L’histoire sans fin

Dans la série des rouleurs et mineurs contre le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, l’affaire a été portée cette semaine sur le terrain judiciaire avec la saisine pour avis du tribunal administratif par le haut-commissaire. Elle reste profondément ancrée dans le champ politique, avec notamment les prises de position de l’Union calédonienne à la veille de la Fête de la citoyenneté.

Piqué au vif par la réaction du président du gouvernement, le haut-commissaire, qui avait osé la semaine dernière émettre des doutes sur la légalité de la demande de session extraordinaire du Congrès sur le dossier nickel, a donc choisi de se tourner vers le tribunal administratif pour trancher la question en droit.

En prenant cette décision, Vincent Bouvier est dans son rôle et exerce pleinement les compétences qui lui sont dévolues par l’Accord de Nouméa. On ne peut que se féliciter d’une telle initiative qui, si elle permet d’y voir plus clair dans cette histoire de saisine de la première institution du pays par l’exécutif, n’en réglera pas moins la question sur le fond. Le haut-commissaire en a parfaitement conscience quand il indique que si un débat politique est absolument nécessaire sur la stratégie nickel, la décision d’autoriser ou non des exportations de minerai est du ressort exclusif du gouvernement.

En l’état actuel des choses, seul le président Germain peut inscrire cette question à l’ordre du jour puisqu’à défaut d’une attribution du secteur de la mine à un membre indépendantiste, c’est lui qui en a la charge. Une charge qu’il n’assume pas juge, l’Union calédonienne qui s’est exprimée sur le sujet en milieu de semaine, deux jours après la tenue d’une commission exécutive très attendue (lire ci-dessous). Pour le parti de Daniel Goa, non seulement le gouvernement doit impérativement inscrire et valider, au cas par cas, la question des exportations vers la Chine qui lui ont été soumises dès le prochain ordre du jour, mais en plus, l’UC indique qu’elle approuvera le vœu déposé par les Républicains de soutenir ces exportations. Elle juge également que le fonctionnement général de l’exécutif est défaillant et compte bien en saisir directement Philippe Germain pour lui demander de s’expliquer sur son attitude. Outre le fait que ces affirmations viennent confirmer que le protocole d’accord signé il y a un mois prévoyait bien cette validation d’exportations ciblée, elles entretiennent aussi la menace de voir le président du gouvernement perdre la majorité acquise in extremis le 1er avril dernier lors de son élection précipitée.

Face à cette menace bien réelle de voir Calédonie ensemble désavoué, il n’est pas surprenant de voir enfler la rumeur du possible dépôt d’une motion de censure au Congrès. Et même si rien n’indique, à ce stade, qu’elle puisse obtenir le nombre de suffrages nécessaires, le doute plane sur la pérennité de l’attelage en place route des Artifices.

Inquiétudes

de terrain 

Les  partisans de la doctrine nickel de la province Nord n’ont pas attendu cette prise de position pour confirmer qu’ils organiseraient aujourd’hui, une marche dans les rues de Nouméa pour faire part de leur opposition totale aux exportations vers la Chine et plus généralement pour répéter qu’ils sont favorables à la prise de participation majoritaire de la Nouvelle-Calédonie et de ses provinces dans l’activité minière et métallurgique du pays.

Et même si les promoteurs de cette marche s’en défendent, c’est bien dans la rue désormais qu’ils souhaitent eux aussi porter le combat avec le soutien actif et revendiqué de Calédonie ensemble dont les réseaux ont abondamment relayé cette semaine les appels à se joindre à cette manifestation. De leur côté, sur le terrain, rouleurs et mineurs ont fait part de leur exaspération. Ils ont, à juste titre, le sentiment d’être « baladés », mais surtout, ils considèrent que le président du gouvernement renie sa signature, celle du protocole d’accord qui pour eux, prévoyait explicitement que la question des exportations vers la Chine serait inscrite à l’ordre du jour du gouvernement. Manœuvres dilatoires disions-nous la semaine dernière, cela s’est malheureusement confirmé cette semaine. Et face à cet énième blocage, soi-disant institutionnel mais qui n’abuse plus personne, la menace est réelle désormais de voir les oppositions politiques se transformer en affrontements sur le terrain. Et une nouvelle fois, ceux qui ont allumé les mèches se montrent incapables d’apaiser le débat, tout au contraire.