L’addiction aux jeux vidéo : une maladie

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu que l’addiction aux jeux vidéo était une véritable maladie. Les joueurs compulsifs pourront donc obtenir des soins.

L’addiction aux jeux vidéo a été formellement reconnue, lundi dernier, comme maladie par l’OMS et nul doute que les services sanitaires calédoniens vont se pencher sur le sujet et surtout sur l’aspect prise en charge. Car si généralement la Calédonie suit les classifications de l’Organisation mondiale de la santé, elle seule définit ses conditions de prise en charge et de remboursement.

Avec cette récente décision, l’OMS met donc les jeux vidéo sur le même plan que la cocaïne ou les jeux d’argent. De quoi faire réfléchir sachant qu’il y a 2,5 milliards de personnes qui pratiquent les jeux vidéo dans le monde et que certains jouent des journées ou des nuits entières devant leur console, leur tablette, leur Smartphone, jusqu’à oublier de se nourrir et de dormir.

Le directeur du département de la Santé mentale et des toxicomanies de l’organisme international, Shekhar Saxena, a déclaré qu’en conséquence, « après avoir consulté des experts dans le monde entier et examiné la littérature de manière exhaustive, nous avons décidé que ce trouble devait être ajouté à notre classification des maladies reconnues ». Mais attention, précise le responsable, « nous ne disons pas que toute habitude aux jeux vidéo est pathologique. »

L’OMS parle de trouble

Le trouble du jeu vidéo a donc été défini et intègre la 11e version de la Classification internationale des maladies, première mise à jour globale de cette nomenclature depuis le début des années 1990. Il se définit ainsi comme « un comportement lié à la pratique des jeux vidéo ou des jeux numériques, qui se caractérise par une perte de contrôle sur le jeu, une priorité accrue accordée au jeu, au point que celui-ci prenne le pas sur d’autres centres d’intérêt et activités quotidiennes et par la poursuite ou la pratique croissante du jeu en dépit de répercussions dommageables ».

Si cette définition est assez large, l’OMS considère, pour qu’un diagnostic puisse être établi et donc une prise en charge effectuée par les services sanitaires qui le souhaiteront, qu’un comportement extrême de ce trouble doit avoir des conséquences sur les activités personnelles, familiales, sociales, éducatives, professionnelles et, en principe, se manifester clairement sur une période d’au moins 12 mois. Le professeur Shekhar Saxena explique, par exemple, que la personne est déclarée malade quand elle joue tellement que d’autres centres d’intérêt et activités sont délaissés, le sommeil et les repas, jusqu’à la vie sociale.

Une nouvelle partagée

Si pour l’heure l’OMS est la seule institution à reconnaître cette addiction comme une maladie, et nouvelle ne fait pas l’unanimité, avec en premier contestataire (on ne pouvait pas en attendre moins), l’industrie des jeux vidéo. « Le processus de l’OMS pêche par son opacité, a de graves défauts et manque de fondement scientifique », affirmait déjà en mars le directeur général de l’Entertainment Software Association, Michael Gallagher.

Mais ce qui est plus qu’intéressant, en y regardant de plus près, c’est que la communauté scientifique est également partagée sur le sujet. Ainsi, dans une étude publiée en début d’année par la Société pour l’amélioration des sciences de la psychologie (États-Unis), 36 chercheurs ont jugé les preuves de l’OMS insuffisantes. « Sachant l’importance de la nomenclature des diagnostics et son incidence plus large sur la société, nous exhortons nos collègues de l’OMS à se ranger à la prudence pour le moment et à retarder la formalisation », avaient-ils écrit. Côté français, Yann Leroux, docteur en psychologie et spécialiste des jeux vidéo, est plus direct. Il a indiqué dans les médias que le jeu vidéo n’entraîne pas d’addiction, mais que certains joueurs souffrent des pathologies préexistantes qui peuvent les pousser à s’enfermer dans le jeu.

Au contraire, pour le Dr Marc Valleur, psychiatre à l’hôpital Marmottan, à Paris, et porte-parole de ceux qui sont en France : pour la décision de l’OMS « Je pense que cela permettra d’assurer la prise en charge des soins dans certains pays. » Un argument important, et également avancé par l’OMS, qui rappelle que l’inclusion d’un trouble dans sa classification « est une considération dont les pays tiennent compte lorsqu’ils prennent des décisions sur l’allocation des ressources pour la prévention et le traitement de la pathologie ».


Les signes de l’addiction

Les enfants sont les premiers visés et certains signes doivent mettre en alerte les parents lorsqu’un enfant est enfermé dans sa chambre, accroché à son ordinateur, les yeux rivés sur son écran, hermétique à toutes remarques ou demandes tant son attention est retenue par son jeu vidéo et par les autres jeunes qui « en ligne » évoluent dans le même monde virtuel que lui. Un enfant sujet de cette addiction va rapidement moins manger, décrocher de la vie familiale ou scolaire, aura du mal à se lever le matin et abandonnera ses activités sportives ou de plein air. Il sera enclin à l’anxiété, la tristesse, l’agressivité. Cela se répercutera sur son travail scolaire et sa relation avec les autres. Ne reste plus qu’aux parents de prendre les choses en main, de réguler le temps passé à jouer en expliquant la mesure par un dialogue. Et dans les cas extrêmes, il faut en parler à son médecin traitant qui pourra rediriger le cas échéant l’enfant vers un psychiatre ou un addictologue.

C.S.