes filiales étaient prêtes à racheter le minerai de la SLN au prix du marché, allant même plus loin dans une interview accordée à nos confrères des Nouvelles calédoniennes. Le leader indépendantiste annonce qu’il fera prochainement des propositions de joint-venture, probablement à la SLN.

Le syndicat pointe clairement un « échec stratégique » et, d’une certaine manière, la volonté de démanteler l’outil industriel pour ne garder que l’exploitation des mines. Fatigués d’être constamment stigmatisés, les salariés ne veulent plus être les seuls à payer au prix fort les mauvais choix de la direction et du groupe Eramet, à commencer par les investissements à Weda Bay, mais aussi les grues dont une est aujourd’hui à l’arrêt, selon le syndicat. L’Usoenc réclame qu’après avoir laissé l’outil tomber en ruine, pas loin d’être « pourri », des investissements importants soient engagés rapidement pour remettre l’usine à niveau.


Autorisation des exportations

Le gouvernement a autorisé la SLN et la NMC à exporter du minerai. La SLN a ainsi été autoriséeà exporter quatre millions de tonnes de minerai sur 10 ans pour des teneurs en nickel inférieures ou égales à 2 % par cargaison et inférieures ou égales à 1,8 % en moyenne annuelle. La SLN dispose d’autorisations pour exporter vers le Japon, mais aussi la Chine. Le gouvernement prévoit la possibilité que la SLN trouve un accord avec la NMC (filiale de la SMSP). Dans ce cas, les volumes exportés seront déduits des volumes exportés vers la Chine. La SLN devra toutefois montrer que sa stratégie fonctionne. Elle recevra l’autorisation d’exporter deux millions de tonnes en 2019 et devraitfournir un rapport complet en 2020 et 2021 afin de d’obtenir l’autorisation pour ses quatre millions de tonnes. De son côté, la NMC a obtenu l’autorisation d’exporter 460 000 tonnes de minerai à une teneur moyenne de 1,65 % vers son partenaire chinois.

M.D.