Les chrysalides devenues papillons

Après une pause l’année dernière, l’élection de Miss Papillon est revenue en 2015. Près de 600 personnes ont assisté à cet événement, samedi soir, à l’Arène du Sud. Cette élection vise à mettre en valeur les transsexuels calédoniens, une communauté souvent mise à l’index qui ne cherche pourtant qu’à faire correspondre leur sexe à leur identité.

Des monstres. Cela peut choquer mais c’est de cette manière-là que certaines personnes voient encore les transsexuels. Pour faire simple, un transsexuel est quelqu’un né avec le mauvais sexe, un homme qui serait né femme et vice-versa. On parle alors d’identité sexuelle, à ne pas confondre avec l’orientation sexuelle. En Calédonie comme ailleurs, cette communauté dérange, fait peur.

Les aspirations de ces femmes et de ces hommes sont pourtant souvent les mêmes que celles de n’importe quelle personne « normale ».  C’est d’ailleurs un peu l’idée de cette élection de Miss Papillon. « Il ne s’agit pas que d’une élection de beauté, insiste Amour Chanel Taofifenua, la marraine de l’élection, elle-même Miss en 1983 et dans le sud de la France en 2010. Nous essayons de faire intégrer les filles dans la société, qu’elles puissent trouver du travail. »

Leçon de tolérance 

Même si les mentalités ont évolué ces dernières années, il reste encore du pain sur la planche. « Si nous pouvons nous habiller en femme aujourd’hui, c’est grâce aux femmes comme Amour qui nous ont ouvert la porte », explique Brahima Hakula-Mauvaka, la lauréate de l’édition 2015. C’est désormais aux jeunes concurrentes de prendre le relais et de préparer le terrain pour les générations futures en transmettant un message de tolérance.

Comme l’a rappelé Brahima sur scène samedi soir, toutes les filles ont des parcours différents, plus ou moins difficiles. « Contrairement à beaucoup de mes sœurs qui sont rejetées par leur famille, explique Miss Papillon 2015, j’ai eu la chance d’être soutenue par mes parents depuis très jeune. » Une ouverture d’esprit que ses parents doivent aux enseignements du rejet d’une des tantes de Brahima, elle-même transsexuelle, il y a quelques années. Les a priori sont partout et même là où on ne les attend pas.

« J’avais une vision très restreinte de la transsexualité, confie la lauréate. Je dénigrais la prostitution, pour moi, le seul moyen de réussir passait par l’école. Mais toutes n’ont pas eu la chance de réussir à l’école et elles n’ont pas le choix d’un autre métier. Cela m’a permis à moi aussi de changer de regard. Aujourd’hui, elles font partie de mes amies. Certaines filles ne voient pas de porte de sortie. C’est pour cela qu’elles se tournent vers le port autonome, là elles se sentent femme », précise Amour.

Éviter les amalgames

Si la prostitution est une réalité dans la communauté transsexuelle au même titre que la violence ou les addictions, ce n’est pas non plus un passage obligé. De nombreux transsexuels travaillent dans les administrations, les associations ou encore pour des entreprises privées sans que personne n’y trouve rien à redire, même si on les voit encore trop « comme des courtisanes, sans leur laisser le bénéfice du doute. On ne voit pas qu’elles ont des compétences, qu’elles ont une vraie valeur », fait fermement valoir Brahima. C’était d’ailleurs une des motivations de la Miss que de mettre fin à cet amalgame.

Et le message semble être passé. Mondy Laigle, Miss Calédonie 2014, invitée spéciale, l’a glissé en fin de soirée, sur scène « [elle] n’a vu défiler que des femmes ». Après une édition 2013 plus intimiste, la marraine Amour a voulu voir les choses en un peu plus grand. Un défi réussi grâce à un investissement très important de l’association Homosphère. De la petite salle du foyer vietnamien, les Miss sont passées à l’Arène de Païta. Les élus étaient également de la partie. Consciente de représenter sa communauté, Brahima se dit prête à répondre à toutes les sollicitations d’organisateurs d’événements. Avec un petit sourire, elle explique même que ce serait un honneur d’être invitée en tant que jury à l’élection de Miss Calédonie. À bon entendeur !