L’école calédonienne poursuit sa métamorphose

67 508 élèves ont fait leur rentrée cette semaine de la maternelle au lycée. 2019 est marquée par une nouvelle baisse des effectifs, un renforcement de la sécurité dans les établissements et le lancement de la réforme du primaire. La question cruciale des cantines reste également une préoccupation majeure. Tour d’horizon.

Enfants, parents et professeurs ont beau connaître le rituel, chaque rentrée a sa particularité. Il y a bien sûr les premières – mémorables forcément – à la maternelle, en sixième, en seconde. Mais pour les autres, la rentrée rime aussi avec nouvelles classes, nouveaux camarades et enseignants, nouvelles matières. Un changement d’organisation, une nouvelle expérience de vie.
Dans cette frénésie, la bonne nouvelle, c’est que la rentrée s’est globalement bien passée hormis évidemment le report à jeudi en province Nord en raison du passage de la dépression Oma. Mais elle s’est surtout bien passée dans les classes … car des incidents dans les cantines ont été signalés dans plusieurs écoles de Nouméa et Grand-Nouméa (retards, non- livraison des repas, problèmes de quantités) ce qui a logiquement exaspéré les parents…

  • Les tendances

Pour l’instant, 67 508 élèves ont été comptabilisés à l’échelle du territoire. Cela représente environ 34 241 enfants dans le premier degré et 32 329 dans le second. 49 894 enfants sont inscrits dans les établissements publics, 17 051 en école privée (sous et hors contrat) et 563 suivent un enseignement agricole. Les chiffres seront réévalués au mois de mars, mais d’ores et déjà un constat s’impose : la population scolaire continue de baisser avec près de 600 élèves en moins. « C’est comme si nous fermions chaque année l’équivalent d’un collège ou de deux écoles », analyse le vice- recteur, Jean-Charles Ringard-Flament. Cette tendance démographique observée depuis 2015 se poursuivra au minimum jusqu’en 2025 et nécessitera forcément des adaptations ajoute-t-il. « Le système doit s’interroger sur la structuration, la composition des classes, des écoles. » Évidemment, les situations sont très différentes selon les zones géographiques : quand on imagine déjà des rapprochements entre certaines écoles et des collèges de brousse ou des îles, à Dumbéa et Païta, la population scolaire continue d’augmenter.

D’autres tendances émergent à l’échelle du territoire : l’enseignement agricole, qui fête ses trente ans, peut, lui, se réjouir d’enregistrer une hausse de 9 % de ses effectifs. Enfin dans le secondaire, l’enseignement professionnel continue de perdre des élèves au profit de l’enseignement général et technique. La situation s’est « totalement inversée », ce qui impose une réflexion sur le post-bac et sur l’insertion effective des nombreux diplômés dans le monde du travail.

  • Élargissement de l’offre de formation

Malgré la baisse des effectifs, de nouvelles formations voient le jour. Une « classe passerelle » va ouvrir au lycée Jules-Garnier. Elle sera dédiée aux titulaires d’un bac pro industriel qui attendent une place en BTS, avec un brevet de technicien supérieur en production. Les lycées du Mont-Dore et Michel- Rocard, à Pouembout, montent en puissance dans les niveaux, tout comme le collège d’Apogoti. L’annexe du lycée professionnel de Koumac lance un CAP « maintenance du bâtiment collectivité », le lycée Haudra une demi-division 2nde professionnelle « accueil relation client usager » et deux formations sont proposées par la Ddec en restauration à Pouébo et en sommellerie à Jean XXIII. Des classes Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire) sont déployées au lycée Champagnat et aux collèges de Bourail, Rivière-Salée et Louise-Michel, à Païta. Enfin, la sixième rouvre au collège de Téouty, à Ponérihouen.

  • La réforme du primaire…

 

« 2019 est probablement l’année qui aura le plus d’impact sur le système scolaire » en cours de transformation, prévient le vice-recteur, saluant le travail du gouvernement dans la mise en œuvre de son projet éducatif, qui entame sa troisième année et n’est, à son sens, « pas un leurre, pas simplement des mots ». Après le lancement de la réforme du collège adoptée en décembre 2016 et avant celle du lycée, la priorité, cette année, sera la rénovation de l’enseignement primaire votée au Congrès le 10 janvier. 2019 sera une année « d’appropriation » avant une mise en œuvre effective en 2020.

