La dernière bataille de la TGC a commencé

Les derniers textes ont été adoptés, mardi matin, alors que le Medef-NC manifestait son opposition devant les locaux du gouvernement. Le mouvement patronal déplore que ce dernier ait adopté une réglementation des prix qui ne reprend que partiellement l’accord passé avec l’intersyndicale contre la vie chère. Il promet de se battre jusqu’au bout pour obtenir gain de cause.

La mort des petites entreprises a-t- elle sonné ? C’est ce que clamait le Medef-NC, mardi matin, devant les portes du gouvernement alors que ce dernier examinait les derniers textes permettant de réglementer les prix dans le cadre de la mise en œuvre de la TGC, le 1er octobre prochain. Une réglementation qui a fait couler beaucoup d’encre et promet d’en faire couler encore un peu. Le mouvement patronal reproche au gouvernement d’avoir adopté sa propre réglementation des prix alors qu’un accord avait été conclu avec l’intersyndicale. Le vote de la loi par le Congrès fin août l’avait d’ailleurs consacré d’une certaine manière au travers d’un amendement, porté par Jacques Lalié, du groupe UC-FLNKS.

Si l’amendement reconnaissait l’accord entre le Medef-NC et l’intersyndicale contre la vie chère, il laissait toutefois les mains libres au gouvernement quant à la rédaction des arrêtés d’application. Le président du gouvernement, Philippe Germain, avait prévenu qu’il privilégierait la formule qui permettrait d’atteindre l’objectif fixé par cette réforme : une baisse des prix. C’est donc la solution portée par le gouvernement qui a été retenue avec le soutien des membres indépendantistes et contre les voix des Républicains calédoniens et des Républicains. Si l’arrêté adopté par la collégialité intègre quelques éléments de l’accord, le Medef-NC dénonce un déni de démocratie et s’alarme des conséquences que va avoir ce contrôle des prix.

Risques économiques contre objectif de baisse des prix

Pour le mouvement des patrons, le contrôle des prix va imposer une baisse des prix de l’ordre de 10 à 15 %, ce qui est une bonne nouvelle pour les consommateurs, mais beaucoup moins pour les entreprises. « D’après nos calculs, explique Daniel Ochida, le président du Medef-NC, avec une réglementation de cette nature, beaucoup d’entreprises ne vont pas tenir. L’intersyndicale avait bien compris qu’elle n’était pas bonne pour l’emploi et donc pour leurs adhérents. C’est pour cela que nous avions trouvé un accord équilibré, dans lequel tout le monde faisait un effort, et qui garantissait une absence d’inflation et une baisse des prix entre 3 et 11 %. » Les conséquences attendues sont, dans le meilleur des cas, des licenciements et, au pire, la fermeture d’entreprises. Le Medef-NC souligne l’effet désastreux sur les cotisations sociales et les recettes fiscales liées à l’IS30, l’impôt sur les sociétés. En net repli ces dernières années, il représente l’impôt direct le plus important. Il constitue près de la moitié des impôts directs prélevés.

Pour le gouvernement, l’objectif de cette réforme est bien la baisse des prix, d’autant plus qu’il en sera comptable devant les électeurs en cas d’échec. Elle est le fruit d’un long combat de l’intersyndicale contre la vie chère, engagé depuis près de 15 ans, voire davantage pour certains syndicats. Comme le dénonce le Medef-NC, le gouvernement cible la grande distribution en situation d’oligopole (deux acteurs se partagent la plus grande partie du marché) et le marché des pièces automobiles. Un choix assumé par Philippe Germain qui rappelle les différences de prix entre la Métropole et la Nouvelle-Calédonie. La récente étude des prix de l’enquête Cérom a montré un écart de 108 % sur les produits de grande consommation en 2016. Un écart qui s’est creusé depuis 2010 où il était de 89 %. Pour le président du gouvernement, l’accord des partenaires sociaux n’allait pas assez loin, l’idée étant d’atteindre une baisse des prix de 11 % à 13 % pour les produits de grande consommation et de 15 % à 20 % pour les prix des pièces détachées.

