La réforme qui fait mal

Les élus du Congrès se sont penchés, mardi et mercredi, sur les pistes possibles de réformes du système de protection sociale. Ce qui est sûr, c’est que les changements vont devoir être profonds, lourds et toucher l’ensemble des parties prenantes du système.

Le tableau est sombre. La dette est lourde, le dé cit tout autant. Pour 2018, le déficit du régime unifié d’assurance maladie et maternité devrait s’élever à près de 23 milliards de francs. Si les subventions de l’Agence sanitaire et sociale permettent d’en couvrir un peu plus de la moitié, il faudra trouver quasiment 10 milliards de francs pour éviter la banqueroute et la cessation de paiement de la Cafat. Un dé cit qui masque également un niveau d’endettement important du régime, qui doit plus de 20 milliards de francs, notamment auprès du CHT ou encore des provinces. Pour sauver ce qui peut l’être, les premières réformes devront être mises en œuvre dès juillet. Pour des raisons financières, mais aussi politiques, les échéances électorales pourraient fortement compliquer l’adoption de réformes d’envergure.

Des mesures potentiellement dépressives pour l’économie

Ce qui se dessine à court terme n’est pas franchement réjouissant. Les mesures susceptibles de rapporter de l’argent frais dans les caisses rapidement relèvent essentiellement de la fiscalité. La plus intéressante, financièrement, concerne l’augmentation du taux de TSS qui permettrait de faire rentrer près de quatre milliards de francs. Suit derrière une augmentation d’un point de la contribution calédonienne de solidarité, assurant un gain de 3,75 milliards de francs. Un travail sur les cotisations est également envisagé. Il pourrait passer par la fusion des tranches de cotisation et l’harmonisation des taux (le taux de cotisation sur la première tranche de salaire de 1 à 498 300 francs est actuellement de 15,52 % et de 5 % sur la deuxième tranche pour les salaires compris entre 498 301 francs à 5 152 900 francs). Un taux unique de 15,52 % ferait gagner 2,3 milliards de francs sur les salariés et 5,2 milliards de francs sur les travailleurs indépendants. Une harmonisation des taux de cotisation des salariés et des travailleurs indépendants, qui augmenterait, pourrait rapporter deux milliards de francs. Autant d’argent qui permettrait largement de boucher le « trou » de la Cafat, mais qui aurait bien du mal à être accepté socialement. Le risque économique est par ailleurs plutôt important, alors que la Nouvelle-Calédonie s’apprête à mettre en œuvre la plus grande réforme scale de ces vingt dernières années. La plupart de ces mesures auraient des conséquences importantes sur le pouvoir d’achat des ménages et, par ailleurs, ne toucheraient pas toutes les catégories sociales de la même façon. Les risques in ationnistes liés à la TGC ne sont pas totalement écartés et pourraient donc se conjuguer avec les mesures pour dégrader le pouvoir d’achat. Sachant que la consommation explique la grande majorité de la croissance calédonienne, la dégradation du pouvoir d‘achat des Calédoniens pourrait donc avoir un e et dépressif sur l’économie. La plupart des mesures pourraient donc être mixées et modulées afin d’éviter un impact trop lourd pour le système économique dans son ensemble.

Plus qu’une réforme, un électrochoc

Ces réformes seront donc risquées, mais indispensables si l’on souhaite maintenir un système de protection sociale au niveau actuel. Un niveau qui, avec des dépenses de santé représentant 23 % du PIB, est de l’ordre de celui des pays de l’OCDE. Et si les béné ciaires des soins vont devoir faire des e orts pour son maintien, c’est l’ensemble du système qu’il faudra réformer et à relativement court terme. C’était l’objectif de la mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) que de proposer des pistes d’évolution du système. Le rapport sera rendu public le 1er juin, mais on peut d’ores et déjà se douter qu’il devrait secouer le cocotier.

Pour sauver la protection sociale en maintenant sa qualité, il va falloir donner un bon coup de ménage. Il faudra commencer par avoir une meilleure maîtrise des dépenses, pour ne pas dire une maîtrise des dépenses tout court. Une maîtrise qui doit commencer par la base : xer des objectifs en matière de dépenses de santé et mettre en place un outil de prévision et de plani cation à moyen terme tout comme un contrôle médical repensé. L’idée de créer une agence indépendante du pouvoir politique, à l’image de l’Autorité de la concurrence, pourrait également être défendue. Une autorité qui aurait pour mission de s’assurer que les orientations de moyen et long terme soient respectées. Une autre piste explorée serait de rediriger vers la Cafat les financements perçus par l’Agence sanitaire et sociale, devenue une véritable usine à gaz, et redonner les missions sanitaires et sociales à la Direction des a aires sanitaires et sociales. Une piste qui rendrait nécessaire l’évolution statutaire de la Cafat et impliquerait également une remise à plat de sa gouvernance. En résumé, l’idée générale est simpli er et clari er la gestion du système de santé qui sou re aujourd’hui clairement d’un manque de pilotage et de perspectives.

M.D


La réaction des Républicains calédoniens

Faisant suite à la réunion de la commission plénière du Congrès de ce mercredi pour étudier la réforme du système de santé, Les Républicains calédoniens ont tenu à dénoncer les méthodes du gouvernement. Le parti de Sonia Backes n’y va pas par quatre chemins en écrivant dans son communiqué : « Au pouvoir depuis trois ans, l’alliance CE-Palika révèle l’étendue de son incompétence, l’exécutif censé pourtant conduire la politique de la Nouvelle-Calédonie, disposant de tous les moyens de ses cabinets et de l’administration, abandonne sa responsabilité en rase campagne et appelle le Congrès au secours. »

Les Républicains calédoniens enfoncent le clou en écrivant : « Incapable d’élaborer une politique avec un véritable plan d’action pour sauver notre système de santé, le gouvernement s’est borné à transmettre au Congrès un catalogue confus et désordonné de mesures possibles. »

Concernant l’audition des professionnels de santé : « Elle a révélé que la plupart des mesures présentées n’ont fait l’objet d’aucune négociation au sens de la recherche d’un accord, ni avec les professionnels de santé, ni avec les représentants des partenaires sociaux qui sont pourtant co-gestionnaires du système. »

Le parti de l’opposition conclut en écrivant : « Le gouvernement CE-Palika montre bien là, une fois de plus, son mépris du dialogue social. Confronté à une situation qu’il ne maîtrise plus, le gouvernement cherche à transférer sa responsabilité au Congrès. Il s’agit en fait d’une forme de démission politique particulièrement choquante au regard du risque de faillite de notre système de santé. »

C.S