La détection des troubles de l’apprentissage en milieu scolaire

Médecins-conseils, orthophonistes, pédopsychiatres, représentants du vice-rectorat et représentants d’associations se retrouveront mercredi prochain, lors d’une conférence, pour parler des troubles de l’apprentissage et de leur détection à l’école. Parents, monde de l’enseignement, de la santé sont invités.

Partant du constat qu’en Nouvelle- Calédonie plus d’un écolier sur dix souffre de troubles d’apprentissage ou « dys » (voir encadré) qui mettent très vite l’enfant ou l’adolescent en difficulté, ces troubles sont reconnus comme des « problèmes de santé majeur ».
L’association Société calédonienne de santé publique (SCSP) consacre donc sa prochaine conférence à ce sujet, le 8 novembre à 18 h 30, à l’auditorium de la province Sud.
Les intervenants mettront en avant les difficultés à repérer et différencier ces troubles et tenteront d’informer les professionnels de l’enseignement, de la santé et les familles. Ce sera l’occasion de faire le point sur ce qui fait et ce qu’il reste à faire en Nouvelle-Calédonie pour répondre de la meilleure manière possible à cette problématique.

Des troubles handicapants

La plupart du temps méconnus jusqu’à ce que l’on y soit directement ou indirectement confronté, on se doute que ne pas savoir lire, écrire, compter correctement, communiquer ou bouger normalement est très handicapant pour le quotidien d’un enfant et met son avenir en péril. Le docteur Delphine Molina, pédopsychiatre au centre médico- psychologique explique que « ces troubles, s’ils ne sont pas dépistés et pris en charge pour être compensés, perturbent irrémédiablement l’adaptation scolaire, puis socioprofessionnelle de ces personnes. Ces terribles conséquences sont fortement atténuées si un dépistage précoce est réalisé et des soins mis en place ». Il est évident que les enfants en âge scolaire sont les plus concernés et les plus fréquemment dépistés, mais « il peut y avoir des répercussions à l’âge adulte, comme des difficultés à trouver un emploi, quand il existe des difficultés persistantes en lecture ou en orthographe, une lenteur d’exécution et de traitement de l’écrit (lecture, compréhension), une fatigabilité importante, des difficultés d’attention, etc. », ajoutent Françoise Bertrand et Amandine Dupuy, orthophonistes libérales.

Les troubles les plus fréquents

Selon elles, « Il ne semble pas qu’un trouble de l’apprentissage soit plus fréquent en Calédonie qu’ailleurs. La dyslexie et la dysorthographie sont les plus représentées parmi les troubles de l’apprentissage. Sur le plan du langage, il y a en Nouvelle-Calédonie, beaucoup de situations de bilinguisme où l’enfant est confronté à sa langue maternelle, langue vernaculaire dans le contexte familial, et en contact de la langue française parfois à partir de l’entrée à l’école. Mais dans ce cas, on ne peut pas parler de trouble d’apprentissage, car l’enfant peut développer un langage normal dans sa langue, mais être en retard ou en décalage au niveau scolaire. » Et d’ajouter : « Plus tôt l’enfant sera confronté à la seconde langue, mieux il développera et enrichira cette nouvelle langue (plasticité cérébrale de l’enfant jusqu’à 6 ans). De plus, il existe certaines différences de prononciation des sons au niveau de la langue française parlée en Nouvelle- Calédonie. »

Encore des lacunes

L’objectif principal de la conférence sera de faire un point sur les moyens de détection existants et sur ce qu’il faudrait faire pour que les troubles de l’apprentissage en milieu scolaire soient décelés au plus tôt. Pour le docteur Delphine Molina : « Progressivement la détection et l’accompagnement sont pris en compte en milieu scolaire. Ces troubles sont mieux connus et des dispositifs de compensation sont mis en place. » Mais il faudrait « d’abord une meilleure coordination des professionnels pour lutter contre l’errance des familles qui retarde le diagnostic ».

