Les droits des enfants bafoués ?

Mercredi, était célébrée la Journée internationale des droits des enfants. Maltraitances, violences sexuelles, pressions psychologiques, négligences, astiquages… il ne se passe un jour, en Nouvelle-Calédonie, sans qu’un mineur soit victime des agissements d’un adulte et que ses droits soient bafoués. Mais, au l du temps, les langues se délient et les signalements se multiplient.

Si les associations et les institutions organisent annuellement des opérations pour sensibiliser la population sur les droits des enfants, il est rare de voir des études sur la situation qui, pourtant, fait froid dans le dos quand on regarde de plus près les chiffres. En Nouvelle-Calédonie, selon la Dpass (Direction provinciale de l’action sanitaire et sociale), l’aide sociale à l’enfance de la province Nord et l’aide communautaire de la province des Îles, plus de 1 500 enfants de 0 à 18 ans sont signalés chaque année. Des signalements qui concernent des enfants dans une situation dite à risque (éducatif, psychologique…) et, plus grave, des maltraitances physiques ou sexuelles.
Les services provinciaux chargés de la protection des mineurs croulent sous les dossiers. Depuis sa mise en place en 2016, celui de la province Sud, a recensé à lui seul 1 300 signalements en une année, alors qu’il en comptait 550 en 2015. Pour Jocelyne Chenevier-Le Moigne, présidente de l’Asea-NC (Association de sauvegarde de l’enfance, l’adolescence et de l’adulte) : « Les signalants, familles, écoles et les enfants osent de plus en plus parler et les structures sont aussi plus nombreuses pour les écouter et traiter les dossiers. Ceci dans toutes les provinces. » La présidente ajoutant : « Lors de nos opérations de prévention, nous voyons qu’aujourd’hui les enfants savent très bien qu’ils ont des droits. Mais certains n’osent ou ne peuvent pas parler. Fort heureusement, il y a de plus en plus de signalements depuis deux ans, et si l’on parle d’abus sexuels, restent les maltraitances physiques. On entend encore trop souvent dire, par exemple, que l’astiquage, c’est culturel. Il reste beaucoup de chemin à faire en Nouvelle-Calédonie pour les droits des enfants. »

Une spécificité locale

Pour le docteur Catherine Lerebours-Giboyah, auteur d’un mémoire sur le sujet, et de loin le plus percutant quand on évoque les spéci cités calédoniennes en matière de violences et de droits des enfants, « la Nouvelle Calédonie est un pays où le taux de violences envers les enfants est élevé. Les llettes et les femmes kanak étant plus exposées que les autres ethnies au viol » (voir encadré). Le médecin ajoutant que « les révélations d’enfants victimes ne cessent de croître obligeant les médecins de première ligne à réaliser les examens médico-légaux à la demande de la gendarmerie ».

Le docteur s’appuie notamment sur l’enquête sanitaire de 2002, dernière en date, réalisée sur les violences faites aux femmes où « 18 % sont sexuellement agressées avant leurs 18 ans, sans différences significatives selon les communautés, si ce n’est pour les viols qui touchent 7 % des femmes kanak et 4 % des autres ethnies et qu’avant 18 ans, 60 % des viols perpétrés le sont par un membre de la famille et répétés plusieurs fois. » Autre chiffre alarmant, 14 % des femmes ont vécu un inceste avant l’âge de 15 ans, 12 % pour celles issues de Grand Nouméa et des Îles, mais 16 et 17 % dans le Nord et le sud rural.

Les taux de maltraitances physiques et sexuelles chez les enfants restent donc préoccupants, mais fort heureusement les signalements sont de plus en plus nombreux. Ce qui permet de mettre en place des structures adaptées et de multiplier les familles d’accueil pour que tous ces enfants puissent entrevoir un avenir serein. Mais que penser quand on apprend qu’en Métropole, un homme accusé de viol sur une llette de 11 ans a, cette semaine, été acquitté, la cour estimant qu’il n’y avait pas eu de « contrainte, de menace… »


« Les fillettes kanak plus exposées »

D’après le mémoire du docteur Catherine Lerebours-Giboyah (2009), « Les fillettes et les femmes kanak sont plus exposées que les autres ethnies.» La réponse se trouve dans certaines représentations, le viol ou le passage à tabac pouvant parfois correspondre à une initiation sexuelle des jeunes hommes ou à une punition des femmes.


La Journée internationale des droits de l’enfant

Cette journée marque l’anniversaire de la signature de la Convention internationale des droits de l’enfant de l’Onu. Ce texte de 54 articles, adopté par les Nations unies le 20 novembre 1989, dé- clare qu’un enfant n’est pas seulement un être fragile qu’il faut protéger, mais une personne qui a le droit d’être éduquée, soignée, protégée, quel que soit l’endroit du monde où elle est née. Et aussi qu’il a le droit de s’amuser, d’apprendre et de s’exprimer. La convention a été ratifiée par 191 pays.


Prévenir la maltraitance des enfants

Un premier plan de lutte nationale contre les violences faites aux enfants, souvent commises dans le cadre familial, veut rendre visible un phénomène sous-estimé, engageant toute la société à « prendre ses responsabilités ». Ce pro- gramme d’une vingtaine de me- sures a été lancé en mars dernier. Il est conçu sur trois ans (2017-2019) et s’est xé quatre objectifs : quantifier et comprendre les violences, sensibiliser et prévenir, former les professionnels, accompagner les victimes.


 Pour les enfants, qui contacter ?
Si vous avez un doute, un soupçon, si vous avez vu ou entendu un enfant se faire maltraiter ou un enfant dans une situation à risque, il est de votre devoir de le signaler. Vous pouvez être fonctionnaire d’un établissement scolaire, salarié d’un centre de loisirs, d’un établissement d’accueil, être personnel de santé, de la famille, un voisin, etc. Vous pouvez faire un signalement auprès de la province Sud, au service de protection de l’enfance, de la province Nord, à l’aide sociale à l’enfance, à la province des Îles, à l’aide communautaire, à l’info signalante, la police, les assesseurs coutumiers. Et pour aller au plus simple, un numéro vert existe, le 05 44 44

C.Sch