Les 27 députés ultramarins

Près de 1,7 million d’ultramarins étaient appelés aux urnes pour élire leurs députés dimanche. Comme ailleurs, le rendez-vous n’a pas franchement mobilisé. Et on a vu, là aussi, un certain renouvellement s’opérer, mais pas de vague La République en marche. L’Outre- mer reste parfaitement dans la diversité.

On ne s’est pas pris de passion pour ce scrutin en Outre-mer mais la participation a été très contrastée avec de très bons résultats à Wallis-et-Futuna (participation à 80,08%) ou franchement mauvais en Guadeloupe (74,40 % d’abstention), en Guyane, en Martinique, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint- Barthélémy et en Nouvelle-Calédonie. La Polynésie s’est mobilisée à 42,07%, La Réunion à 65%.

L’Outre-mer garde aussi une grande diversité politique avec des représentants de gauche, des Insoumis des Républicains, un indépendantiste, des UDI … La vague En marche n’a pas eu lieu, avec deux députés élus sous cette étiquette. Mais quatre autres ont annoncé rejoindre la majorité présidentielle et plusieurs autres encore ont la « volonté de travailler » avec cette majorité. Il sera intéressant de voir où se positionneront tous nos députés prochainement.

Cette élection a également connu son lot de surprises et un renouvellement conséquent : 9 députés sur 15 qui remettaient leur mandat en jeu ont été réélus, 4 ont été sèchement battus au premier tour et une cinquième au second. Il y aura donc 16 nouveaux députés ultramarins pour cette mandature. Il y aura aussi 5 femmes de plus (12 députées) grâce notamment aux votes des Réunionnais (4 sur 7), des Polynésiens (2 sur 3) et des Guadeloupéens (2 sur 4).

Renouveau en Guadeloupe

©Serva/ Twitter

Les Guadeloupéens ont tout changé : ils ont élu quatre nouveaux députés, le candidat En marche, Olivier Serva (photo), deux divers gauche, Max Mathiasin, Justine Benin, et une représentante socialiste, Hélène Vainqueur-Christophe. Hormis cette dernière, tous se joindront à la majorité.

Première femme et continuité en Martinique 

Les électeurs de Martinique ont reconduit trois députés sortants : Bruno-Nestor Azérot (DVG), qui a manifesté son soutien à Emmanuel Macron, Serge Letchimy (DVG) et Jean Philippe Nilor (REG). Josette Manin, ancienne présidente du conseil général, également divers gauche, devient la première femme députée de Martinique.

Premier député bushinengué en Guyane

©Adam/Twitter

Les Guyanais ont réélu le député sortant divers gauche Gabriel Serville et choisi un député de 25 ans de La République en marche, Lénaïck Adam (photo). Diplômé de Sciences Po, ce jeune homme est le premier député bushinengué de l’histoire de la Gyuane (descendant direct d’esclaves africains).

Saint-Martin/Saint Barthélémy reste à droite

La candidate Les Républicains, Claire Javois, soutenue par les présidents des deux collectivités, est arrivée en tête dans les deux îles du nord des Antilles, qui forment une seule circonscription et qui sont traditionnellement à droite. Elle a été élue face à une candidate La République en marche.

Annie Girardin confirmée à Saint-Pierre-et-Miquelon

©AFP

La ministre des Outre-mer (PRG soutenue par LREM) a été réélue de justesse pour un troisième mandat avec 51,87 %, soit 136 voix sur son rival Stéphane Lenormand, vice-président du conseil territorial. Comme l’avait annoncé le gouvernement, elle aurait dû quitter l’exécutif en cas d’échec (les six ministres candidats ont tous été élus).

La droite perce à La Réunion

Le Parti socialiste ne compte plus qu’une députée contre 5 sur 7 précédemment : l’ancienne ministre des Outre-mer Ericka Bareights a été réélue dimanche. Deux sièges ont été conservés par les députés sortants, Huguette Bello (DVG), soutenue par Jean-Luc Mélenchon pour son 5e mandat, et Thierry Robert (MoDem). La droite locale a récupéré trois circonscriptions avec Nathalie Bassire, Nadia Ramassamy et David Lorion tous Les Républicains.

Cafouillage à Mayotte

Erreur de comptage dans ce département : donnée perdante par les premiers résultats, la candidate PS, Ramlati Ali, a finalement été élue après un nouveau comptage des voix, au détriment d’Elad Chakrina, candidat LR. Il y avait 54 bulletins d’écart entre les deux. Un Républicain a été élu dans la seconde circonscription, Mansour Kamardine.