Pour parvenir à ces baisses, le gouvernement va donc procéder à un contrôle des marges. Pour simplifier, les services ont relevé les prix les plus bas et les plus élevés et observé les marges. Ils ont ensuite défini un taux de marge moyen qui s’appliquera à tous. « Nous avons décidé de privilégier les prix moyens, nous estimons que toutes les entreprises peuvent s’en sortir, assure Philippe Germain. Notre but n’est pas de tuer les entreprises de la grande distribution et de l’importation de pièces automobiles, mais d’écrêter les différences de prix. En Métropole, les différences de prix entre les grandes surfaces sont de l’ordre de 1 % à 3 %. Ici, elles dépassent parfois les 100 % ». Le dispositif devrait donc conduire à l’augmentation des prix les plus faibles et une diminution des prix les plus élevés avec l’idée de pousser les entreprises à la compétitivité. Autrement dit, pour faire plus de chiffre d’affaires, il leur est demandé de baisser les prix pour vendre plus et non plus de se contenter simplement d’augmenter les prix.

Pour les pièces automobiles, le système retenu est la limitation du coefficient de marge à 2,38, comme c’était le cas jusqu’au début des années 2000. Aujourd’hui, selon le gouvernement, ce coefficient peut atteindre 6. Limité à 2,38, il sera réparti entre le grossiste et le garagiste afin de permettre des baisses de prix plus importantes pour les particuliers qui souhaiteraient eux- mêmes changer leurs pièces.

Le silence de l’intersyndicale

Ce contrôle des prix ne devrait pas poser de problème pour les produits taxés à 3 % et 11 % et une baisse des prix mécaniques est prévue pour bon nombre d’entre eux tout en permettant aux entreprises de conserver les mêmes marges. Cependant, le Medef-NC pointe les risques pour les produits à 22 %. Dans ce cas, comme le prévoit la réglementation, les prix seront baissés d’autorité, au travers de la fixation des taux de marges, alors qu’ils seront soumis à une taxation plus lourde qu’auparavant. Il reviendra donc aux entreprises d’assumer la baisse de prix ce qui impactera directement leurs marges et donc leurs rentabilités. Le Medef-NC dénonce de manière plus générale l’absence d’étude d’impact économique de cette réforme, uniquement abordée sous l’angle des prix, alors que les conséquences pourraient être bien concrètes pour certains salariés.

Il ne compte toutefois pas attendre de voir les conséquences de cette réglementation. Le mouvement a expliqué qu’il utilisera toutes les armes à sa disposition pour obtenir gain de cause et faire en sorte que le gouvernement applique l’accord passé avec l’intersyndicale. Une question prioritaire pourrait très prochainement être déposée au Conseil constitutionnel contre la réglementation qui est une atteinte à la liberté d’entreprendre. Un point sur lequel le gouvernement assure être plutôt serein, notamment au regard des avis du Conseil d’Etat qui justifie cette atteinte à la liberté de commercer en vue de protéger le consommateur. Dans cette cacophonie, un seul acteur reste plutôt discret. L’intersyndicale, qui est au cœur du projet, est la seule à ne pas prendre la parole, partagée entre l’engagement pris avec le Medef-NC qui vise à protéger l’emploi et une nette baisse des prix promise par le gouvernement, le cœur des syndicats balance. Le silence des syndicats en dit toutefois plutôt long sur ce que pourrait être sa position. Au-delà des questions purement techniques, la mise en œuvre de cette réforme aura cristallisé les oppositions sans possibilité de parvenir à un consensus.

M.D.


Les exceptions du contrôle

L’encadrement des prix vise avant tout les secteurs peu concurrentiels de l’économie et en particulier la grande distribution. Le gouvernement a, en revanche, exclu de ce contrôle les stations-service, les tabacs-journaux, les cordonniers, les boulangeries et pâtisseries, les pharmacies, les parfumeries ou encore les commerces de produits d’épicerie fine ou gastronomiques.


Les matériaux de construction et de bricolage

Pour les matériaux, les entreprises pourront conserver leurs marges en valeur comme pour les autres produits. Pour une liste de 37 articles, les prix seront gelés, comme le prévoyait l’accord entre l’intersyndicale et le Medef-NC.