Comme au collège, l’idée est de revoir les programmes pour mieux les adapter aux « réalités calédoniennes ». On intègre, par exemple, l’enseignement des fondamentaux de la culture kanak « pour tous les élèves et par tous les enseignants », l’enseignement moral et civique, l’éducation à la santé, la sécurité, le développement durable, etc. La réforme touche aussi au temps de travail : l’apprentissage du français et des mathématiques est renforcé. La réforme prévoit enfin la structuration des cycles de trois ans avec une moindre rupture entre le premier et le second degré. Les « apprentissages premiers » concerneront les maternelles, les « apprentissages fondamentaux » le CP, CE1 et CE2, le « cycle de consolidation » les classes de CM1, CM2 avec une poursuite en 6e. Des évaluations diagnostiques seront effectuées à l’entrée des cycles en CM1 dès cette année puis en CP par la suite. De nouvelles instances de concertation vont aussi voir le jour : le conseil des maîtres, le conseil de cycle, les conseils école-collège et le conseil d’école.

  • … vite adoptée ?

Cette réforme du primaire n’est pas sans soucis. Dans un communiqué publié cette semaine, le président par intérim du Rassemblement- Les Républicains, Thierry Santa, a indiqué avoir déposé un recours en annulation devant le tribunal administratif. Selon lui, Philippe Germain et Gaël Yanno, présidents du gouvernement et du Congrès, ont fait « passer en force » les délibérations relatives à l’organisation de l’enseignement primaire «après avoir purement et simplement ignoré la concertation avec les professionnels dont les enseignants ». Pire encore que ce « déni de démocratie », les élus du Congrès n’ont eu, selon, lui que trois jours pour analyser les textes de plus de 300 pages qui réforment pourtant l’enseignement primaire en profondeur. « Tous les délais légaux d’étude et d’examen ont été bafoués et le sujet est trop important pour que ce nouveau passage en force reste sans réponse », conclut Thierry Santa.

Le président du gouvernement a répondu par voie de presse que cette réforme, initiée dès 2016, avait été élaborée « au cours de nombreuses consultations » et que les partenaires avaient rendu un avis favorable lors notamment du Conseil consultatif de l’enseignement le 6 décembre dernier. Philippe Germain regrette à son tour que l’école « puisse servir de champ de manœuvres politiciennes ». Une nouvelle fois, il y a visiblement désaccord sur la méthode entre la majorité et l’opposition.

  • Formation initiale des enseignants du 1er degré

Dans la lignée de cette réforme, le gouvernement a arrêté mardi sept délibérations concernant la formation initiale des enseignants du primaire. Trois voies d’accès sont possibles par concours : pour les instituteurs via l’IFM en trois ans avec un concours à l’issue de la 2e année, pour les professeurs des écoles via l’ESPE en deux ans avec un accès par un concours après une licence et enfin l’École normale de l’enseignement privé. L’exécutif prévoit des mesures d’intégration directe pour les enseignants remplaçants qui ont plus de huit ans d’ancienneté.

  • Innovations

L’année sera marquée par l’intégration du « livret scolaire unique » qui doit accompagner chaque élève de la maternelle à la troisième et permettre un suivi des acquis sur toute la scolarité obligatoire. Le livret comportera toutes informations relatives aux résultats, progrès de l’élève, accompagnements mis en place, etc. 2019 verra aussi l’instauration dans tous les collèges du dispositif des « devoirs faits à l’école ». Il sera proposé aux élèves à raison de trois fois une heure par semaine.

Au mois de mars, tous les élèves de 6e, évalués depuis deux ans en lecture, le seront également en mathématiques. Les enfants repérés feront l’objet d’un suivi particulier durant six mois. Il en sera de même pour les élèves de seconde qui peuvent bénéficier, eux aussi, d’un accompagnement personnalisé privilégié. L’orientation des élèves va faire son entrée dans les programmes au lycée. Une heure et demie par semaine -soit 54 heures dans l’année – pourrait être consacrée à cette réflexion sur l’avenir selon le vice-recteur qui s’est rapproché de l’Université pour que ses professeurs participent aux orientations.