Premier député indépendantiste pour la Polynésie française

©Radio1

Les Polynésiens pouvaient déjà compter sur un sénateur indépendantiste, Richard Tuheiva. Et dimanche, ils ont élu le premier indépendantiste polynésien à l’Assemblée nationale : Moetai Brotherson, l’un des cinq candidats indépendants en France avec les trois régionalistes corses et un élu du Morbihan. Le candidat du Tavini Huiraatira s’est imposé dans la troisième circonscription face à Patrick Howell, député soutenu par la majorité locale, le Tapura Huiraatira. Cette circonscritpion regroupe les grandes communes de Faa’a (traditionnellement indépendantistes) et de Punaauia, mais également Tahaa, Uturoa, Taputapuatea, Maupiti et Bora Bora. Il se dit que le gendre du leader indépendantiste, Oscar Temaru, aurait bénéficié du report des voix, en sous-main, du Tahoera’a Huiraatira de Gaston Flosse pour faire flancher son ex-poulain et beau- fils, Edouard Fritch, sorti du giron. Mais le député Brotherson a aussi su séduire hors de ses rangs par sa personnalité affable.

Dans les deux autres circonscriptions, deux députées de la majorité polynésienne qui se sont engagées à rejoindre la majorité nationale ont été élues : Maina Sage, députée sortante, et Nicole Sanquer. Pour la première fois, il n’y aura donc pas de représentant du parti de Gaston Flosse à l’Assemblée nationale.

Vote express à Wallis-et-Futuna 

Le député sortant Napole Polutele faisait parti des quatre candidats français à avoir été élus dès le premier tour. Candidat sans étiquette, apparenté au groupe socialiste durant la précédente mandature, il a remporté 50,24 % des suffrages exprimés, devançant Sylvain Brial (divers gauche) et Hervé Delors, investi par Les Républicains. Napole Polutele était le candidat de la majorité de l’Assemblée territoriale. Le député, qui avait donné son parrainage à Emmanuel Macron, a indiqué à la Première qu’il siégerait avec la majorité à l’Assemblée nationale « pour enfin faire avancer les projets pour le développement du territoire ».


Un groupe d’ultramarins ?

Alors que les sénateurs de Guyane, Georges Patient et Antoine Karam, ont invité leurs collègues à la création d’un groupe parlementaire trans-partisan « afin de ne pas perdre le peu d’espace qui nous est laissé dans l’organisation de la Haute Assemblée et du travail parlementaire », l’idée est également en vogue à l’Assemblée nationale.

Le nouveau député de Guadeloupe, Olivier Serva (La République en marche), a aussi lancé durant sa campagne l’idée de former un groupe ultramarin pour que la voix des ultramarins, qui peine à percer, se fasse mieux entendre dans l’hémicycle, se disant par ailleurs convaincu qu’en tant qu’ultramarins « nous partageons à la fois le besoin de répondre aux exigences particulières de nos territoires tout en préservant leur place unique dans la République ».

Il a rappelé que la constitution d’un tel groupe serait notamment l’occasion de bénéficier d’un temps de parole plus important, d’une expression audible sur chacun des textes, par exemple d’une place de droit au sein de la conférence des présidents permettant d’influer sur l’ordre du jour de la discussion des textes. Sans compter la dotation financière ou les facilités matérielles (bureaux, salles de réunion…) et de collaborateurs supplémentaires allouée par l’Assemblée aux groupes.

L’idée fait son chemin mais se heurte à plusieurs obstacles : le rassemblement de députés aux idéaux très divers, certains peu enclins à quitter leurs groupes (surtout ceux en difficulté) semble problématique. Il y a par ailleurs cet article 23 du règlement de l’Assemblée qui pourrait freiner, comme au Sénat, la constitution d’un groupe ultramarin. Il stipule que « la constitution au sein de l’Assemblée nationale de groupes de défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels et entraînant pour leurs membres l’acceptation d’un mandat impératif » est interdite. Il serait donc impossible de former un groupe sur la base de son appartenance géographique (ultramarine). Et quand bien même il pourrait se constituer, il ne pourrait pas imposer de consignes de vote comme les groupes à affinités politiques. Affaire à suivre…

C.M.