L’économie calédonienne à la recherche de nouveaux équilibres

L’Isee, l’AFD et l’IEOM viennent de publier leur dernière étude Cerom, Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer. Un premier constat : d’une manière générale, après des années fastes, le territoire doit faire face à un atterrissage de son économie et maintenant trouver de nouveaux équilibres afin de rester sur le chemin de la croissance et éviter l’ornière.

Jusqu’ici tout va bien… Mais, comme le souligne la réplique devenue célèbre du personnage d’un film de Mathieu Kassovitz, l’important n’est pas la chute, mais l’atterrissage. Et l’atterrissage est bien la phase dans laquelle se situe l’économie calédonienne. Les Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer, présentés le 1er août par l’Isee, l’AFD et l’IEOM*, montrent précisément ce phénomène d’atterrissage après les années de croissance débridée, porté par les investissements liés à la construction des deux usines et un cours du nickel atteignant des sommets.
L’étude, réunissant les expertises statistiques et bancaires des trois organismes, commence par détailler l’évolution de la croissance de ces dernières années. Le premier graphique du document de synthèse montre la forte volatilité de la croissance réelle du produit intérieur brut jusqu’au début des années 90 où sa variabilité s’est considérablement réduite, mais s’est également stabilisée pour arriver à une progression moyenne de 3,1 % entre 1990 et 2015. Une chute qui s’explique par le niveau de développement atteint par la Nouvelle- Calédonie, même si pour la période, le niveau de croissance reste relativement élevé. Après des années de retard, le territoire a atteint un niveau de PIB proche de régions comme la Provence- Alpes-Côte d’Azur.

Attention à la consommation, dernier moteur de la croissance
Ces évolutions s’expliquent par la construction du système productif calédonien. Très exposé aux aléas de la conjoncture mondiale jusque dans les années 90, du fait du poids essentiel de la mine et de la métallurgie, l’économie s’est introvertie au fur et à mesure grâce aux transferts de l’État et à l’édification de barrières pour protéger son industrie de transformation. Un système présentant des inconvénients, mais aussi des avantages comme celui d’amortir les chocs, notamment grâce aux transferts. Le document montre qu’à peine 13 % du tissu productif calédonien est soumis à la concurrence internationale. Ce modèle de développement a permis de maintenir une croissance élevée avec en contrepartie un niveau d’inflation et de prix parmi les plus élevés au monde.
On connaît le résultat de cette construction qui s’est matérialisée par une déstabilisation du tissu social, du fait du manque de répartition de la production des richesses, les grèves qui ont en ont découlé et les réformes économiques et fiscales actuelles qui sont difficilement portées par la classe politique. Une classe politique qui a, d’une certaine façon, manqué le rendez-vous de la première décennie du XXIe siècle. La période 2002-2011 a été marquée par un boom économique important, porté par les investissements extérieurs des usines du Sud et du Nord. En 2010, les investissements expliquaient près de 45 % du PIB.


À partir de 2012, les investissements extérieurs commencent à peser et la consommation reste le seul pilier stable à assurer la croissance économique. Mais la crise qui commence à frapper le secteur du nickel ne se traduit pas instantanément par un chômage massif. En d’autres termes, le caractère introverti de l’économie calédonienne et les réserves accumulées par les entreprises leur permettent de tenir le coup. Les créations d’emploi marquent néanmoins le pas depuis quatre années. 2016 a même vu un recul de l’emploi salarié pour la première fois depuis plus de plus de quinze ans. Après avoir investi massivement pendant une décennie, les entreprises se retrouvent avec des capacités de production inutilisées. Une observation que l’on peut mettre en relation avec le manque d’ouverture de l’économie calédonienne et le fait qu’elle n’ait jusqu’à présent pas eu besoin de développer ses exportations pour couvrir ses importations (transferts et niveau des cours du nickel élevé).

Diversification, ouverture, inégalités et compétitivité
Si la consommation a relativement bien tenu le coup pendant quatre années, renforcée par les augmentations du salaire minimum garanti, des fissures commencent toutefois à apparaître et l’inflation, qui a touché les produits alimentaires après 2012, a annulé une partie des effets positifs de ces hausses. La consommation perd peu à peu du terrain, même si elle continue de sous-tendre la croissance. Le dynamisme du crédit aux ménages est une des explications de ce maintien. L’endettement des ménages, qui ont beaucoup investi dans l’immobilier, reste toutefois relativement normal par rapport aux autres territoires ultramarins. Le ralentissement économique pourrait toutefois conduire à un repli des résultats des banques et donc rendre le crédit moins accessible. Ce serait une mauvaise nouvelle au moment où l’économie a besoin du soutien de la consommation et des investissements productifs. Mais dans le cas où la demande de crédit resterait élevée, combien de temps ce crédit pourrait-il porter la croissance ? Une question à laquelle les responsables de l’IEOM, de l’AFD et de l’Isee ont bien du mal à répondre.
Une chose est certaine, toutefois, l’économie doit désormais se diversifier, s’ouvrir, répondre à la problématique des inégalités tout en améliorant sa compétitivité au risque de quitter le chemin de la croissance. Une fois les réserves des acteurs privés et publics épuisées, l’économie calédonienne risque de se retrouver sans let. D’autant plus que les finances publiques sont aujourd’hui en difficulté, même si d’importants efforts de rationalisation ont été entrepris. Des choix modi ant profondément la société calédonienne devront être pris et, sans tarder, tout particulièrement concernant les dépenses sociales, à bout de souffle.