Côté orthophonistes et concernant le dépistage, on n’est pas tout à fait du même avis et on avance un point important. « Certes, il existe des protocoles de dépistage durant les visites scolaires par les médecins des centres médico- sociaux qui permettent de détecter les enfants en difficulté au niveau du langage et de les orienter vers les professionnels de santé concernés, mais ce dispositif ne concerne que la province Sud », soulignent Françoise Bertrand et Amandine Dupuy. En termes d’accompagnement cette fois, les deux orthophonistes mettent en avant les Desed, dispositifs d’enseignement spécialisé pour enfants en difficulté, qui les prend en charge sur le temps scolaire, « individuellement ou en petits groupes, à la demande de la maîtresse ou du maître ». Actuellement, ce réseau compte 25 psychologues scolaires, rééducateurs, instituteurs spécialisés, assistantes sociales et médecins scolaires qui interviennent dans plusieurs écoles de la commune.

Pour aller plus loin, les trois professionnels de santé sont unanimes : « Il faut plus de moyens humains, mais également une meilleure information des équipes éducatives et des familles. Il faudrait également faire plus de liens entre les différentes structures et les personnes gravitant autour de l’enfant porteur. De plus, l’existence d’un centre de référence des ‘Dys’ avec une équipe pluridisciplinaire qui interviendrait à Nouméa, mais également à l’extérieur, ferait gagner un temps précieux aux dépistages, ainsi qu’à la mise en place d’un réseau de professionnels et de dispositifs appropriés aux personnes touchées par cette problématique. »

Vers qui se tourner ?

S’il reste du chemin à parcourir pour tenter de détecter et d’accompagner au mieux les enfants souffrant de troubles de l’apprentissage en milieu scolaire, parents, familles, professionnels de l’enseignement et de la santé peuvent trouver tous les renseignements sur cette problématique en allant sur Facebook à dys. nc. Françoise Bertrand et Amandine Dupuy précisent aussi qu’il ne faut pas « hésiter à parler avec le pédiatre ou le médecin qui suit l’enfant. Enfin, les autres professionnels de santé concernés, notamment les orthophonistes travaillant en libéral comme en structure (dispensaire, hôpital), peuvent également être contactés et répondront volontiers aux questions posées ». Pour le docteur Molina : « À partir du moment où on a un doute pour un enfant, il ne faut pas repousser et se dire que cela passera tout seul avec le temps. Des informations sont disponibles auprès des associations, des professionnels de première ligne (enseignants, médecine scolaire axée sur la prévention, médecine générale) pour diriger les familles vers les orthophonistes, psychologues et psychométriciens qui orienteront les diagnostics et mettront rapidement en place des rééducations. »


Troubles de l’apprentissage ou «dys»

Ces troubles empêchent le bon apprentissage scolaire en l’absence de déficit sensoriel, neurologique et comportemental. Les « dys » comprennent ceux de la lecture et de l’orthographe : on parle de dyslexie et de dysorthographie. Le trouble de l’écriture (dysgraphie) lié à un trouble moteur plus global ou à un trouble de la coordination motrice (dyspraxie). Les troubles des activités numériques : on parle de trouble de la cognition mathématique (ou dyscalculie). Les troubles spécifiques du langage : on parle de dysphasie (trouble sévère et durable affectant la production, mais également la compréhension au niveau verbal). Et enfin les troubles de l’attention (TA qui se caractérise par l’expression de symptômes d’inattention, d’impulsivité et d’hyperactivité.


Les troubles de l’apprentissage en chiffres

D’après Dys.nc, les spécialistes parlent de6à8%detroubles«dys».Onpeut également dire que 4 à 5 % des élèves d’une classe d’âge sont dyslexiques, 3 % sont dyspraxiques, et 2 % sont dysplasiques.


Les intervenants de la conférence

-Dr Catherine Lehmann, médecin conseiller technique

-Jean-Yves Kartono, inspecteur de l’Education nationale en charge notamment de l’ASH (adaptation scolaire et scolarisation des élèves handicapés)

-Camille Gauthier (neuropsychologue), vice-présidente de l’association Dys-NC et Vanessa Mazureau-Ingels, vice-présidente

-Amandine Dupuy, orthophoniste libérale à Boulouparis

-Françoise Bertrand, orthophoniste libérale à Auteuil

-Dr Delphine Molina, pédopsychiatre au centre médico-psychologique.

 

C.Sch