Le projet institutionnel des Républicains calédoniens

À l’occasion de son dernier conseil politique, le parti vient de rendre public son projet institutionnel pour la Nouvelle-Calédonie de l’après-référendum. Cohérent, il repose sur trois points forts : un statut particulier dans la République, une alternative aux deuxième et troisième référendums et la construction d’un modèle calédonien sur mesure à l’intérieur de l’ensemble français.

D’ores et déjà en cas de victoire massive du « non » à l’indépendance, on peut s’attendre à des propositions des partis loyalistes. Mais pour l’heure, les Républicains calédoniens ont pris une longueur d’avance en présentant leur projet d’avenir institutionnel. On se doutait bien que le parti de Sonia Backes allait faire des propositions sur le retour à un corps électoral glissant, au dépoussiérage des institutions et à une révision du périmètre de certaines compétences, écartelées entre les provinces et la Nouvelle-Calédonie.
Mais le parti est allé au-delà en indiquant clairement sa volonté d’éviter les deuxième et troisième référendums et d’en nir avec le statut « transitoire » de la Nouvelle-Calédonie inscrit dans la Constitution, a n de redonner lisibilité, confiance et sérénité à la société calédonienne, le tout en définissant un statut particulier à la Nouvelle-Calédonie dans la République.

Un statut politiquement décidé

La Nouvelle-Calédonie se trouve aujourd’hui dans un titre transitoire de la Constitution et est inscrite sur la liste des pays à décoloniser de l’Onu. Pour en sortir, l’Onu propose quatre solutions : devenir un État indépendant, être associé à un État indépendant, être intégré à un État indépendant ou acquérir un autre statut politiquement librement décidé. Comme indiqué fermement par Sonia Backes lors du conseil politique, « c’est cette dernière solution que nous défendons. Il faut un statut particulier, non transitoire, dans la République, qui devra être validé démocratiquement par les Calédoniens ». Pour la présidente, la Nouvelle-Calédonie deviendra un titre à part entière dans la Constitution et il fixera les règles relatives aux corps électoraux et les modalités du droit permanent à l’autodétermination. Ce statut particulier devra répondre à trois objectifs : respecter le choix des Calédoniens pour donner de la stabilité et de la visibilité ; préserver les libertés grâce à la République ; construire un modèle sur mesure pour la Nouvelle-Calédonie. « Le passé a été le temps de la décolonisation, le présent est le temps du partage par le rééquilibrage, l’avenir doit être le temps de l’identité dans un destin commun », a souligné Sonia Backes.

Remplacer les 2e et 3e référendums

Avant de dévoiler ce statut particulier dans la République, sur la question des deux autres référendums prévus par l’Accord de Nouméa, les Républicains calédoniens proposent simplement de les supprimer. Pour Sonia Backes, « ils constituent une course d’instabilité néfaste à la situation économique et sociale ». Avec une large victoire du « non », « il est de notre responsabilité d’interroger les indépendantistes sur l’opportunité de les organiser, a fortiori quand nous savons que les résultats seront identiques au premier référendum, le corps électoral n’étant pas modifié », précise la présidente du parti.

Pour obtenir des indépendantistes qu’ils renoncent aux référendums suivants, les Républicains calédoniens proposent donc de les remplacer par un système de droit à l’autodétermination, c’est-à-dire un dispositif déclenché par les électeurs et non plus par les élus, en quelque sorte un référendum d’initiative populaire comme au Québec, « un dispositif qui constitue un droit permanent à l’autodétermination ».

Le statut particulier

Le statut particulier de la Nouvelle-Calédonie défendu par les Républicains calédoniens s’appuiera sur plusieurs points. En premier lieu, la France devra garder ses compétences régaliennes (défense, justice, monnaie-crédit, relations extérieures et ordre public). Elle conservera également ses compétences de contrôle sur la légalité et les finances, l’audiovisuel et l’enseignement supérieur. Concernant l’adoption et la modification de la loi organique, pour les Républicains calédoniens, « il n’est pas question de prévoir que la Nouvelle-Calédonie s’auto-organise. C’est la porte ouverte vers les dérives dictatoriales, totalitaires et séparatistes ». Le parti propose par ailleurs la création d’une Haute Autorité, chargée de la protection du citoyen face aux dérives politiques (favoritisme, injustices liées à l’appartenance politique, népotisme..)

Une fois le cadre protecteur de la France posé, le modèle de société doit évoluer en profondeur pour le parti loyaliste : « Le constat est aujourd’hui sans appel : trop d’inégalités, de violence, d’échec scolaire, de privations de liberté. Le projet de statut particulier de la Calédonie au sein de la République devra refonder notre système de société en prenant exemple sur ce qui se fait de mieux à l’étranger, pour le rendre plus adapté aux réalités calédoniennes du quotidien. » À ce titre, le parti propose de revoir le système éducatif pour réduire l’échec scolaire en prenant exemple sur des modèles qui fonctionnent, notamment dans les pays anglo-saxons, tout en conservant des diplômes nationaux. Il faut aussi revoir la fiscalité pour la rendre plus juste, efficace et plus simple, renforcer l’intégration régionale et construire des accords avec nos voisins pour limiter les frais de transport liés aux importations de pays européens. En n, il est impératif de revisiter l’ensemble des réglementations pour limiter les normes de contraintes inutiles dans tous les secteurs.

