L’Apican mise à l’index

La Chambre territoriale des comptes vient de publier un rapport sur la gestion de l’Agence pour la prévention et l’indemnisation des calamités agricoles ou naturelles. Le document pointe de nombreux dysfonctionnements et fait dix recommandations et deux rappels d’obligation juridique à l’agence dont le budget dépasse chaque année le milliard de francs.

L’Apican est au coeur des politiques publiques en matière agricole. Le rapport de la Chambre territoriale des comptes montre toutefois que sa gestion pourrait être sensiblement améliorée et notamment en matière de personnel. Le premier rappel à l’ordre juridique porte sur cette question. La CTC s’étonne que les maquettes des budgets primitifs ne présentent pas l’état du personnel de l’agence.

L’examen de la gestion de l’Apican indique également que du personnel plus ou moins détaché de la Davar a perçu des indemnités pour l’intégralité de deux postes, montrant au mieux une confusion juridique et, au pire, une certaine malveillance. Par ailleurs, la Chambre relève que l’Apican a financé une chargée de mission de la Davar alors même que l’aquaculture ne fait pas partie des missions de l’agence. Plus généralement, la CTC recommande à l’Apican de se recentrer sur ses missions et de financer uniquement des opérations s’y rapportant.

Une gestion à l’avenant

Les magistrats de la Chambre se sont également penchés sur les contrats d’indemnisation des agriculteurs auprès de la Caisse d’assurances mutuelles agricoles, la Cama. Le rapport montre que l’Apican a créé des contrats spécifiques permettant de déroger à la limite des indemnisations en fonction des surfaces exploitées. Les contrats spécifiques qui ont bénéficié à un nombre très limité d’agriculteurs n’ont, selon la Chambre, pas fait l’objet de publicité auprès des professionnels ou du moins pas suffisamment. Sans cotiser davantage, les bénéficiaires de ces contrats ont pu bénéficier d’indemnisations nettement plus importantes. D’autres modifications ont par ailleurs conduit à des situations pour le moins étonnantes.

En 2016, il a été décidé d’étendre ces contrats aux producteurs d’agrumes et de mangues, notamment pour aider les professionnels à faire face aux papillons piqueurs. La mesure a coûté plus de 165 millions de francs pour 40 producteurs. Seulement quatre avaient signé un contrat spécifique représentant 80 % des 165 millions de francs d’indemnisation. Les deux plus gros producteurs d’agrumes ont perçu, à eux deux, près de 120 millions de francs.

Nécessité d’une bonne remise à plat

En dehors des indemnisations « encadrées » de la Cama, l’Apican verse également des indemnisations suite à des accidents climatiques exceptionnels. La CTC souligne un manque de méthode concernant l’indemnisation des agriculteurs ainsi qu’une absence de barème, alors que les sommes représentent tout de même 227 millions de francs entre 2010 et 2016. En 2012, par exemple, les magistrats expliquent que suite à de fortes pluies, mais ne pouvant pas être considérées comme un accident climatique, l’Agence a décidé d’indemniser l’ensemble des sociétaires de la Cama, y compris ceux qui n’avaient pas déposé de dossier. La mesure a coûté 89 millions de francs dont 67 pour 929 sociétaires n’ayant pas effectué de démarches particulières.

Dans le même registre, il est souligné dans le rapport que certaines décisions d’aider des professionnels sont prises sans publicité ne permettant pas à d’autres d’en bénéficier également. Cela a été le cas pour une aide de cinq millions pour un colporteur qui a subi une baisse d’activité, une subvention de cinq millions à une seule pépinière touchée par la rouille des myrtacées ou encore un aide de 8,3 millions de francs accordée à un éleveur victime de vol de bétail. Autant d’aides qui auraient pu bénéficier à d’autres producteurs touchés par les mêmes causes.

Manque de clarté des rapports d’activité, absence de commission et de procédures de contrôle d’attribution des aides ou encore d’évaluation des résultats… Le constat des magistrats est plutôt sévère et a les conduits à formuler bien d’autres recommandations. L’intégralité du rapport est consultable sur le site internet de la Chambre territoriale des comptes (www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-03/NCR2018-002_APICAN.pdf ). L’ensemble des Calédoniens aurait intérêt à ce que l’Apican soit remise en ordre de marche. Si les indemnisations sont essentielles pour soutenir l’agriculture, une mauvaise organisation peut conduire à des contre-résultats et ne pas encourager l’efficacité du système agricole, voire pire, ouvrir la porte à des effets d’aubaine.

M.D.