La PSQ prend forme

La police de sécurité du quotidien, voulue par le président de la République, se concrétise en Nouvelle-Calédonie comme à l’échelon national. Un plan de 50 mesures a été entériné ici pour replacer l’action des forces de sécurité au plus proche des attentes des citoyens. Au programme : un rapprochement avec les populations à protéger et moins de concessions vis-à-vis des délinquants.

Le grand chantier sécuritaire, promis par Emmanuel Macron et officiellement lancé en février dernier, se met ordre de marche. Et c’est une petite révolution pour les forces de gendarmerie et de police qui ont elles-mêmes imaginé les contours de cette mutation lors d’une grande concertation.

L’idée générale, on le rappelle, est de parvenir à libérer les agents et militaires croulant sous la « paperasserie » (notamment avec une réforme concomitante de la procédure pénale), les remettre pleinement sur le terrain, faire en sorte qu’ils se rapprochent des mairies, des partenaires locaux et des citoyens, qu’ils adaptent également leurs réponses à l’environnement dans lequel ils évoluent avec des moyens plus importants et mieux ciblés. En Nouvelle-Calédonie, comme ailleurs, une stratégie de lutte contre la délinquance a été dessinée et a déjà commencé à se décliner avec un accent, on le sait, sur le secteur de la cité Pierre-Lenquette, Montravel et Tindu, retenu parmi les 30 quartiers de reconquête républicaine (lire encadré).

Présence

Cambriolages, destructions, vols de véhicules, bagarres, ivresse, comportements dangereux sur les routes… Cette insécurité quotidienne « est ce que les gens ressentent le plus douloureusement », a concédé le haut- commissaire, Thierry Lataste. Et les attentes sont nombreuses : « Les Calédoniens veulent des forces de l’ordre plus visibles, plus réactives, avec des réponses judiciaires convenables. »

Sur le terrain, les gendarmes vont continuer sur leur lancée avec des méthodes qui commencent à faire leurs preuves : patrouilles renforcées pour lutter contre les cambriolages, opérations anti-délinquance augmentées de 10 %, présence accrue sur les routes. Une brigade motorisée de six militaires va voir le jour à Koné, en juillet. La géolocalisation des véhicules de police et de gendarmerie permettra d’optimiser l’emploi des effectifs « au plus proche des événements » et d’améliorer la réactivité des interventions.

À Nouméa, les patrouilles de police vont être réorganisées : elles se feront à deux et non plus à quatre policiers, ce qui permettra de mieux « mailler » la circonscription. Une unité canine légère de sept fonctionnaires et deux chiens de défense au sein de la Direction de la sécurité publique (DSP) pourra être mobilisée sur les situations difficiles et rendra notamment plus efficace l’éparpillement des groupes.

Vols, cambriolages

Des analyses criminelles territoriales sur les cambriolages et les vols de voitures vont être réalisées pour mieux cerner les phénomènes et mieux cibler les réponses.

En matière de cambriolages, l’objectif est de visiter 100 % des lieux impactés, de continuer à encourager la sécurisation des locaux industriels et commerciaux, d’étendre le dispositif alerte commerces et d’élargir à trois autres quartiers le dispositif de vigilance citoyenne déjà en place à Dumbéa et à Haut- Magenta, « très utile pour les forces de l’ordre ».

Sur les vols de véhicules, il s’agira notamment de fluidifier la coordination entre la police et la gendarmerie, de doter les forces de l’ordre de meilleurs moyens de barrage (herses de type Baracuda/Stinger) pour stopper les véhicules en fuite jusqu’aux 4 x 4. Le travail va par ailleurs se poursuivre auprès des importateurs de véhicules pour imposer des dispositifs antivol efficaces.

Divagation des mineurs la nuit : les parents rendus responsables

Contenir la dérive des jeunes – à l’origine de plus de la moitié des actes de délinquance – constitue une priorité.
Sur l’ensemble du territoire, la divagation nocturne des mineurs, qui s’adonnent parfois à toute une série de méfaits, va enfin faire l’objet d’une réponse : des contrôles d’identité systématiques seront opérés sur réquisition du procureur avec à la clé, si besoin, des signalements auprès des services sociaux et des procédures judiciaires à l’encontre des parents pour « délaissement de mineurs » et « mise en péril de mineurs » avec des peines pouvant aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement.

Les forces de l’ordre vont s’attacher à maintenir une présence aux abords des établissements scolaires les plus sensibles et une brigade de protection de la délinquance juvénile (BPDJ), existant déjà à Nouméa, va être déployée à Koné, en juillet, avec un travail en relation avec les établissements scolaires de la province Nord.

