Les finances publiques en pleine débâcle

Légèrement di érent du système métropolitain, le fonctionnement de la Nouvelle-Calédonie relève tout de même de l’État-providence. La conjoncture défavorable et la structure même des nances publiques calédoniennes rendent la situation désormais insoutenable. Un colloque sur la question s’est tenu les 12 et 13 juillet, à l’Université. Une chose est certaine, il faudra réformer et en nir avec les mauvaises habitudes.

Les taux de croissance de plus de 5 % sont bel et bien derrière nous. Si les projets métallurgiques ainsi que les grands travaux ont tiré l’économie calédonienne ces dix dernières années, voire généré une surchau e, le territoire est en phase d’atterrissage. C’est du moins l’avis de Matthieu Morando, le responsable des études de l’Institut d’émission d’Outre-mer, qui voit dans la situation un retour à la normale après les années d’euphorie et dans la crise des nances publiques, une crise de con ance des acteurs économiques.
Une opinion que ne partage pas un grand nombre d’experts présents au colloque et leurs arguments ne manquent pas. Les premiers responsables à être pointés du doigt sont bien évidemment les élus qui, malgré les recettes scales très importantes des dernières années, n’ont pas été capables de voir le retour à la réalité sur le marché du nickel, alors même que l’économie calédonienne s’est construite sur une alternance de booms et de récessions. Les gouvernements qui se sont succédé ont, au contraire, créé de nouvelles dépenses, notamment sociales avec le minimum vieillesse ou encore une meilleure prise en charge du handicap et de la dépendance. Si ces mesures étaient socialement indispensables, les élus les ont votées en dépit du bon sens et du principe selon lequel il est nécessaire d’inscrire une nouvelle recette pour faire face à une nouvelle dépense.

Des dépenses sociales qui font peur

L’exemple des dépenses sociales est le plus parfait et le plus inquiétant. Avec plus de 20 milliards de francs de dettes et un dé cit qui devrait être de l’ordre de quatre milliards de francs en 2017, le système de santé est à bout de sou e et l’argent public, qui fait défaut, ne permet plus de boucher les trous. Si les fuites ont pu être colmatées ces dernières années, les voies d’eau sont désormais trop importantes et les conséquences ne seront pas anodines. Les pharmaciens préparent une grève contre le gel des prix, le projet de fusion des trois cliniques est mal en point, faute de revalorisation du taux directeur des dépenses dans le privé et de trésorerie, après les professionnels de santé, la caisse pourrait ne plus être en mesure de rembourser les particuliers. Et c’est sans compter sur les plans sociaux de la SLN et les incertitudes autour de Vale dont les potentiels licenciements viendraient donner le coup de grâce à une Cafat bien mal en point et dont les représentants, qu’ils soient du côté du patronat ou des salariés, ne se bousculent pas pour prendre la tête du nouveau conseil d’administration.

Cette incapacité des élus à « réformer », c’est- à-dire à prendre les mesures en adéquation avec l’évolution de la société et de son environnement, les universitaires la nomment « malédiction de Juncker ». Autrement dit, les solutions aux problèmes sont bien connues, mais aucun élu n’ose les mettre en œuvre pour ne pas courir le risque de ne pas se faire réélire. Une des pistes avancées est de créer un conseil budgétaire indépendant du pouvoir politique offrant l’avantage de dissocier la décision budgétaire des contingences électoralistes. Il est toutefois très peu probable que la classe politique accepte d’abandonner une partie de son pouvoir.

Des réformes qui nécessitent du courage politique

Il faudra pourtant réformer le système économique et scal calédonien, bien au-delà de ce qui a été entrepris. Comme le rappelait Sophie Métais, du gouvernement, un grand nombre des réformes prévues par l’agenda économique et fiscal partagé a déjà été engagé. Mais de l’avis même des experts du gouvernement en charge de la mise en place de la TGC, taxe générale à la consommation, cette réforme est « molle » pour des raisons politiques et devrait passer à côté du premier intérêt d’un tel impôt, celui d’être un outil de rendement scal. Il laisse cependant peu de doute sur le fait que la TGC soit amenée à évoluer dans les années à venir, dans le sens d’une augmentation qui présentera l’avantage de passer presque inaperçue.

Contrairement à ce que certains discours laissent à penser, si le taux de pression fiscale est de 53 % en France, il est de l’ordre de 33% en Nouvelle-Calédonie, soit le niveau de la Grande-Bretagne, par exemple. Pour faire face aux dépenses publiques, la pression devra augmenter. C’est un travail de fond qu’il faudra entreprendre, d’où l’importance de conduire une ré exion aboutie sur un projet de société consensuel qui permette de dé nir quel type de société les Calédoniens souhaitent et quels types d’interventions publiques ils attendent. C’est notamment le cas sur la question du remboursement des dépenses de santé. La tentation pourrait être de renforcer la place des mutuelles au détriment de la caisse commune avec pour conséquence, une hausse des cotisations. Les conséquences pourraient être lourdes pour les personnes aux revenus les moins élevés qui, faute de moyens, ne pourront plus accéder à des soins aussi complets. D’une manière générale, l’augmentation des recettes et la baisse des dépenses semblent inéluctables, d’autant plus le territoire atteint les limites de son endettement. Maintenant que l’on ne dispose plus de marges de manœuvre, il faudra jouer carte sur table.