Les bâtisseurs de Futuna

Le centre Tjibaou lancera sa saison 2017 ce vendredi, lors d’une soirée ouverte au public. L’occasion de découvrir la très belle exposition photographique « Les bâtisseurs de Futuna », signée Théo Rouby.

Le thème n’est pas commun. Les sujets non plus. Informé en 2015 de la construction et rénovation simultanée de deux « chapelles » à Tavai et Vaisei, suite au passage du cyclone Thomas, il y a cinq ans, Théo Rouby, photographe et journaliste, s’est dit qu’il tenait peut-être là un sujet de travail à approfondir : prendre le prisme de ces constructions pour raconter cette île oubliée du Pacifique, et son peuple, que l’on connaît davantage à Nouméa. Il s’est finalement lancé dans un voyage de trois semaines « sans rien préparer », laissant place à la « spontanéité » et aux rencontres, se plongeant dans le quotidien des familles, au rythme des constructions.

Des chantiers pour dire beaucoup

Sa série photographique nous mène d’abord à travers des chantiers d’un « autre âge ». Les Futuniens construisent ces nouvelles églises toujours pieds nus et sans aucune protection, parfois à des hauteurs vertigineuses. Les échafaudages peuvent être assemblés avec de simples planches et des troncs de « bois de fer », le béton préparé avec du sable de la rivière ou du bord de mer.

Le courage est une affaire sérieuse et « valorisé chez les plus jeunes » en particulier. Les tâches apparaissent fastidieuses et réalisées avec peu de moyens. On comprend que la foi n’est pas un vain mot. Les édifices gigantesques, entre flancs de montagne et bord de mer, sont financés par les habitants lors des kermesses. Leur splendeur contraste avec l’état, plus vétuste, de certaines habitations, et leur nombre avec la faible population de l’île (3 000 âmes).

Exode

Le travail de Théo Rouby questionne en filigrane les notions d’exode, de développement, de pauvreté. En 10 ans, 30 % des jeunes de 24 à 30 ans ont quitté leur île pour rejoindre principalement Nouméa. À Futuna, seulement quelques familles ont accès au travail (trois sur 30). Et il y a sur place, dit le photographe, un « sentiment d’abandon ». L’ambiance d’ailleurs semble un peu « compliquée », empreinte de « nostalgie ». Les visages sont généralement sérieux, la lourdeur des températures tropicales pèse sur les épaules.

Et l’on comprend que ces chantiers démesurés ne sont pas seulement une affaire de religion. « Dans ce contexte, la construction d’églises perpétue la cohésion de la communauté et la transmission de nombreux savoirs. Elle se révèle comme le dernier ciment d’un mode de vie qui s’effrite, sous la forte influence du monde extérieur », raconte le photographe.

Mais la vie ne s’arrête pas là. Partout la communauté est organisée, investie, et Théo Rouby a choisi d’apporter cette perspective via quelques clichés. Le lien à la terre est encore fort, on observe les champs de taros, le four traditionnel, la réalisation des « siapos » (tapas)…

Mouvement et interaction maximale

La technique de Théo Rouby, dont le projet était de « toucher, à travers un reportage humain », est essentielle. Lui qui « n’aime pas la distance avec les sujets », est au plus près. Le cadrage est « spontané », l’approche « dynamique ».

Et, afin de valoriser davantage la perspective des bâtiments et des cadrages géométriques, il n’a pas détaché la focale grand-angle de son appareil. De quoi faire partager un peu plus l’engagement de ses hôtes…

Théo Rouby aura eu quelques difficultés, la hauteur, mais également les contre-jours et le temps très changeant de Futuna, alternant en permanence entre un ciel chargé et des éclaircies naissances. « Les îles du Pacifique n’offrent pas toujours les paradis promis par les cartes postales », conclut-il.

Les transformations que traverse cette société parleront certainement au-delà de Futuna…