Le barrage de Pouembout se précise

Le barrage de Pouembout devrait permettre de donner un nouveau souffle au développement de la zone VKP, en particulier l’agriculture. La ressource en eau y est limitée et freine l’exploitation agricole de cette vallée parmi les plus fertiles de Calédonie. Après six ans d’études et de concertation, le barrage entre dans sa phase pré-opérationnelle et pourrait être complètement achevé à l’horizon 2020-2021.

L’eau est une ressource essentielle, mais soit trop rare, soit trop abondante. Sur la cote Ouest, elle fait généralement défaut les épisodes de sécheresse étant fréquents. Cette année, marquée par un phénomène El Niño, ne devrait pas faire exception. Les météorologistes estiment que la saison verra un déficit de pluviométrie de l’ordre de 20 %. Un manque important qui limite de fait les activités humaines, gourmandes en eau, et plus particulièrement l’agriculture. Face à ce manque d’eau, la province Nord a engagé une étude visant à définir les meilleures solutions pour renforcer la ressource en 2012-2013 qui n’ont cessé de croître.

Fortement marquée par le chantier de l’usine du Nord à partir de la fin des années 2000, la démographie de la zone Voh-Koné- Pouembout et Poya a littéralement explosé. Entre les recensements de 2004 et 2014, la population sur VKP a progressé de 60 %, passant de 8 211 personnes à 13 091. Le prochain recensement, prévu cette année, devrait confirmer cette tendance, même si l’activité a sensiblement ralenti avec la fin du chantier de l’usine métallurgique. La pression démographique s’est ressentie à tous les niveaux en termes d’infrastructures et plus particulièrement
en matière d’eau. Entre 2012 et 2016, les consommations ont plus que doublé, tirées par les besoins en eau potable, mais aussi agricole et industrielle. L’étude réalisée par la province Nord en 2012-2013 correspond à une révision tarifaire à la hausse visant à économiser la ressource.

Le barrage, la solution la plus adaptée

Une augmentation qui est particulièrement mal passée, en particulier auprès des agriculteurs. Si la commune de Koné perd peu à peu sa population agricole au profit du développement des activités de service, c’est moins le cas de Pouembout qui reste l’un des principaux centres agricoles calédoniens, en particulier en matière de céréales. À mesure de l’augmentation de la pression démographique, les producteurs de la zone ont dû limiter la surface de leurs exploitations.

Actuellement, seuls 500 hectares peuvent être mis en culture alors que plus de 4 000 hectares seraient potentiellement exploitables entre Pouembout et Koné. Et l’agriculture est gourmande puisqu’il faut environ 40 000 litres d’eau par hectare et par jour pour des cultures de plein champ. Un verger est à peine moins vorace, avec 30 000 litres par hectare et par jour.

L’industrie n’est pas en reste puisqu’elle représente près de 35 % des besoins de la zone, l’agriculture constituant la moitié des besoins de la zone VKP, comme l’a montré l’état des lieux réalisé à l’occasion du Forum de l’eau en 2018. De l’eau utilisée notamment pour arroser les pistes des mines. En 2013, l’idée des administrateurs de la province étaient de définir l’outil le plus adapté pour répondre au besoin de développement à un horizon de 50 ans, plusieurs options étant sur la table. À l’instar du « grand tuyau » alimentant le Grand Nouméa, un tuyau avait été envisagé pour capter l’eau de la Népoui et la ramener jusque sur VKP. Une usine de dessalement telle que celle utilisée à KNS a également été évoquée ainsi qu’un barrage.

C’est finalement le barrage qui s’est imposé comme la meilleure réponse aux enjeux de création d’un nouveau pôle urbain et de développement agricole. Entre 2016 et 2018, le travail a consisté à trouver le lieu le plus adapté pour son implantation, impactant l’environnement le moins possible et dimensionné par rapport aux attentes des acteurs. Si le barrage offre de nombreux avantages, il implique néanmoins de « noyer » toute une zone.

Quatre zones avaient été identifiées, mais c’est finalement le premier site, appelé Falconbridge, car il avait déjà été identifié par l’entreprise canadienne dans le cadre du début du chantier de l’usine du Nord. L’implantation devrait se faire à l’aval immédiat de la confluence de la rivière Ouendé avec la rivière Poualoa. Selon la province, le site présente les avantages d’un apport naturel d’eau plus important, une faisabilité géotechnique et géologique favorable, une proximité avec les points de distribution et un débit potentiellement turbinable plus important.

Accompagner le développement sur les 40 prochaines années

Plus qu’une simple retenue d’eau pour alimenter l’irrigation des champs, le barrage est envisagé comme un couteau suisse, c’est-à-dire à même de porter la création de nouvelles activités. La province envisage, par exemple, des possibilités d’aquaculture ou des loisirs, mais également la production d’électricité. Si l’on est loin du barrage de Yaté de par la superficie de la retenue d’eau, 30 à 300 hectares contre 4 000 pour Yaté, le barrage de Pouembout devrait être en mesure de produire de l’électricité grâce au turbinage de l’eau. Une option clairement envisagée, mais qui n’est cependant pas la principale vocation de cette retenue d’eau de l’ordre de 5 à 30 millions de mètres cubes d’eau, capable de répondre à une demande de l’ordre de 10 à 20 millions de mètres cubes à l’horizon 2050-2070.

Le site choisi, il reste encore pas mal de pain sur la planche. La phase pré-opérationnelle signifie que les caractéristiques définitives du barrage vont pouvoir être fixées, de même que son coût et son mode de gestion et d’exploitation. Pour y parvenir, plusieurs scenarii vont être déterminés et seront complétés par de nombreuses études environnementales, mais aussi techniques comme le raccordement en AEP de Voh, celui de Paouta ou encore la la production hydroélectrique. Les résultats seront connus au mois de mars et permettront de lancer la troisième phase consistant à programmer l’opération encore un peu plus concrètement. La quatrième et dernière phase qui pourrait commencer en novembre prochain consistera à lancer les appels d’offres.

En attendant, la province est en train de créer un comité local d’information, comme le prévoit le Code de l’environnement. L’idée de ce comité, qui existe déjà en province Sud autour de l’usine du Sud ou de Doniambo notamment, est d’associer la population et plus largement les acteurs intéressés par le projet afin qu’ils puissent exprimer leurs attentes, mais aussi prendre connaissance des avancées du dossier. En plus des représentants institutionnels, les associations locales et les associations de protection de l’environnement sont invitées à présenter un dossier afin d’intégrer le comité.

Les dossiers doivent être rendus complets avant le lundi 4 février à 9 heures. La candidature doit notamment comporter une copie des statuts de l’association, une copie du récépissé de déclaration au Jonc, la composition du bureau et sa date d’élection ainsi qu’une note justifiant de l’intérêt de l’association pour le projet. Le tout doit être envoyé soit à la Direction de l’aménagement et du foncier de la province Nord, soit par courriel à daf-consultation@province-nord.nc.

M.D.