Les déchets verts ne font plus le trottoir

La mairie l’a annoncé en prenant d’infinies précautions, les déchets verts ne sont plus ramassés sur les trottoirs. Le régime change et les Nouméens ont droit à quatre ramassages par an, sur rendez-vous, encombrants compris. Pour l’exécutif municipal, l’idée est de faire des économies mais aussi d’engager une « transition » en matière de gestion des déchets.

La mise en scène en dit long sur la sensibilité du sujet. À l’occasion d’une conférence de presse organisée par la mairie de Nouméa sur le changement dans la gestion des déchets verts, une dizaine d’élus s’est exprimée. Quelle que soit la commune, il y a des dossiers qui font hurler les administrés comme les caniveaux bouchés ou encore les poubelles non ramassées. Les déchets verts en font partie et suscitent généralement l’inquiétude des exécutifs lorsqu’ils doivent annoncer des changements dans l’organisation des services, voire pire, l’augmentation des redevances.

Suite à l’annonce d’un changement au mois de juin, la mairie de Nouméa n’a pas fait exception à la règle en voyant les réactions enflammées des Nouméens sur les réseaux sociaux. Passée la réaction épidermique, la réalité des changements a nettement moins mobilisé. Concrètement, l’exécutif met un terme à la collecte mensuelle des déchets verts par zone. À la place, les Nouméens ont la possibilité de prendre rendez-vous quatre fois par an pour faire enlever les déchets verts ainsi que les encombrants (au lieu d’une fois par mois pour les déchets verts et trois fois par an pour les encombrants qui représentent environ 3 500 tonnes par an).

120 millions de francs d’économie

La raison principale de ce changement est budgétaire. Les nouveaux principes comptables imposent aux budgets des services publics industriels et commerciaux d’être équilibrés. Si on en est encore loin, cela devra être une réalité d’ici 2019. En attendant, le coût du service était de l’ordre de 338 millions de francs en 2013 et de 226 millions en 2014 pour une centaine de millions de déficit. La réduction du service offert devrait permettre de gagner 120 millions de francs. La renégociation des marchés (collecte des déchets verts et ménagers, le traitement et la valorisation ayant été délégué au Syndicat intercommunal du Grand Nouméa) devrait être la source d’autres économies.

D’ici à ce que les nouveaux contrats soient signés en avril 2016 et mis en œuvre en avril 2017, la redevance mensuelle de 2 840 francs n’augmentera et ne diminuera pas, contrairement aux choix opérés par les autres communes de l’agglomération qui ont augmenté leur redevance mais conserve une fréquence plus importante que sur Nouméa (de 12 fois par an, le Mont-Dore passe à neuf fois, Dumbéa ramasse les déchets verts six fois par an, idem à Païta où les déchets verts sont collectés tous les deux mois. Pour les encombrants, Dumbéa et Païta fonctionnent à un rythme de deux fois par an quand le Mont-Dore passe une fois par an).

Favoriser l’activité autour des déchets

Au-delà de l’aspect financier, la commune entend mettre en place un nouveau modèle reposant sur l’engagement des citoyens pour une gestion des déchets plus rationnelle visant une meilleure protection de l’environnement et qui passe en particulier par l’appropriation des déchèteries par les habitants. Cette démarche s’inscrit également dans le cadre du développement des filières de tri entrepris par la province Sud. L’idée étant de favoriser la création d’activités autour de la gestion des déchets. Un travail qui porte ses fruits si l’on considère le nombre de sociétés créées dans le secteur des déchets ces dernières années.

D’une manière plus générale, si la solidarité et le respect de l’environnement font partie des messages délivrés par les pouvoirs publics, c’est aussi un changement profond de politique publique qui s’opère, une politique dans laquelle les collectivités servent de cadre aux opérateurs qui transforment des services publics en services privés et développent de nouvelles prestations. Si l’objectif est de faire des économies, il est également de proposer des services plus souples et efficaces.

Nouveaux bacs pour les PAV

La mairie de Nouméa déroule son programme local de prévention des déchets. Après l’installation des bacs de récupération de l’aluminium, des papiers et cartons, la collectivité va installer de nouveaux bacs sur les 32 points d’apport volontaire (PAV) permettant de récupérer le verre, en plus de la collecte qui se fait déjà dans les déchèteries. Le gisement annuel est estimé à 3 500 tonnes et la mairie espère rapidement récupérer ce tonnage. Si l’on peut regretter l’absence de consigne sur les bouteilles en verre, la filière de retraitement s’organise sérieusement. Des synergies ont été développées, notamment entre les sociétés Recy’verre, MiVi et Colas qui réutilise le verre pour la production d’enrobés. Un recyclage local qui donne tout son sens au tri sélectif.