Réorganiser les institutions

Pour mener à bien ce projet, les Républicains calédoniens indiquent qu’il est nécessaire de réorganiser la gouvernance pour gagner en efficacité. « Les institutions actuelles sont le résultat de notre histoire avec la progression dans l’autonomie de gestion locale et le partage du pouvoir entre le camp indépendantiste et la majorité loyaliste. Il faut réorganiser les compétences pour gagner en efficacité, en simplicité et en coûts. » Les Républicains calédoniens proposent donc de maintenir le principe de démocratie « consociative » (association de la minorité à l’exercice des pouvoirs), de réviser le mode d’élection de l’exécutif pour y prévoir une prime majoritaire, que les provinces restent un étage essentiel du partage des responsabilités et du rééquilibrage, que le Congrès se concentre sur son pouvoir législatif et que le gouvernement assume la compétence réglementaire. Mais il faut qu’il y ait un recentrage des compétences en matière de coordination touristique ou d’environnement au gouvernement, un transfert total de la compétence en matière d’enseignement des langues et cultures kanak aux provinces, un regroupement de certains services (jeunesse, accompagnement étudiants, aide médicale..) et enfin donner la possibilité aux provinces d’établir leur propre fiscalité.

La clef de répartition

Justement, concernant les provinces, Sonia Backes indique que « la clef de répartition actuelle amène à un appauvrissement de 75% de la population calédonienne. Avec 230 000 F par an et par habitant dans le Sud, 510 000 F par an et par habitant dans le Nord et 830 000 F par an et par habitant dans les Loyauté, elle n’est pas équitable. Notre projet, c’est une répartition nancière plus équitable des recettes scales qui tient compte de l’évolution démographique tout en préservant le rééquilibrage ». La clé de répartition, c’est aujourd’hui 50 % pour la province Sud, 32 % pour le Nord et 18 % pour les îles. Le nouveau statut donnera 65 % pour le Sud, 25 % pour le Nord et 10 % pour les îles, mais contrairement à la situation actuelle, l’évolution dans le temps devra être automatisée en fonction de paramètres tels que le PIB par habitant ou la progression démographique.

Concernant toujours le rééquilibrage, les Républicains calédoniens proposent de revoir dans le futur statut le poids électoral de chaque province en fonction du nombre d’habitants, car aujourd’hui « la situation est devenue injuste et fait courir un basculement du Congrès dans une majorité indépendantiste, alors que la majorité de la population est loyaliste ».

La question du corps électoral

Sujet important, aujourd’hui, 41 660 personnes sont exclues de la liste électorale provinciale, « une situation qui n’avait été tolérée par la Cour européenne des droits de l’homme que pendant la période transitoire de l’Accord de Nouméa, précise Sonia Backes. Il est désormais urgent de rouvrir l’accès au corps électoral provincial aux personnes qui remplissent certaines conditions. Nous proposons d’ouvrir la citoyenneté calédonienne selon les critères suivants : soit de justifier de cinq ans de présence en Calédonie, soit d’être né sur le territoire, soit d’être le conjoint d’un citoyen calédonien ». D’autres critères pourront être imaginés pour venir réduire la durée nécessaire pour accéder la citoyenneté, précise le parti.

Le Calédonien au centre du dispositif

Le conseil politique des Républicains calédoniens, le dernier avant le référendum, a tenu à préciser un point important. L’Accord de Nouméa, sans jamais l’écrire, a placé « le Kanak au centre du dispositif. Le temps est venu de placer tous les Calédoniens, de cœur ou de naissance, au centre du dispositif ». Cela signifie pour Sonia Backes que le statut particulier ne devra plus être coupé en deux, entre le Kanak d’un côté et le non Kanak de l’autre. « La jeunesse aspire aujourd’hui à ce que le vivre ensemble se traduise dans ce qui fondera notre futur statut. »


La coutume pour la jeunesse

Sur le sujet de la coutume, le projet d’avenir des Républicains veut concilier la coutume et la République grâce à un partenariat pour encadrer la jeunesse. Pourrait être imaginée une responsabilisation des autorités coutumières dans les réponses de premier niveau à la délinquance en encadrant des travaux d’intérêt général, une réparation pénale pour les mineurs, la médiation, etc.


Calendrier de mis en œuvre

Les Républicains calédoniens ont proposé un calendrier avec une négociation et la rédaction de ce nouveau statut de juin à septembre 2019. Elle sera suivie mi-2020 d’une consultation des Calédoniens et fin 2020, la tenue d’une réunion du Parlement pour modifier la loi organique. Pour clôturer ce processus du statut particulier, en 2021, une demande sera formulée par la France à l’Onu pour sortir de la liste des pays à décoloniser.

C.S