La province Sud dévoile son plan contre la délinquance

Les chiffres de la délinquance progressent de manière inquiétante. L’exécutif de la province Sud a présenté son plan de prévention de la délinquance pour les années 2017-2018, adopté en assemblée, vendredi 22 septembre.

Exaspération, découragement, colère… Les faits de délinquance sont en forte augmentation ces dernières années. Un phénomène qui inquiète la population et agite la classe politique. D’année en année, les bilans de la police et de la gendarmerie se succèdent et se dégradent malgré les réunions, les plans, les contrôles et l’affichage de la plus grande fermeté. Rien n’y fait, personne n’est parvenu à contenir l’explosion de la délinquance et en particulier des mineurs qui sont impliqués dans trois faits sur cinq et dont la moitié a moins de quinze ans.

La province Sud a présenté son plan de prévention de la délinquance, adopté par l’assemblée le 22 septembre. Il s’articule autour de quatre axes principaux : l’augmentation des capacités d’accueil des condamnés aux travaux d’intérêt généraux, le renforcement du code des débits de boissons, celui des moyens des forces de l’ordre et la réactivation du conseil provincial de la prévention de la délinquance. Ce plan est censé faire la jonction avec le prochain plan 2018-2022 qui sera une déclinaison du plan quinquennal métropolitain adopté l’année prochaine.

En matière de travaux d’intérêt général, Philippe Michel, le président de l’exécutif, a expliqué vouloir augmenter fortement la capacité d’accueil. Pour le moment, 156 places sont ouvertes, essentiellement auprès de structures comme le parc forestier ou celui de la Rivière Bleue. Pour le président, la province pourrait être en mesure de doubler, voire tripler, le nombre de places et dans d’autres domaines que l’environnement. Les futurs placements en TIG pourront ainsi se faire auprès du stade PLGC ou au centre d’activités nautiques de la province Sud.

Un plan articulé autour de quatre axes

En matière d’alcool, qui est présent dans près de 80 % de violences non crapuleuses, des mesures ont été prises afin de mettre définitivement un terme à la vente d’alcool à domicile. La province a également revu sa réglementation pour sécuriser juridiquement les arrêtés du haut-commissariat interdisant la vente d’alcool les week-ends. Une évolution qui conforte les interdictions mises en place en 2008 qui ont pourtant montré un effet très limité sur la consommation. Philippe Michel estime que sans ces interdictions, la situation aurait été encore pire, ce qui ne l’empêche pas de penser qu’elles doivent être revues sur le fond, notamment par l’adoption de propositions déposées sur le bureau du Congrès et qui pourraient prendre la forme d’un encadrement des ventes plus strict ou d’une augmentation des prix. La province pourrait enfin rendre prochainement possible la saisie administrative et la destruction immédiate d’alcool saisie dans le cadre de ventes illégales.

Dans le registre de la répression, la province souhaite encore renforcer les moyens de la police et de la gendarmerie, en plus de la cinquantaine de policiers et de gendarmes envoyés en renfort fin 2016. L’exécutif souhaite pouvoir bénéficier de postes promis par le président de la République et il en sera, à coup sûr, question lors du prochain Comité des signataires.

Le dernier axe du plan repose sur la relance du conseil provincial de prévention de la délinquance. Une grand-messe qui rassemble les institutions, collectivités, forces de l’ordre. Un rendez-vous qui peut laisser dubitatif. Chaque réunion met autour d’une table une soixantaine de personnes, toutes les bras chargés de dossiers. On peut juste regretter que les jeunes, le tissu associatif, les groupements de parents d’élèves ou encore les chercheurs en sciences sociales n’aient pas été davantage associés à l’élaboration du plan. Seulement les institutions et collectivités font partie du conseil de prévention de la délinquance. Jeunes, parents, associations ou autres scientifiques ne sont sollicités que lorsque l’État ou les collectivités estiment en avoir besoin.

C’est d’autant plus dommage que la province souhaite apporter un soin tout particulier à l’école où les problèmes doivent être traités le plus tôt possible. La veille éducative devrait permettre de prendre en charge les enfants à la première alerte. Mais il n’est pas seulement question de traiter le problème au niveau scolaire, l’idée est d’aller plus loin en traitant le fond, quelle que soit l’origine des difficultés et notamment familiales. S’il s’agit d’un problème éducatif, les parents pourront, par exemple, participer à des modules de rappel à la responsabilité parentale. Plus généralement, des sensibilisations à la communication non-violente, basées sur le volontariat aujourd’hui, seront rendus obligatoires.

Interroger la société

Pour le président de la province, la question tient aujourd’hui davantage à la coordination qu’aux moyens mis en œuvre. À elle seule, la province Sud dépense chaque année plus de 500 millions de francs dans des dispositifs de prévention de la délinquance. C’est la raison qui a poussé la collectivité à recruter un coordinateur, dans la foulée du gouvernement qui a également recruté une personne dans ce sens. Pour la province Sud, le coordinateur aura la charge de mettre en réseau la multitude d’acteurs, notamment dans le monde de l’enseignement.

Si ce plan apporte davantage de structure et touche du doigt l’importance d’une prise en charge globale, il pourrait bien se heurter à plusieurs obstacles. Il repose notamment sur l’implication d’autres collectivités, comme les communes. Ces dernières disposent de marges de manœuvre très réduites. Sans moyens supplémentaires pour former les personnels des caisses des écoles, en recruter de nouveaux ou améliorer leurs conditions de travail, les choses seront difficiles à bouger. De la même façon, le personnel enseignant, qui en est à économiser ses photocopies et a déjà largement de quoi faire sur le plan scolaire, aura bien du mal à s’impliquer dans le suivi des élèves en difficulté.

Paradoxalement, ce plan, qui prône le travail en commun, met en lumière le fossé entre la volonté et la réalité organisationnelle qui fragilise les différents dispositifs. Si cela ne relève pas uniquement d’un plan provincial, mais plutôt d’un plan à l’échelle du territoire, on peut regretter que la prévention de la délinquance n’ait pas été l’occasion d’une remise en question commune du modèle social calédonien, de son côté inégalitaire ou encore des perspectives offertes à la jeunesse.


Une amélioration de la prise en charge des victimes

Un centre d’accueil d’urgence pour les victimes d’agression (CAUVA), dont nous vous avons déjà parlé dans nos colonnes, va voir le jour au sein du Médipôle. Cette structure permettra aux victimes d’avoir accès à l’ensemble des services en un lieu unique, évitant ainsi les déplacements inutiles, les répétitions, mais aussi une meilleure prise en charge grâce à une meilleure articulation des institutions, des associations, des administrations ou encore des services privés.

Des fiches et des actions

Au-delà de créer de nouveaux dispositifs, le plan de prévention de la délinquance de la province apporte de la structuration à des politiques publiques qui ont longtemps été menées sans réelle vision globale de la situation ni évaluation sérieuse. Le plan se décline en une vingtaine de fiches actions pour une centaine d’objectifs opérationnels. Après le vote par l’assemblée de la province, l’exécutif doit maintenant mettre en œuvre le plan et si les objectifs sont précis, certains devront être déclinés un peu plus concrètement.