Le sport derrière la médaille

Le sport de haut niveau est une vitrine derrière laquelle se trouve une réalité mal connue. C’est tout particulièrement le cas pour les athlètes des Jeux paralympiques et les sportifs handicapés « anonymes » qui pratiquent au quotidien une activité loisir. Comme pour bon nombre de choses, le sport ne va pas forcément de soi. À l’heure où la flamme des Jeux paralympiques vient de s’éteindre, nous vous proposons de découvrir le revers de cette médaille.

Faire du sport est une chose simple, qui va de soi. Cela paraît encore plus simple et facile lorsque l’on regarde les sportifs de haut niveau. C’est peut-être même encore plus vrai avec les athlètes qui participent aux Jeux paralympiques. Comment ne pas être impressionné par ces sportifs qui réalisent des performances extraordinaires. Certains veulent pourtant comparer les résultats des athlètes du handisport avec ceux des « valides ». Mais quel intérêt de comparer deux choses différentes ? Et tout l’enjeu est justement là, dans la reconnaissance et le respect de la différence. C’est l’idée que défend depuis de nombreuses années Patricia Patane, la secrétaire de la Ligue de sport adapté et de handisport, au travers d’une association de sport partagé au collège de Normandie, créée depuis le début de l’année. Le principe : associer des élèves valides et handicapés dans le cadre de l’UNSS, l’Union nationale du sport scolaire. Ce binôme est à l’initiative de la ligue et du vice-rectorat afin de promouvoir le sport santé mais aussi et surtout de développer l’inclusion. Un terme récent qui vise à favoriser la participation de chaque personne, quelle que soit sa différence, pour mieux vivre ensemble en l’associant aux décisions qui le concernent.

Sensibiliser pour ne plus avoir peur
Ce dispositif de sport partagé qui regroupe huit élèves permet à tous de se côtoyer, chose qui peut paraître étrange mais ne va pourtant pas de soi. Lorsque les groupes d’UNSS viennent sur le stade de Magenta le mercredi, il est gentiment demandé à l’école du handisport de se rendre discrètement sur le parking derrière les gradins. La porte reste bien sûr ouverte, mais l’idée est bien d’éviter de « choquer » les valides. Seuls les quelques jeunes de la section sport partagé sont sur le terrain, aux côtés de leurs binômes. « On est encore en bas de l’escalier », estime Bruno, initiateur à l’école du handisport, avec Rose Welepa qui défendait, au même titre que Pierre Fairbank, les couleurs de la France aux Jeux paralympiques de Rio. « Les enfants n’ont pas l’habitude. Ils ont peur du handicap », relève l’initiateur sportif, titulaire d’un diplôme d’intégration des personnes en situation de handicap.
La précision d’Olivier, un des collégiens valides de la section sport partagé, va dans ce sens. De la part de ses camarades, son choix d’intégrer la section lui vaut surtout des moqueries. Son enseignante, Charlotte Hagnéré, pionnière avec Patricia Patane, voit pourtant ce que lui apporte le fait d’être en binôme. « Il est plus calme alors qu’en classe, c’est parfois difficile. Là, il a la responsabilité des autres et doit montrer le bon exemple ». Et mine de rien, l’élève sert aussi en quelque sorte d’ambassadeur auprès de ses camarades qui se moquent par ignorance.
Et le positif va évidemment dans les deux sens. Pour Maïwenn, jeune collégienne, le sport est une évidence. Après avoir fait du basket ou encore de la course, s’inscrire à l’UNSS allait de soi. Et bien au-delà du sport, les effets s’en font ressentir. Son intégration au collège se passe dans les meilleures conditions. « L’arrivée au collège n’est pas une chose évidente, il y a plutôt pas mal de choses à gérer, mais le sport permet de travailler sur l’autonomie, assure Patricia Patane. Maintenant, elle parle à tout le monde et a gagné en assurance. »
Après une année, Charlotte Hagnéré et Patricia Patane jugent le bilan positif et espèrent que d’autres établissements emboîteront le pas du collège de Normandie. S’il reste du pain sur la planche en matière d’inclusion et d’accessibilité, les choses ont néanmoins évolué dans le bon sens. Après avoir bataillé des années, la ligue est parvenue à faire ouvrir une ligne d’eau pour la natation à la piscine du CNC. On trouve désormais des clubs de foot et de rugby qui accueillent des personnes handicapées. Elles peuvent également pratiquer l’escrime au Mont-Dore ou encore le tir à Boulouparis. Les chiffres l’attestent, le nombre de licenciés à la ligue est passé de 200 en 2007 à 400 en 2016. Et l’élargissement de l’offre ne se limite pas à la province Sud mais touche également le Nord et les Îles.

Un déremboursement des transports ?
« Le sport de haut niveau est une vitrine qui nous permet de développer le sport loisir, explique Patricia Patane. Jusque-là, les gens ne s’intéressaient pas aux Jeux paralympiques, en particulier ceux de Londres ou de Pékin, mais surtout parce qu’ils n’étaient pas ou peu médiatisés. Après ces Jeux, de nombreuses associations ont écrit à France Télévisions pour qu’ils soient relayés sur le petit écran. » Il semble que le message ait été entendu puisque le service public a diffusé sinon la totalité, au moins une bonne partie des épreuves des Jeux paralympiques de Rio. Et les médailles de Pierre Fairbank risquent de faire de nouveaux émules.
C’est d’ailleurs Pierre qui a gentiment poussé Paul, un jeune en fauteuil qui s’est spécialisé dans le sprint sur 50 mètres et ne manque plus un rendez-vous de l’école du handisport du mercredi après-midi. Pour se dépenser, mais aussi pour s’amuser. Comme le souligne Bruno, venir à l’école du sport est bon pour la santé mais aussi et surtout pour la tête. « Cela aide à sortir de la dépression et à se faire des contacts », assure l’initiateur. Mais venir à l’école ne va pas nécessairement de soi. Sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, Bruno constate que les personnes handicapées n’ont dans l’ensemble « pas beaucoup d’argent ». Lancée en 2013, l’école a subi le très net contrecoup du déremboursement de l’ambulance pour venir au sport. « Comme ce n’est pas directement pour la santé, la Cafat a supprimé le financement de l’ambulance », explique encore Bruno.
La décision peut paraître surprenante, et c’est désormais aux familles de se débrouiller comme elles peuvent et dans le cas contraire, les personnes restent simplement chez elles. La restitution du diagnostic sur le futur schéma directeur handicap-dépendance aura lieu vendredi matin. On ne peut qu’espérer qu’il prendra en compte les difficultés d’accès au transport, notamment en commun, et en particulier pour faire du sport, à l’heure où l’on aime autant parler de prévention.


L’inclusion par l’école
S’il existe relativement peu d’initiatives publiques et privées pour promouvoir l’inclusion des personnes handicapées dans la société calédonienne, les écoles font un travail au quotidien, très largement soutenu par les associations. Les Segpa, sections d’enseignement général et professionnel adapté, et les Ulis, unités localisées pour l’inclusion scolaire, permettent aux jeunes en situation de handicap d’être scolarisé. Enseignements public et privé confondus, la province Sud compte huit Segpa et treize Ulis. Elles sont cinq pour les Segpa en province Nord et cinq Ulis. La province des Îles dispose de cinq de ces classes dont deux Segpa.