La stratégie locale entérinée lundi par le haut-commissaire, Thierry Lataste, et le procureur de la République, Alexis Bouroz, repose sur deux grands axes : la lutte contre l’insécurité du quotidien et une densification des partenariats. À noter, à gauche, la présence de la nouvelle commissaire adjointe à la sécurité publique de Nouméa, Sandrine Carlin. ©DNC 

L’alcool dans les règles

Les forces de l’ordre vont densifier leurs actions aux abords des baies de Nouméa notamment dans les nuits des samedis aux dimanches, où le déploiement posait visiblement problème à la police nationale. L’unité canine sera mobilisée et le recours à la gendarmerie mobile plus fréquent et plus précoce pour lutter contre les attroupements, les nuisances.

Les contrôles des débits de boissons seront par ailleurs plus nombreux avec un recours plus systématique à des fermetures administratives pour les établissements qui ne respecteraient pas les règles (horaires, vente aux mineurs, aux personnes manifestement ivres…) tout comme la lutte contre le marché noir dont les « hotspots » vont être cartographiés. L’exemple du démantèlement récent d’un réseau illégal de vente d’alcool a montré la possibilité d’attaquer aussi les contrevenants sur le volet fiscal avec des peines particulièrement lourdes.

Les forces de l’ordre, enfin, vont consacrer non plus 10 %, mais 20 % de leur activité opérationnelle à la police de la route. Un travail va être engagé pour identifier localement un établissement de contrôle pour le calibrage des éthylomètres (annuel) de façon à ne pas devoir à les envoyer hors du territoire durant plusieurs mois.

Créer du lien

Outre ces actions réduites au périmètre des seules forces de l’ordre, la PSQ repose sur des rapports accrus avec la société. Des cellules de contact avec les populations ont déjà été instaurées à Dumbéa et à Pont- des-Français. Via des permanences ou des patrouilles, les attentes et les remontées d’informations se font plus facilement.

Dans ce même état d’esprit, une réflexion va être menée dans tous les bureaux de police et brigades pour réorganiser les conditions d’accueil du public. Un intervenant social en gendarmerie va être nommé pour améliorer la prévention de la délinquance et la prise en charge des victimes.

La coopération avec les acteurs privés de sécurité et de police municipale, via la convention locale de coopération de sécurité (CLCS), va être approfondie notamment sur le secteur de Ducos. Agents de sécurité, de police municipale et gardes champêtres pourront être davantage mis à contribution et leurs formations renforcées.

La coopération sera également plus importante avec les maires dont les outils en matière de prévention de la délinquance (rappel à l’ordre, travail d’intérêt général, dialogue avec les familles) restent « très inégalement déployés ». Enfin, des temps d’échange et d’information entre la gendarmerie et les autorités coutumières doivent permettre d’instaurer des « liens privilégiés et permanents ».


Reconquête à Pierre-Lenquette, Montravel et Tindu

Dans ce secteur prioritaire visité par Emmanuel Macron, une nouvelle unité dédiée, le groupe de sécurité de proximité (GSP), sera mise en œuvre au sein du commissariat. Avec 15 fonctionnaires supplémentaires, fidélisés, elle aura pour mots d’ordre la répression, la dissuasion et le contact avec la population. Un groupe local de traitement de la délinquance (GLTD), structure partenariale, d’échange d’informations, réuni autour du parquet et du corps préfectoral avec des acteurs qui restent à définir doit également y voir le jour. Le secteur verra enfin l’installation d’un délégué à la cohésion police – population et l’instauration du dispositif de vigilance citoyenne.


Pas touche aux forces de l’ordre !

Policiers et gendarmes font l’objet ici plus particulièrement qu’ailleurs d’attaques ciblées. Il a été décidé de former spécifiquement les unités concernées à l’intervention dans les quartiers difficiles, aux risques inhérents aux contrôles ou encore au secourisme opérationnel et d’entretenir les savoir- faire en matière de maintien et de rétablissement de l’ordre. Les nouveaux équipements attendus (casques, armes intermédiaires, développement des caméras piétons) permettront de mieux sécuriser les interventions tout comme la collaboration avec la police en cas d’attroupements armés.

À noter par ailleurs que face à une « hausse importante dans les médias ou les réseaux sociaux » de propos virulents ou mensongers, toute mise en cause individuelle ou collective des forces de l’ordre dont il sera établi qu’elle est injustifiée fera l’objet d’un rétablissement de fait, de droits de rectification, de réponse. Les diffamations, injures publiques ou provocations à la violence feront l’objet de plaintes et seront poursuivies, fait savoir l’État.

C.M. ©HC