La pêche traditionnelle au centre culturel Tjibaou

Belle exposition au CCT : Pêcher pour exister un projet mené par Matthieu Juncker, biologiste marin, et une équipe pluridisciplinaire, s’intéresse au rapport du peuple kanak avec la mer et plus particulièrement à la pêche coutumière.

L’ADCK, Agence de développement de la culture kanak, s’est associée au beau projet de Matthieu Juncker, actuel directeur de l’Observatoire de l’environnement, et de son père Bertrand, architecte d’intérieur et artiste peintre. Les deux hommes, dans une nouvelle aventure commune, souhaitaient porter un regard sur l’organisation de la pêche traditionnelle. Mais leur projet de départ, « plutôt scientifique », a pris au l des rencontres et des recherches une autre tournure, plus sociale et identitaire.

Un travail de terrain

Dans cette « expédition humaine » qui allait aboutir sur cette exposition artistique très instructive et variée intitulée Des récifs et des hommes : Pêcher pour exister, Matthieu et Bertrand Juncker se sont associés à Catherine Sabinot, anthropologue de l’IRD, Floriane Kombouaré, enquêtrice culturelle de l’ADCK, Thomas Douchy, vidéaste et Claude Bretegnier, grand reporter. L’équipe culturelle de l’ADCK, Thomas Douchy, vidéaste et Claude Bretegnier, grand reporter. L’équipe pluridisciplinaire s’est organisée pour réaliser des enquêtes de terrain, « saisir des moments de pêche » et les mettre en lumière, sur des toiles, des photos, des vidéos et par écrit. Elle s’est focalisée sur trois régions : l’île des Pins, Ouvéa et Gomen. Entre 2014 et 2017, les participants ont e ectués cinq missions, assisté à des sorties en pirogue, ont interrogé les gens. Trois pêches coutumières sont décrites, chacune correspondant à une région. Elles ont en commun d’être collectives et d’avoir pour nalité – outre celle de rapporter du poisson – de servir la grande che erie – et de rappeler aux autres clans leurs fonctions au sein de la société kanak.

Immersion

Une place privilégiée est o fferte à l’île des Pins où les pêches coutumières sont particulièrement vivaces.
On découvre le clan de la mer et les hommes qui « mouillent les lets » et dont le rôle est de « servir la grande chefferie et d’honorer les cérémonies par le produit de la pêche » tandis que d’autres s’a airent dans les champs. Il est précisé d’ailleurs qu’en mer, les rapports sont di érents entre les hommes, « les compétences et l’expérience » rentrant davantage en jeu. On nous présente également les espèces emblématiques : le prestigieux « poisson du ciel » le mïkwaa « rapide, puissant et rusé » (1,80 pour 15 kg) ; la « vraie » tortue (tortue verte), qui symbolise le mariage de la terreet de la mer à la fête de l’igname, le mulet, une ressource « facilement accessible » et recherchée pour « les moments importants d’expression des liens entre les clans » ou encore le dawa. Un focus sur le mïkwaa nous apprend les rôles nécessaires dans cette pêche coutumière, mais aussi l’évolution des pratiques, des matériaux et l’importance, par exemple, de la pirogue qui « respecte le poisson » ou les lets en bre de coco ou en magnagnia qui ont laissé place au coton et au nylon. On parle aussi du devenir des pêches coutumières. À Ouvéa et Gomen, l’équipe s’est justement intéressée aux « pêches coutumières disparues », mais qui vivent encore aujourd’hui au travers des récits des vieux qui nourrissent la mémoire collective : la pêche aux atulés (maquereaux gros yeux) à Mafatou, Ouvéa, le long des falaises fossilisées, ou la pêche aux mulets le long de la rivière Lounga, à Gomen.

Matthieu Juncker, explique que l’idée générale de cette exposition est de montrer qu’il y a, derrière la pêche et la nourriture, des hommes qui assurent une fonction bien précise et surtout une quête identitaire. « Ici, le patrimoine naturel et culturel ne font qu’un. Il n’y a pas de frontières », précise-t-il. Un sujet qui saisit forcément à l’heure où l’on évoque chaque jour davantage les pressions qui s’exercent sur l’environnement et du coup sur les hommes et leurs traditions…

Salle Kavitara – Centre culturel Tjibaou Ouvert du mardi au dimanche de 9 h à 17 h

C.M