  • Province Sud : priorité à la sécurité…

2018 a été particulièrement navrante sur le plan de la sécurité. De très nombreux actes de malveillance et de vandalisme ont perturbé le bien vivre à l’école. Dans ce contexte, la collectivité a fait de la sécurité des établissements scolaires sa priorité numéro une. Une enveloppe de 80 millions de francs a été débloquée en urgence dont 30 millions consacrés à l’augmentation du niveau de sécurité de 12 collèges. Au menu, systèmes d’alarme, rondiers, vigiles. Les 50 millions de francs restants seront destinés aux travaux de sécurisation et de renforcement des installations existantes. Un chargé de mission « sécurité-sureté » a été recruté à la Direction de l’enseignement pour le 1er avril. Il sera chargé de ce dossier. Dans le primaire public, une formation pratique de deux jours a déjà été proposée à 36 directeurs d’école. Ils seront accompagnés pour élaborer des plans particuliers de mise en sûreté (PPMS). Des exercices en situation réelle seront organisés pour faire face aux crises.

À Nouméa, les dégradations commises en 2018 ont été évaluées à 25 millions de francs. « C’est vraiment de l’argent que l’on aimerait mettre ailleurs ! », a commenté le premier adjoint au maire, en charge de l’action éducative, Jean- Pierre Delrieu.

  • … et à la lutte contre l’absentéisme

Autre priorité, complémentaire pour la province : la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire dès le primaire, pour « ancrer le plus tôt les bonnes habitudes ». L’absentéisme a été évalué à 8 % l’an dernier. Le système de SMS envoyé aux parents, déjà en place dans les collèges, va donc se généraliser chez les plus jeunes. 200 classes supplémentaires vont être équipées pour un total de 570 classes (62 %). À chaque absence, les parents devront s’expliquer. Et à partir de 10 demi-journées non justifiées dans le mois, une concertation sera décidée. Si celle-ci est sans résultat, la Direction de l’éducation sera saisie.


Tous les regards sur les cantines

C’était la rentrée à ne pas rater après une année 2018 marquée par des épisodes d’intoxications alimentaires à répétition dans l’agglomération. Malheureusement des incidents ont été signalés dans plusieurs écoles dont Paul-Boyer où les enfants ont reçu les kits de secours. Des retards ont été signalés ailleurs ainsi que des problèmes sur les quantités. Pas de quoi rassurer les parents sur l’année à venir.

Rappelons qu’en novembre dernier, un rapport d’experts métropolitains (Anses) avait conclu à un manque d’hygiène collectif. Dans ce contexte, Newrest a entrepris durant les vacances des travaux dans ses cuisines, d’agrandissement et de modernisation. Une unité de lavage a aussi été aménagée en dehors des cuisines. 400 millions de francs ont été investis. Mais les travaux ne seraient pas terminés.

Les autorités communales ont veillé, elles aussi, à faire le nécessaire, notamment pour installer des liaisons froides. Dans la capitale, elles concernent les écoles Arsapin, Lods, Courtot, Devambez et Boletti. Jean-Pierre Delrieu, premier adjoint au maire de Nouméa chargé de l’action éducative, précise que tous les thermomètres ont été changés et doublés dans les frigidaires. La mairie a par ailleurs réuni la semaine dernière les cantinières et les aides cantinières pour revoir les process afin de parvenir à un « niveau sanitaire optimum ». Des « fiches suiveuses » ont été mises en place. Elles doivent être remplies chaque midi par le personnel et consigner tous les jours ce qui a fonctionné ou pas. En cas d’anomalie, le personnel doit directement contacter la DRS, Direction sanitaire de la mairie.

Un certain nombre de choses ont également été restructurées à la Caisse des écoles suite à un rapport de la Chambre territoriale des comptes. Le lien avec les parents doit notamment être renforcé. « Il est vrai qu’au fil du temps, on est rentré dans une routine et nous avons perdu ce lien ». Au final, assure Jean-Pierre Delrieu, « tout le monde a été touché par ces problèmes et tout le monde a pris conscience qu’il fallait davantage de vigilance ».

À noter que le pire était à craindre cette rentrée avec le mouvement social en cours à Newrest. Ce conflit initié par la Fédération syndicale des travailleurs calédoniens exploités (FSTCE) et du groupement du Pacifique Sud concerne la sous-traitance. Newrest a lancé un appel d’offres pour la livraison des plateaux qui n’a pas été remporté par les deux sociétés historiques, Maouani Transport et Jettanavil. Les représentants syndicaux réclament que les onze salariés, qui risquent le chômage, soient réembauchés. Par ailleurs, la grève annoncée à la Caisse des écoles de Dumbéa a finalement été évitée.

C.M.