Le nickel en eaux troubles

Cette semaine, c’est encore le dossier minier qui aura accaparé les esprits. Deux évènements majeurs sont venus agiter un dossier déjà compliqué. En premier lieu, et sur demande de sa hiérarchie, c’est-à-dire le ministère des Outre-mer et le cabinet du Premier ministre, le haut-commissaire a saisi le Congrès d’une demande de session extraordinaire sur les exportations de minerai vers la Chine, en second lieu, la multinationale Glencore, partenaire de la SMSP au sein de KNS, a vu son cours en bourse s’effondrer pour atteindre son plus bas niveau historique.

 

C’est peu dire que le marché du nickel, et plus généralement des matières premières, est cyclique, qu’il connaît des hauts et des bas et parfois même des très bas. En 2007, en pleine période spéculative, les cours du nickel ont atteint des sommets avec un maximum historique à 54 000 $ la tonne (environ 5,7 millions de francs). En milieu de semaine au London Metal Exchange,  le métal vert ne cotait plus que 9 800 $ (un peu plus de 1 million de francs), un cours en deçà du seuil de rentabilité de la quasi-totalité des métallurgistes.

C’est dans ce climat fortement dégradé, plombé par des prévisions à moyen et long terme particulièrement pessimistes, que le géant Glencore a connu l’une des plus sombres heures de son histoire récente.

Après un premier coup de semonce il y a huit jours, qui avait vu la multinationale abandonner près de 10 % suite à une étude alarmiste de la banque Goldman Sachs, Glencore s’est effondré de près de 30 % en début de semaine en raison d’un bilan catastrophique au premier semestre, avant un mini rebond mercredi.

Quelques heures seulement après ce séisme, le patron de l’entreprise était reçu rue Oudinot, par George Pau-Langevin, la ministre des Outre-mer. Rien n’a filtré de cet entretien qui ne pouvait avoir qu’un objet : évoquer les conséquences de cette dégringolade financière et boursière sur la situation de l’usine du Nord. Or, si au mois d’août,  dans une conjoncture déjà passablement baissière, le géant anglo-suisse avait annoncé vouloir sanctuariser son investissement calédonien, il paraît désormais inenvisageable que celui-ci échappe d’une manière ou d’une autre à un plan de désendettement massif, qui a déjà conduit au licenciement de plus de 3 000 personnes, en Afrique notamment.

Les analystes internationaux sont unanimes sur le sujet, mais ils ne sont pas les seuls. Les banques et les investisseurs vont exiger des mesures rapides et draconiennes, d’autant que le spectre d’une dissolution boursière totale n’est pas exclure.

Difficile à ce stade de dire quelle seront les décisions de Glencore. Les plus pessimistes imaginent déjà la mise sous cloche de l’usine du Nord, le temps que la situation de l’entreprise s’assainisse ou que les cours remontent fortement. D’autres évoquent une inversion du pacte d’actionnaire qui verrait l’industriel passer d’une position minoritaire au capital de KNS à une prise de participation majoritaire, cas de figure qui paraît difficilement envisageable techniquement mais surtout politiquement mais qui tombe à pic à l’heure où le Congrès doit être réuni sur convocation du haut-commissaire à se positionner sur l’interprétation du schéma minier.

Saisine de l’état

C’est là l’autre temps fort de cette semaine. Et si sur la crise que traverse Glencore avec ses éventuelles conséquences sur l’usine de Vavouto, les partisans de la doctrine nickel du Nord sont muets, en revanche, la classe politique s’est globalement félicitée de la reprise en main du dossier nickel par l’état, avec quelques nuances.

Une unanimité qui peut surprendre de prime abord mais qui finalement n’a rien d’étonnant dans ce qui a pris la forme d’un véritable dialogue de sourds sur ce dossier.

Suivant les consignes du ministère des Outre-mer, Vincent Bouvier, comme l’y autorise la loi organique, a donc demandé au président du Congrès de convoquer une session extraordinaire pour débattre spécifiquement des demandes d’exportation de minerai à faible teneur vers la Chine et pour savoir si le schéma minier le permet dans sa rédaction actuelle. Calédonie ensemble et l’Uni-Palika y voient le moyen de sauver le soldat Germain en lui retirant un dossier qu’il a été incapable de mener à bien malgré la signature d’un protocole avec les rouleurs et les mineurs. Ils y entrevoient aussi, à la faveur de manœuvres dilatoires, l’éventualité d’un refus de ces exportations, ce qui dédouanerait totalement le gouvernement et libèrerait la responsabilité de son président dans une telle décision. Favorables à ces exportations depuis l’origine, les Républicains et l’UCF espèrent, pour leur part, que cette session extraordinaire permettra d’étaler au grand jour les errements d’une doctrine qu’ils combattent.

L’Union calédonienne, enfin, a pris position sur cette saisine. Par la voix de son président au Congrès, le plus vieux parti calédonien, s’il regrette que ce soit finalement l’état qui ait dû prendre l’initiative, y voit malgré tout la possibilité de contraindre le gouvernement à se positionner en faveur des exportations, puisque c’est désormais sa position. Tous les yeux seront donc tournés vers le boulevard Vauban la semaine prochaine où, dans une ambiance qui s’annonce tendue, les élus de la première institution du pays devront prendre position alors que le marché du nickel n’a jamais été aussi déprimé.

 

C.V