Légalisation du cannabis = hausse de la consommation

Véritable serpent de mer qui met la classe politique mal à l’aise, la dépénalisation du cannabis revient sur la table en Métropole avec peut-être une réforme en demi-teinte. En attendant, une récente étude scientifique américaine démontre pour la première fois qu’une légalisation entraîne une hausse de la consommation.

Alors que le débat sur la légalisation du cannabis avait été relancé en Métropole lors de la présidentielle et que onze députés avaient déposé un peu plus tôt une proposition de loi visant à une légalisation contrôlée, depuis, la majorité au pouvoir est restée quasiment muette. Le président de la République, Emmanuel Macron, a même semblé reculer sur le sujet, lui qui semblait favorable à une dépénalisation. La question n’a pas non plus été abordée sur le territoire, où la majorité sait très bien qu’avec l’alcool, le cannabis est un véritable fléau aux conséquences dramatiques sur la société en général et les finances du système de santé. Certains dans l’hémicycle ont même avancé la notion d’économie souterraine.

Mais le sujet est bien là. Alors faut-il légaliser ou non pour faire baisser la consommation ? Si l’on se réfère aux pays qui ont mené une politique de dépénalisation du cannabis comme le Portugal ou 29 États américains, on constate que la consommation reste identique. Pourtant, des sociologues comme Renaud Colson, professeur de droit et spécialiste de la question, restent persuadés que « certains jeunes pourraient se détourner du cannabis s’il devenait légal en raison de la disparition du goût de l’interdit. Une légalisation n’inciterait pas non plus ceux qui en consomment à en consommer plus ». Pour les médecins, légaliser le cannabis, c’est aboutir à un produit moins dangereux, car actuellement l’herbe ou la résine de cannabis sont de plus en plus chargées en THC et coupées avec de produits dangereux. « Avec une légalisation, des formes de cannabis moins toxiques seraient ainsi consommées », explique le pneumologue Bertrand Dautzenberg.

En résumé, aujourd’hui on se prête à croire qu’une légalisation n’entraînerait pas une baisse de la consommation, mais une « meilleure consommation » avec des produits moins toxiques. Mais voilà, une étude scientifique menée par l’Institut de recherche de l’Oregon, parue dans la revue Psychology of Addictive Behaviors, fait grand bruit dans la communauté internationale : pour la première fois, les effets de la dépénalisation du cannabis sur la hausse de la consommation sont clairement démontrés.

Une augmentation de 26 %

L’Oregon est un État américain où le cannabis à usage « récréatif » a été légalisé en 2015, de quoi offrir un terrain d’étude idéal pour analyser les effets sur la consommation. L’institut de recherche s’est concentré sur les jeunes. Les chercheurs ont pu recueillir par sondage des données sur leur usage, leurs habitudes à l’égard du cannabis et leur souhait d’en consommer, avant et après la légalisation. Les parents ont également apporté des informations sur leur propre consommation de cannabis.

Les scientifiques ont finalement mis en évidence que la légalisation n’a entraîné aucun changement important sur le nombre ou sur le taux de jeunes qui consomment du cannabis. Au contraire, la fréquence chez ces fumeurs a beaucoup augmenté (26 %). Les jeunes qui n’ont jamais fumé ont aussi exprimé une intention accrue d’expérimenter le cannabis. Bilan : depuis la légalisation, la consommation du cannabis a évolué. Des résultats qui soulignent l’importance d’actions de prévention pour dissuader les jeunes fumeurs d’intensifier leur consommation dans les États qui légalisent le cannabis, écrivent les auteurs, et plus largement l’importance des campagnes de prévention qui les sensibilisent aux risques de consommer du cannabis, alors que leurs cerveaux sont encore en développement ».


La consommation de cannabis en Calédonie

Selon le dernier Baromètre jeunes 2015, 26 % des 16-18 ans ont déclaré consommer du cannabis dont 6 % de manière régulière. Ils sont 20 % à l’avoir déjà expérimenté. En province Nord et dans les îles Loyauté, la consommation est plus importante que dans le Sud. Enfin, il y a plus de jeunes fumeurs de cannabis en Nouvelle-Calédonie qu’à Wallis-et-Futuna ou en Métropole. Concernant les adultes, selon le Baromètre 2016, 56 % ont reconnu avoir déjà fumé au cours de leur vie et 13 % en consomment régulièrement. Il faut savoir également que la quantité moyenne de joints est de cinq par jour. Comme chez les jeunes, la consommation est plus élevée chez les adultes qu’en Métropole, 14 % de plus chez les 18-64 ans. L’usage régulier est même deux fois plus élevé que dans l’Hexagone. Des taux qui sont bien plus faibles en Polynésie française : 17 % de moins concernant uniquement l’expérimentation de cette drogue.


Et du côté de l’Australie ?

Elle a annoncé début janvier avoir l’intention de devenir le quatrième pays dans le monde à autoriser les exportations de cannabis à usage médical et de s’octroyer ainsi une part d’un marché estimé à 55 milliards de dollars. La culture du cannabis demeure limitée en Australie, le pays interdisant son usage à but récréatif. Mais le gouvernement espère que l’usage médical, légalisé l’année dernière, et le développement des exportations vont permettre d’augmenter rapidement la production.