Les croisières aux Chesterfield en question

Une croisière passant par les îles Chesterfield ? C’est le projet imaginé par la compagnie Ponant, qui prévoit ses premiers voyages dans la région à l’horizon 2019. Tandis que la réglementation effective du parc naturel de la mer de Corail reste suspendue à la mise en place d’un nouveau gouvernement, des questions se posent pour l’avenir sur l’autorisation ou non de ce type d’activité dans de tels sanctuaires.

« Trésors cachés de la Nouvelle- Calédonie », c’est ainsi que la compagnie Ponant, spécialiste métropolitain de croisières de luxe à taille humaine (92 cabines pour 200 personnes), a nommé son nouveau voyage, qui devrait être inauguré en avril 2019, pour 14 jours et 13 nuits.

À bord du navire Lapérouse, encore en chantier, les croisiéristes
partiraient d’Auckland, pour rejoindre la Baie des Îles à Waitangi, puis l’îlot Kouaré, Lifou, les Bélep et enfin les îles Chesterfield décrites comme un « véritable paradis pour les amoureux de la nature » et offrant à ses « rares visiteurs de longues plages immaculées, refuge de milliers d’oiseaux marins ».

« Consultation des Calédoniens »

L’idée de ce périple, tout à fait possible au regard de la loi actuelle, a fait s’étrangler la présidente d’Ensemble pour la planète. Martine Cornaille a rappelé que la réserve des Chesterfield, bien que ne bénéficiant pas du même degré de protection que les récifs d’Entrecasteaux, constitue néanmoins un sanctuaire corallien (résistant pour l’instant aux phénomènes de blanchissement !) de poissons et d’oiseaux marins. Et la présidente de réclamer « des mesures visant à l’interdiction des touchées aux Chesterfield » et plus largement « la consultation des Calédoniens » quant au développement la croisière en Nouvelle-Calédonie.

Limiter ou interdire ?

Concrètement, le sujet avait déjà été évoqué lors des discussions entre les différents partenaires du comité de gestion du parc naturel de la mer de Corail dont le futur plan viendra réglementer la zone. Et les autres organisations environnementales ont également fait part de leurs réserves. Le directeur du WWF, Hubert Géraux, prévient que l’organisation sera aussi intransigeante sur la protection des archipels éloignés représentant « les derniers vestiges de la biodiversité insulaire ».

Cependant pour le WWF, « le tourisme de masse, qui serait effectivement une catastrophe, n’est pas à l’ordre du jour ». Et si le WWF estime que tout n’est pas possible dans ces zones, il ne pense pas non plus que tout est à interdire. « On a déjà évoqué une collaboration avec les pêcheurs qui peuvent, dans cette zone, faire office de « sentinelles » contre les ‘blue boats’. On pourrait aussi trouver des zones de mouillage où il y a moins d’enjeux et imaginer une collaboration avec des opérateurs touristiques, avec des passages autorisés, encadrés, des observateurs nommés par le comité de gestion, une collecte de données, des contributions financières, des visiteurs qui ne descendent pas, mais observent de loin comme cela peut se faire en Europe ou au Canada dans les réserves intégrales marines ». Quoi qu’il en soit, selon Hubert Géraux, les choses doivent être « faites dans l’ordre », les activités à bannir ou à autoriser prises une par une (prospection des hydrocarbures, pêche, tourisme…), les zones bien délimitées, les conditions de présence dans la zone élaborées avec le plus grand soin. « On parle d’un des plus grands parcs au monde, nous n’avons pas le droit à l’erreur ».

Le gouvernement a, de son côté, confirmé que les Chesterfield étaient bien une zone prioritaire et à enjeux dans le parc et qu’un haut niveau de protection pour l’ensemble des récifs pristines était prévu. Le comité du plan de gestion pourra se réunir dès que les affaires auront reprises au gouvernement. En attendant, sur le terrain, le travail se poursuit pour en savoir toujours plus sur les espèces, les écosystèmes. De quoi peser dans les discussions et parvenir, espérons-le, aux bonnes décisions.

C.M. ©E.Vidal IRD