Les quatre rendez-vous pour faire enlever vos déchets verts ou encombrants sont à prendre par téléphone au 050 060 (numéro gratuit). Trois déchèteries sont accessibles aux Nouméens, à Ducos, Magenta et au 6e kilomètre.

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Une seconde vie pour les déchets verts

Les déchets verts représentent un gisement considérable. Chaque année, la ville de Nouméa en collecte un peu moins de 10 000 tonnes. Jusqu’à il y a peu, la seule solution était l’enfouissement de ces déchets à l’ISD de Gadji. Une gabegie contre laquelle la mairie a développé un programme de co-compostage pour valoriser ces « déchets » verts mais aussi les boues issues des stations d’épuration.

Cinq mille francs la tonne pour des déchets verts enfouis. C’est ce que payent les entreprises privées pour s’en débarrasser. À raison d’une dizaine de milliers de tonnes collectées sur Nouméa… Le prix du gâchis est plutôt élevé – au-delà de 50 millions de francs – si l’on considère que ces rebuts n’en sont pas véritablement et qu’ils peuvent être valorisés.

Si la mairie de Nouméa n’a à sa charge que la collecte (le traitement a été délégué au SIGN), elle prend les devants en proposant à ses administrés une formation « compostage » au travers d’ateliers. Afin de réduire encore le volume de déchets verts et organiques, la ville ira plus loin vers la fin du premier trimestre 2016 en mettant à disposition des composteurs auprès de 400 à 500 ménages dans un premier temps. Il est toutefois très peu probable que les 8 000 tonnes de déchets verts puissent être traitées par les habitants eux-mêmes.

Du co-compostage à Nakutakoin

C’est dans cette optique qu’une plate-forme de co-compostage a été créée à Nakutakoin pour un investissement de 62 millions de francs. Gérée par le fermier des stations d’épuration (STEP) de Nouméa, la CDE, elle est exploitée par une société privée, la pépinière de la Tamoa. L’idée est de valoriser autant les boues des stations d’épuration que les déchets verts qui sont la principale problématique pour la ville de par son importance (plus de 8 000 tonnes par an).

Ouverte au mois de février, la structure a sorti son premier co-compost il y a un mois. À terme, elle sera capable d’absorber annuellement 1 100 tonnes de boues (la ville en produit environ 3 000 par an) et plus de 2 000 tonnes de déchets verts, soit une production de co-compost de 3 000 tonnes. Un produit intéressant, pas forcément pour les particuliers, mais davantage pour les professionnels à commencer par les agriculteurs. Ces derniers utilisent déjà les boues brutes des STEP qui sont épandues à même le sol afin de les enrichir. Un procédé qui est utilisé avec beaucoup de précautions pour le fourrage des animaux et pas le maraîchage. Le suivi, la traçabilité et l’analyse des boues doivent être rigoureux et sont encadrés par la Direction de l’environnement (la plate-forme relève des ICPE, installations classées) qui délivre les plans d’épandage.

Un coût qui reste à estimer

Le co-compost est le troisième produit que propose la collectivité (avec les boues brutes et les boues chaulées, mélangées avec de la chaux). C’est une manière de trouver de nouveaux débouchés et de valoriser ce qui était auparavant considéré comme des déchets finaux. Pour le moment, une quinzaine d’agriculteurs bénéficient d’un plan d’épandage. L’arrivée de ce compost devrait attirer de nouveaux professionnels de par ses caractéristiques intéressantes, une quinzaine de plans sont déjà en cours d’examen par la province. L’idée étant de trouver de nouveaux débouchés comme de pouvoir toucher davantage les pépiniéristes, à commencer par celle de la mairie de Nouméa dont le responsable doit très prochainement visiter la plate-forme.

Reste à voir combien coûtera l’opération. Cette valorisation a un coût qui n’est pas pris en charge par ceux qui en bénéficient. Le traitement est bien à la charge des usagers qui le payent via la partie assainissement de l’eau sur leurs factures (la redevance sur les déchets verts ne concerne que la collecte et pas le traitement). Dans l’état actuel des arrêtés d’exploitation, la plate-forme ne peut commercialiser son produit. Elle en peut que le céder gratuitement, ce qui ne lui permet pas d’amortir ses investissements ni de prendre en charge au moins une partie de son fonctionnement. À noter que le coût augmente si le tri n’est pas bien fait, d’où l’importance de trier correctement ses déchets verts et de ne pas les mélanger avec d’autres déchets, en particulier ceux en plastique. Mais avec le temps et l’amélioration du process, on peut espérer une réduction de la charge pour la collectivité.

M.D