Le Comité des signataires a du pain sur la planche !

Bernés par Calédonie ensemble qui souhaitait les entraîner vers les ombres de la colonisation et les ombres seulement, les loyalistes ont quitté le G10. Il appartiendra au prochain Comité des signataires de renouer les fils d’un dialogue, pas si menacé que ça… Retour sur une semaine de psychodrames.

Dimanche des dupes. – Tout a commencé par une banale réunion du G10, le 25 février au haut- commissariat. Journée devenue « le dimanche des duperies », lorsque Philippe Gomès a tenté de tordre le bras aux autres loyalistes pour les faire adopter un projet de délibération fixant au 4 novembre la date du référendum. D’une part, il oubliait que le G10 n’est pas décisionnaire de ce genre de choses, qui relève du seul Congrès. D’autre part, et pour caresser dans le sens du poil ses alliés indépendantistes et nationalistes, le patron de Calédonie ensemble dotait la délibération d’un exposé des motifs aux accents de préambule de l’Accord de Nouméa, mais « forçant encore sur la repentance coloniale », comme l’indiquait Sonia Backes pour Les Républicains calédoniens (DNC n°572).

Gomès cède aux indépendantistes. – Cet exposé, « passéiste et repentant, faisait de plus une concession majeure aux indépendantistes, précise la cheffe de file des Républicains calédoniens, car il prévoit que même si les Calédoniens décidaient très majoritairement de rester français, la Nouvelle- Calédonie resterait inscrite sur la liste des territoires à décoloniser ». Et Sonia Backes d’ajouter : « C’est extrêmement grave, car cela signifie que les signataires de ce texte acceptent implicitement et s’engagent à ce que la Nouvelle-Calédonie ne pourra se considérer comme décolonisée que lorsqu’elle sera pleinement souveraine, c’est-à-dire indépendante ! »

Un mensonge de plus. – Aussi, et contrairement à ce qu’affirmait par la suite Philippe Gomès sur NC la 1ère, aucun groupe loyaliste n’a signé le document, ce dimanche ou plus tard, d’ailleurs. Les Républicains calédoniens ont même fait connaître leur refus par un mail au secrétariat général du haut-commissariat. Le déni de Calédonie ensemble entraînait le clash : Sonia Backes (Les Républicains calédoniens), Thierry Santa et le Rassemblement-Les-Républicains claquaient la porte du G10. Pierre Frogier avait déjà savoir depuis la tribune du Sénat qu’il n’y siégerait pas, refusant de « préparer l’indépendance » dans un petit salon : de fait, le G10 cessait d’exister !

« Trahison du camp loyaliste ». – Dare-dare, Philippe Gomès et Calédonie ensemble changent de tactique et accusent « les loyalistes de boycotter le dialogue avec les indépendantistes ». Réponse outrée du Rassemblement, qui dit « n’avoir aucune leçon à recevoir en matière de dialogue. Ce parti, c’est 40 ans d’un dialogue clair avec les indépendantistes au service d’une Nouvelle-Calédonie dans la France », claque un communiqué. La volte- face gomésienne n’échappe pas non plus aux Républicains calédoniens qui dénoncent une manœuvre qui vise à couvrir « la trahison du camp loyaliste par Calédonie ensemble ».

Nationalistes et indépendantistes unis. – Pas de surprise en effet, dans le même temps où il fustige les loyalistes, Philippe Gomès et ses amis indépendantistes déposent au Congrès le projet de délibération fixant la date du référendum avec son exposé des motifs aux relents de mea culpa colonial. Il porte trois signatures : celle de Philippe Michel (Calédonie ensemble), Caroline Machoro-Reignier (UC- FLNKS et Nationalistes) et Louis Mapou (Uni) : preuve a posteriori que les autres partenaires ne l’avaient pas signé ! « Répétez plusieurs fois le même mensonge, il en est qui le prendront pour une vérité », écrivait François Mitterrand dans L’abeille et l’architecte. Le Florentin savait de quoi il parlait, d’autres l’ont lu.

Matignon s’embrouille. – Les Républicains calédoniens rappellent pour leur part que leur proposition de délibération fixant la date du référendum est sur le bureau du Congrès depuis fin 2017. Le Rassemblement, qui ne veut pas être en reste sur le sujet promet (lui aussi) un texte dans la semaine. Gare à ne pas faire, cependant, le jeu de ses adversaires en multipliant les initiatives ! Depuis Matignon, Édouard Philippe, tente de calmer le jeu et affirme dans les colonnes des Nouvelles calédoniennes : « Le dialogue ne peut pas être rompu, ni même interrompu », professe-t-il. Même si ce dialogue n’a jamais été interrompu, y compris aux pires moments, le Premier ministre ne croit pas si bien dire !

