La France étend sa ZEE : la Calédonie concernée

La France, qui dispose du deuxième domaine maritime au monde derrière les États-Unis, avec quelque 11 millions de km2, a officiellement étendu son domaine maritime de près de 500 000 km2 au large de certains de ses territoires d’outre-mer. La démarche avait été entamée de longue date auprès de l’Onu mais cette fois quatre décrets parus dimanche au Journal officiel sont venus redéfinir les limites extérieures du plateau continental au large de la Martinique et de la Guadeloupe, de la Guyane, des îles Kerguelen, mais aussi de la Nouvelle-Calédonie.

Contexte 

Il s’agit des premiers décrets parus après les démarches menées par la France auprès de la Commission des limites du plateau continental de l’Onu pour élargir son domaine maritime, a précisé à l’AFP Benoît Loubrieu, l’un des responsables auprès de l’Ifremer du programme français d’extension du plateau continental dit « Extraplac ».

Le droit de la mer fixe actuellement la zone économique exclusive d’un pays à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes, lui donnant la souveraineté pour exploiter les ressources de la mer, du sol et du sous-sol.

Mais d’après l’article 76 de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 1982), les états côtiers peuvent revendiquer l’extension de leur plateau continental au-delà des 200 milles traditionnels et jusque dans une limite de 350 milles. « Il leur faut pour cela déposer un dossier auprès des Nations unies démontrant que leurs fonds marins répondent à un certain nombre de critères qui prouvent que ces fonds correspondent au prolongement naturel du territoire émergé de cet état côtier », précise à son tour Martin Patriat, géologue marin de l’Ifremer au sein du service de géologie de la Dimenc, Direction de l’industrie, de la mine et de l’énergie.

Ce travail de démonstration, comprenant une longue phase d’étude avec notamment l’acquisition de nouvelles données en mer lors de campagnes océanographiques, a été réalisé par la France, dans le cadre du programme Extraplac, pour ses différents territoires (lire encadré cartographie).

Le dossier de demande concernant la Nouvelle-Calédonie a été déposé à l’Onu en mai 2007 et l’accord, sous forme de recommandations, a été reçu en septembre 2009. Il ne restait plus qu’à officialiser cette extension, ce qui a été fait ce dimanche dans le Journal officiel.

Les recommandations concernant la Guyane datent également de 2009, celles pour les Antilles et les îles Kerguelen d’avril 2012.

 Extrême sud-ouest de la Nouvelle-Calédonie 

En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, « l’extension officialisée ce week-end concerne une surface située dans l’extrême sud-ouest de la ZEE, précise Martin Patriat. Le domaine maritime français y est étendu jusqu’à une limite fixée par l’accord de délimitation entre la France et l’Australie en date du 4 janvier 1982. »

Une autre demande officielle, concernant cette fois le sud-est de la ZEE de Nouvelle-Calédonie a été déposée en mai 2007. L’examen de celle-ci par la Commission des Nations unies est en attente du règlement d’un différend entre la France et le Vanuatu concernant les îles Matthew et Hunter.

Maintenant qu’est-ce que cette extension va changer ? « Les droits des états côtiers sur la zone de plateau continental étendu ne sont pas exactement les mêmes que sur la ZEE souligne Martin Patriat. Ces droits ne concernent que le sol et le sous-sol et les richesses que ceux-ci pourraient contenir. Ils ne concernent donc pas la colonne d’eau et donc pas les ressources halieutiques (la pêche). »

Reste que les sols et les sous sols, on le sait, peuvent être extrêmement intéressants s’ils présentent des ressources en gaz ou en pétrole, par exemple, ce qui est tout à fait plausible… Mais concrètement, aujourd’hui, la France hérite surtout d’une responsabilité supplémentaire sur un domaine marin fragile et donc à protéger.

On notera que contrairement à la gestion de la ZEE, qui est une compétence de la Nouvelle-Calédonie, celle du plateau au delà des 200 milles marins reste une compétence de l’état.

C.M

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Cartographie 

Dans le cadre du programme Extraplac deux campagnes ont été menées en Nouvelle-Calédonie entre août et septembre 2004 à bord de l’Atalante : Noucaplac-1 et Noucaplac-2 dans l’objectif de fournir les données et interprétations nécessaires aux demandes d’extension du plateau continental juridique auprès de la commission spécialisée des Nations unies. Ces campagnes ont également fourni l’opportunité d’explorer la morphologie et la répartition des types de sédiments, de roches, etc.,  dans des zones éloignées et très mal connues.

Noucaplac-1 concernait le secteur sud-est de la Nouvelle Calédonie où se trouve une extension potentielle du plateau continental juridique (toujours en attente de validation par l’Onu).

La deuxième campagne, Noucaplac-2, concernait l’ouest et le sud de la Nouvelle Calédonie où ont été acquises des données sismiques et bathymétriques (profondeur de l’océan). L’objectif principal était de vérifier et démontrer que cette région ouvrait bien droit à un plateau continental étendu : confirmer la continuité des structures, connaître leur nature, mesurer les épaisseurs sédimentaires rencontrées et enfin déterminer la position du pied de talus du bassin de Nouvelle Calédonie, un repère essentiel à partir duquel sont calculées les extension potentielles de plateau continental.

Les résultats ont montré que les caractéristiques des différents domaines géologiques de l’ouest de la Calédonie (bassin de Nouvelle-Calédonie, ride et bassin de Fairway et ride de Lord Howe) sont favorables à une extension du plateau continental.

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Un travail de titan 

Les travaux de démonstration se font généralement lors de grandes campagnes menées sur les navires océanographiques de l’Ifremer. A chaque fois, le travail est titanesque, puisque les zones à explorer sont gigantesques et que le navire progresse à la vitesse d’un vélo ! Ces campagnes ambitieuses, mobilisant navires, technologies de pointe et personnel spécialisé, sont généralement financées par l’état via le ministère de la Recherche ou par le programme Zonéco de l’Adécal, Agence de développement économique.

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Domaine maritime français : l’extension va se poursuivre

D’autres demandes déposées par la France sont en attente de validation. C’est le cas pour les extensions au large des ZEE de La Réunion, Crozet, Saint-Paul et Amsterdam… La demande concernant l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon oppose Paris et Ottawa, dans un secteur où le sous-sol marin pourrait contenir des hydrocarbures. Si toutes les demandes soumises par la France, dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Montego Bay, 1982) étaient validées, le domaine maritime sous juridiction française pourrait augmenter d’au moins un million de km2.

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