Les planches à tout prix

Le Théâtre de l’Île ouvre sa saison à la fin de la semaine. Malgré les difficultés budgétaires, l’établissement a tout fait « pour que le public s’y retrouve ».

« L’avenir du théâtre est sombre, Shakespeare est mort, Molière est mort, et le Théâtre de l’Île lui-même ne se sent pas très bien »… C’est par cette phrase, très parlante, inspirée d’une citation du dramaturge irlandais George Bernard Shaw que Dominique Clément-Larosière a ouvert la saison 2018 du Théâtre de l’Île.

En cette époque de disette budgétaire, le directeur de l’établissement, pour le moins remonté contre les coupes perpétrées sur la culture, a appelé les Calédoniens à être curieux, partisans et « presque à entrer en résistance » en allant à la rencontre du spectacle vivant.

Et dans ce contexte, il a tenu à saluer l’engagement et le dynamisme des compagnies locales et extérieures « qui ont bien voulu jouer le jeu » en n’étant… pas trop gourmandes. Avec elles, a-t-il ajouté, « tout a été fait au Théâtre de l’Île pour susciter l’intérêt des spectateurs. Nous avons malgré tout réussi à garder une cohérence artistique avec de très très belles choses ». Dans une salle largement toilettée, quatorze évènements sont proposés cette année.

Créations locales

La saison va s’ouvrir en cette fin de semaine avec Vie et mort de H, pique-assiette et souffre-douleur, une pièce du metteur en scène métropolitain Antoine Caubet, sur un texte de Hanokh Levin, grand auteur israélien disparu en 1999, interprétée par huit comédiens calédoniens. Ensemble, ils proposent une belle curiosité, une comédie acerbe surtout de la société israélienne.

Suivra ensuite, courant mars, une reprise de Cyrano, l’un des plus beaux textes de la langue française, d’Edmond Rostand, mis en scène par Dominique Jean qui avait rencontré un certain succès l’année dernière.

Au mois d’avril, place à Candide, de Voltaire. André Luserga avait envie de faire sa propre adaptation du conte initiatique du jeune Candide, ballotté d’une épreuve à une autre dans le théâtre de la vie. Les jeunes, étudiant cette pièce, apprécieront cet autre regard, un peu farfelu, sur le grand classique.

À ne pas manquer ensuite au mois de juillet : Marionnettes en quête d’hauteur. Après avoir découvert le théâtre à mains nues à Paris, Stéphane Piochaud a souhaité partager cette nouvelle passion avec le public calédonien. Dans un théâtre à la « guignol », une des marionnettes, qui rêve de jouer de grands textes d’auteurs, décide de faire grève. Mais les accidents et les bides fissurent le théâtre miniature jusqu’à révéler la présence du marionnettiste avec qui la poupée va devoir apprendre à collaborer…

Dominique Jean reviendra enfin en septembre pour Le Souper, de Jean-Claude Brisville. Ce fameux souper entre Fouché (ministre de la Police sous Napoléon) et Talleyrand (ministre des Relations extérieures). Sur les planches : Stefan Sontheimer et Vincent Ginguéné.

Pépites venues d’ailleurs

Le Théâtre de l’Île présente par ailleurs six pièces extérieures. En mai, nous aurons la chance de voir la pièce à succès d’Élodie Menant, d’après la nouvelle de Stefan Zweig, La Peur. La pièce se déroule au rythme haletant des angoisses d’Irène, jeune adultère traquée par l’étrange compagne de son amant.

En juin, PompierS risque de marquer les esprits. La pièce de Jean-Benoît Patricot, mise en scène par Serge Barbuscia, évoque une histoire sordide, d’une jeune femme simplette malmenée par un pompier. « Bouleversant et d’actualité », nous dit le directeur du théâtre.

En août, place au Jazz à trois doigts, un récit de Luca Franceshi, qui nous emmène dans l’Italie des années 1920-1930, auprès d’un paysan qui rêve de pouvoir vivre envers et contre tout (la guerre, la pauvreté, l’ignorance, le pouvoir…) sa passion pour la musique.

Suivra ensuite la dernière pièce d’Alexis Michalik, Intra muros. Encore une fois, le metteur en scène s’entoure de superbes comédiens dans une histoire très bien ficelée. Celle-ci est un huis clos en milieu carcéral.

La pièce suivante est un sacré défi porté par Claire Guyot : interpréter Le Misanthrope, de Molière, dans une version contemporaine et politique ! Alceste se transforme en directeur de cabinet travaillant à la campagne d’un candidat, et qui ne supporte plus le persiflage !

La saison théâtrale se terminera en novembre avec Le Quatrième mur, de Luca Franceschi et adapté du roman de Sorj Chalandon, prix Goncourt des lycéens en 2013. L’idée est de monter Antigone dans un Liban déchiré par la guerre…

L’humour sur scène

Pour la deuxième année consécutive, le Théâtre de l’Île s’associe à Musical Productions pour une série d’évènements. L’établissement accueillera ainsi deux one- man-show : Bruno Salomone, pour Euphorique (qui raconte l’histoire de « Golri, l’enfant né en riant »), et Manuel Pratt, « véritable poil à gratter scénique », pour Le meilleur du pire.

Il recevra enfin la deuxième édition des Nuits de l’humour qui avaient fait sensation l’année dernière au Mont-Dore avec Guillaume Meurice et Frédéric Sigrist. Ce sera au mois d’août, la programmation n’a pas encore été révélée…

C.M.©D.R

Tout le programme du Théâtre de l’Île est à retrouver sur www.theatredelile.nc


Quelques chiffres (2017)

25 733 spectateurs dont :

15 722 tous publics et 8 624 élèves

Taux de remplissage : 85,18 %

88 % pour les compagnies invitées

87 % pour les séances scolaires

76 % pour les spectacles calédoniens

142 millions de budget dont 85 millions de subventions.