La planète a rendez-vous à Bonn

La COP23* – conférence sur le climat – s’est ouverte ce lundi à Bonn, en Allemagne. Deux ans après l’Accord de Paris, les 195 pays qui se sont engagés à tout faire pour limiter la hausse des températures à 2 °C doivent passer de la parole aux actes. L’Onu a tiré la sonnette d’alarme : « Les engagements actuels couvrent à peine un tiers des réductions d’émissions nécessaires »… La présidence fidjienne et le focus induit sur les premières victime du changement climatique dans le Pacifique auront-ils un poids suffisant pour susciter un nouvel élan ?

Dans un rapport publié la semaine dernière, l’Onu Environnement a mis en garde contre les efforts très insuffisants des États pour contenir le réchauffement climatique. À ce stade, ont regretté les acteurs de ce programme des Nations unies, il existe un « écart catastrophique » entre les engagements actuels des pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (feuilles de route rendues en 2015) et ce qu’il faudrait concrètement mettre en œuvre pour respecter les objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement en deçà des 2 °C. Concrètement, ces engagements couvrent à peine un tiers des réductions d’émissions nécessaires à l’horizon 2030 et la dynamique semble même s’essouffler.

En l’état actuel des choses, les experts prévoient une augmentation d’au moins 3 °C à l’horizon 2100. « Nous nous retrouvons dans une situation où les efforts sont encore insuffisants pour éviter un avenir misérable à des centaines de millions de personnes », a ainsi souligné Erik Solheim, le patron de l’Onu Environnement.

Afin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, les gouvernements, le secteur privé, les villes et les autres parties prenantes doivent nécessairement poursuivre les mesures initiées qui peuvent déboucher sur des réductions d’émissions rapides et profondes. Le rapport détaille différentes façons pour y parvenir, particulièrement dans le domaine de l’agriculture, du bâtiment, de l’énergie, de la foresterie, de l’industrie et du transport. Des réductions dans tous ces secteurs mettraient le monde sur la bonne voie, dit l’Onu, pour atteindre l’objectif des 2 °C et ouvriraient même la possibilité d’atteindre la cible ambitieuse de 1,5 °C.

Quelles possibilités à cette COP23 ?

Pourtant, cette COP23 ne débouchera sur aucune décision. Le principal enjeu est de préparer celles qui s’imposeront en 2018 à la COP24, en Pologne, et de préparer le terrain pour une révision des contributions nationales à la hausse afin d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris.

Mais dans ce contexte d’essoufflement, et après la défection annoncée des États-Unis de l’accord, il s’agira surtout de vérifier que les pays restent mobilisés. L’influence de la position américaine, dont le retrait ne pourra être effectif avant novembre 2020, se fera probablement sentir. Même s’il est question pour la délégation américaine de participer « de façon constructive » aux négociations, les ONG sont inquiètes de

les voir se transformer en « force destructrice » à Bonn. D’autant qu’il doit aussi être question de finances pour combattre le changement climatique et que l’Amérique est un gros contributeur. L’objectif, on le rappelle, est de parvenir aux 100 milliards de dollars annuels promis d’ici 2020 par les pays développés à ceux en développement. Angela Merkel et Emmanuel Macron sont également attendus pour défendre cette fois l’Accord de Paris.

L’homme, toujours plus impacté

Il sera difficile, quoi qu’il en soit, de rester insensible aux évènements récents. Aux quatre coins du monde, 2017 a vu défiler des désastres qui, selon les scientifiques, devraient s’intensifier avec les dérèglements du climat : super-ouragans aux Antilles et en Floride, feux d’une intensité inédite au Portugal ou en Californie, sécheresse durable en Afrique de l’Est… Au point que ce « sera probablement une année record en termes de coût humain, social et économique des catastrophes naturelles », selon le programme pour l’environnement de l’Onu.

Pour l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la concentration de CO2 dans l’atmosphère a par ailleurs atteint un record en 2016. Et il faut remonter à entre trois et cinq millions d’années pour retrouver une telle concentration dans l’atmosphère terrestre. Or on estime qu’à cette époque, la température était de 2 à 3 °C plus élevée et le niveau des mers supérieur de 10 à 20 mètres par rapport aux niveaux actuels…

Il sera aussi sûrement difficile de rester insensible à la voix des premières victimes du changement climatique : les peuples du Pacifique qui bénéficient cette année d’une tribune sans précédent avec la présidence des îles Fidji.

Le petit pays insulaire n’a pas pu organiser l’événement, mais compte bien représenter haut et fort les populations insulaires. « Les enjeux pour nous sont extrêmement importants », a ainsi déclaré le Premier ministre, Frank Bainimarama, président de cette COP23, « Spécialement pour nos amis des îles Marshall, Tuvalu et Kiribati, dont l’existence même est menacée. Mettre en œuvre l’Accord de Paris est crucial, mais pas suffisant pour nous sauver. Nous devons aussi convaincre le reste du monde d’aller encore plus loin », avait- il expliqué lors du discours d’ouverture d’un rassemblement préparatoire à la COP23, le 16 octobre dernier. Plusieurs experts et ONG estiment en effet que si le réchauffement climatique n’est pas limité à 1,5 degré, ces îles pourraient être rayées de la carte.