Le piège. – En effet, comment sortir du piège tendu par les indépendantistes et les nationalistes de Philippe Gomès, visant à imposer la solution « indépendance association » comme la plus viable : celle qui donnerait raison aux uns, sans donner tort aux autres, sans déclencher des troubles sociaux, mettre plus de voyous ou de bandes de délinquants dans les rues… Sauf que tout cela est faux. Absolument pas inéluctable !

Réponses le 27 mars. – Aussi, et comme souvent dans les moments difficiles, il appartiendra au Comité des signataires, qui se tiendra le 27 mars prochain sous l’égide du Premier ministre à Matignon, de mettre les points sur les « i ». Même si l’État macronien veut rester « neutre » face au référendum qui s’annonce, il lui appartiendra tout de même de clarifier ou de redéfinir le périmètre de travail de l’ex-G10, pudiquement rebaptisé « Groupe de travail sur le chemin de l’avenir », par notre haut- commissaire. D’affirmer, aussi qu’il fera respecter l’accord politique obtenu (lors du dernier Comité des signataires) sur l’inscription « automatique » des personnes nées en Nouvelle-Calédonie. C’est le rôle d’un État de droit. Sa crédibilité est en jeu.


Dernière heure

Le Congrès prévoit d’ouvrir une séance extraordinaire lundi 19 mars, avec à l’ordre du jour, la proposition de délibération fixant la date du référendum au 4 novembre. Oui, mais celle signée de Philippe Gomès et des groupes indépendantistes et contenant
le fameux exposé des motifs rejeté par l’ensemble des loyalistes de l’hémicycle.
La « trahison du camp loyaliste par Philippe Gomès et Calédonie ensemble », dénoncée par Sonia Backes et Les Républicains calédoniens se confirme donc bien…


Surenchère au FLNKS, qui renie sa parole

D’abord par un communiqué du 1er mars, ensuite par la voix
de Gérard Reignier, ancien secrétaire général de l’UC, le FLNKS a fait savoir qu’il ne respectera pas l’accord négocié lors du dernier Comité des signataires sur les listes électorales. Et qu’il s’opposera à l’inscription d’office des personnes nées en Nouvelle- Calédonie et justifiant de trois ans de présence sur les fichiers sociaux lors des commissions électorales pour le référendum. Une façon de faire monter la pression, assez classique, que « dénoncent avec la plus grande fermeté » Les Républicains calédoniens. « Le FLNKS, donc l’UC et le Palika, reviennent ainsi sur l’accord négocié et signé sous l’égide du Premier ministre, Édouard Philippe ; accord qui a permis de trouver un compromis permettant à terme l’inscription sans dépôt de dossier de 7 000 Calédoniens de statut coutumier et de 4 000 natifs de statut de droit commun. Aujourd’hui, poursuit le parti, le FLNKS demande que l’Assemblée nationale contredise l’analyse du Sénat et rende ainsi de facto caduc l’accord du dernier Comité des signataires, en privant 4 000 Calédoniens relevant du droit commun de leur droit à l’inscription d’office sur la liste référendaire ».

Le parti loyaliste « exige, des deux députés de Calédonie ensemble, qu’ils fassent respecter l’esprit de l’accord passé à Paris et demandent fermement au Premier ministre qu’il se positionne clairement sur la question ». Enfin, Les Républicains calédoniens « considèrent que le reniement de la parole donnée au Comité des signataires par les indépendantistes est totalement contraire à un dialogue constructif pour commencer à préparer l’après référendum et souhaitent que l’État ne cède pas à cette nouvelle surenchère ».


Calendrier

Aux dernières informations, le Comité des signataires se tiendra à Matignon le mardi 27 mars. Suivi de réunions techniques et peut-être, une dédiée à la sécurité avant, pendant et après le référendum, le lendemain, au ministère de l’Intérieur.

La visite du président de la République, Emmanuel Macron, est toujours avancée pour début mai : on parle beaucoup des 4 et 5 mai…

Le Congrès devrait retenir et proposer à l’État la date du 4 novembre pour le référendum d’autodétermination.

L.N.

©DNC/AFP