De nombreuses délégations de la région sont attendues (lire ci-contre) et l’objectif sera le même pour tous : apporter à Bonn un « sens de l’urgence » « une histoire qui peut trouver écho partout dans le monde », selon les mots de la négociatrice Fidjienne, Nazhat Shameem Khan. Il est à noter qu’en tant qu’Etat insulaire, les Fidji entendent mettre un coup de projecteur sur les océans, parfois oubliés des négociations sur le climat.

Enfin, pour réussir sa présidence, Fidji compte faire souffler sur les négociations « l’esprit Bula » d’inclusivité, de convivialité et de solidarité, et ce, grâce au concept de « talanoa », défini comme un « processus de dialogue participatif et transparent permettant de construire de l’empathie et conduisant à des prises de décision en faveur du bien commun »… Sagesse y aura-t-il ?


Ils sont à la COP23

Les représentants de la société civile du Pacifique sont nombreux à cette COP23, qu’ils soient présents en appui aux négociateurs ou lors des « side events ». En ce qui nous concerne directement, on notera la présence de la CPS et des jeunes ePoPers dont nous avons parlé récemment. 

La délégation de la CPS est composée d’une demie-douzaine de personnes. Jean-Baptiste Marre, coordinateur adjoint du projet Resccue, a notamment la tache de présenter ce projet régional mis en œuvre par la Communauté du Pacifique (CPS). Lancé en 2014 et financé sur cinq ans, ce programme a pour but d’accroître la résilience des États et territoires insulaires océaniens dans un contexte de changements globaux.

« Les populations dépendent des écosystèmes pour leur vie quotidienne et de sérieuses menaces pèsent sur leurs vies. Si localement on ne peut pas influer radicalement contre le changement climatique, l’idée est de promouvoir des solutions d’adaptation pour protéger les systèmes des pressions non climatiques », résume, à Nouméa, Raphaël Billé, coordinateur du projet. Ainsi Resccue lutte, en Nouvelle-Calédonie, au Vanuatu, à Fidji et en Polynésie française, soit contre la destruction des mangroves, contre les pollutions terrestres, les espèces envahissantes, la surexploitation des pêches.

L’idée est, dans la perspective du changement climatique, de gérer dès à présent la résilience des écosystèmes pour protéger l’eau, la nourriture, préserver les barrières naturelles, etc. Et « L’enjeu, à la COP, est de montrer ce qu’il est possible de faire, mais également à quel prix », conclut Raphaël Billé.

Témoignages

Autre groupe qui nous concerne directement, les ePoP – pour Petites Ondes participatives – un concept imaginé par RFI Planète Radio et développé avec l’IRD.
Les ePoPers du Pacifique sont de jeunes Océaniens qui réalisent de manière participative et solidaire des capsules audiovisuelle afin de recueillir le ressenti de leurs communautés et des anciennes générations face aux conséquences des changements climatiques. Trois d’entre eux Medjo (Nouvelle-Calédonie), Telstar (Vanuatu) et Koroi (Fidji) sont déjà sur place. La semaine a débuté à Paris par une journée d’interview dans les locaux de France Médias Monde pour RFI France 24 afin de promouvoir leur projet. À Bonn ils doivent participer avec les équipes de RFI Planète Radio et de l’IRD à trois « side events » de la COP23 dont un qu’ils devaient organiser ce mercredi (jeudi pour nous). L’objectif est de présenter leurs vidéos courtes, mais fortes sur le ressenti des populations insulaires sur les changements climatiques, autant de témoignages bien réels sur les transformations qui s’opèrent déjà chez nous…. Et de poser leurs questions à un panel d’experts et de leaders d’opinion.


Le message des associations

À l’occasion de la COP23, le réseau d’associations environnementales et collectifs de citoyens Coordyline (Corail vivant Terre des hommes, Stop OGM Pacifique, Mocamana, Sos Mangroves, Coy 11 Nouméa, Comité YKS, ZCO, Alea NC, UGPE, NGERE K, etc.) s’est mobilisé dimanche à l’Anse-Vata pour la 3e Journée climat. L’idée ? Passer un message clair aux grandes puissances qui se réunissent dans le cadre de la COP : SOS Climat ! avec un mur humain en bord de plage contre la montée des eaux.

« Nous souhaitons que la COP23 aboutisse à des actions concrètes allant dans le sens des engagements de l’Accord de Paris. Nous voulons que les États progressent dans l’élaboration d’un «manuel» de l’Accord de Paris qui est juridiquement entré en vigueur mais dont les dispositions très générales doivent être précisées d’ici fin 2018. Nous demandons aux gouvernements d’avancer clairement sur les règles pour mettre pleinement en œuvre l’Accord de Paris », font savoir les associations.

Et puis il s’agissait aussi d’appeler à la mobilisation des citoyens « sans qui la mobilisation des États n’est rien ». « Nous aussi avons un rôle à jouer, à la fois pour montrer aux chefs d’État que nous sommes mobilisés pour le climat et faisons déjà des choses et pour les inciter à agir ».

Ce dimanche dans les stands, le but était donc aussi de sensibiliser les gens aux changements climatiques, d’expliquer ce qui peut être fait au quotidien.

C.M. ©AFP, ePoP , Skydrone