La centrale au gaz commence à faire tousser

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Les membres de la commission permanente du Congrès ont voté, mercredi 5 septembre, un avenant au contrat de développement État-Nouvelle-Calédonie. Ce texte vise à rediriger la subvention de l’État pour les études de la future centrale thermique au gaz vers l’Agence calédonienne de l’énergie. Ce petit acte administratif pose des questions profondes sur la gouvernance du projet et le contrôle de légalité assuré par le haut-commissaire.

Un tout petit article passe et la démocratie peut s’en trouver chamboulée. La commission permanente du Congrès s’est réunie, le mercredi 5 septembre, afin d’étudier plusieurs projets de texte et notamment un avenant au contrat de développement État- Nouvelle-Calédonie concernant le projet de centrale électrique au gaz qui viendra remplacer celle désormais hors d’âge de Doniambo. Pour rappel, la centrale actuelle est la propriété de la SLN qui revend son électricité à la collectivité. La trésorerie ayant été presqu’intégralement versée aux actionnaires et devant faire face à un contexte difficile, la SLN n’était pas en mesure de remplacer sa centrale électrique devenue obsolète. Pour permettre la survie de la société, les élus ont pris la décision de reprendre à leur compte le projet et de construire la centrale.

Pour porter ce projet, une société a été créée, Nouvelle-Calédonie Énergie (NCE), dont la présidence du conseil d’administration est assurée par le député Philippe Gomès. Également partie prenante, l’État devait verser à cette société une subvention en vue de financer les études et prestations pour la réalisation de la centrale thermique. Les contrats de développement prévoient une participation de l’État à hauteur de 193,8 millions de francs. Un premier arrêté pris par le gouvernement le 23 janvier 2018 devait permettre d’attribuer cette subvention et de lancer ce grand chantier, indispensable pour la survie de la SLN et bienvenu pour les entreprises calédoniennes. Un autre arrêté du 19 mars venait pourtant annuler le précédent.

Une course de haies juridique

Une marche arrière qui illustre les problèmes juridiques de fond autour de cette affaire. Le Chien bleu avait d’ailleurs publié récemment un article soulignant l’impossibilité pour un député d’être président d’une société à caractère public. Sur ce point, le Code électoral est plutôt clair. À l’époque, le signalement de cette question par un conseiller technique au député lui avait valu sa tête. Furieux, Philippe Gomès l’avait fait remercier, exprimant sa volonté farouche de se maintenir à la tête de cette société.

Au mois de juin, une délibération venait modifier la participation de l’Agence calédonienne de l’énergie (ACE) à la société Nouvelle-Calédonie Énergie, de 51 % à 50 %. L’idée étant de permettre à l’État de verser la subvention à l’Agence calédonienne de l’énergie et non plus NCE. Problème, le 2 juillet, le gouvernement recevait un courrier du haut- commissariat lui indiquant l’impossibilité de verser la subvention, du fait que sur les contrats de développement initialement rédigés, c’est bien NCE qui en était bénéficiaire et non pas l’ACE.

Les membres de la commission permanente étaient donc réunis, mercredi, pour valider un avenant aux contrats de développement et permettre le versement de la subvention à l’ACE qui, comme le prévoient les documents, s’engage à reverser dans son intégralité cette subvention à NCE. Un montage bien compliqué que le représentant du gouvernement, Nicolas Metzdorf, le membre du groupe Calédonie ensemble, Philippe Michel, ou encore le vice- président de la commission, Philippe Gomès, ont eu bien du mal à expliquer. « Rien n’empêche de verser la subvention à l’Agence calédonienne de l’énergie », s’est défendu Nicolas Metzdorf. Rien n’empêchait non plus que l’État verse tout simplement la subvention à NCE, comme c’était prévu initialement.

Pour Yoann Lecourieux, membre de la commission du groupe Les Républicains, et Philippe Blaise, représentant les Républicains calédoniens, qui se sont opposés à cet avenant, la raison est relativement simple. Tous ces atermoiements visent uniquement à maintenir le député Philippe Gomès à la présidence de cette société en charge de gérer un projet de plus de 60 milliards de francs ainsi que l’ensemble des contrats d’approvisionnement en gaz, autant dire une masse d’argent considérable, plus importante encore que celle du Médipôle.

Agence de l’énergie, une machine à laver plus blanc que blanc

« L’Agence calédonienne de l’énergie est utilisée comme une machine à laver la subvention de l’État », s’est indigné Yoann Lecourieux. On notera d’ailleurs sur ce dossier le soutien du haut-commissaire qui a accepté de porter en urgence cet avenant aux contrats de développement. L’élu Républicains s’interrogeant également sur la volonté de Thierry Lataste d’exercer son contrôle de légalité jusqu’au bout. On peut d’ailleurs s’étonner de l’opportunité à faire transiter l’argent par l’Agence calédonienne de l’énergie qui est encore relativement peu structurée et dispose de très peu de personnel, et ce, d’autant plus qu’Enercal est le principal partenaire de cette opération et qu’il n’a aucun lien avec l’Agence de l’énergie.

Mais la qualité du président de Nouvelle- Calédonie Énergie n’est pas le seul questionnement en matière de gouvernance. Récemment, des modifications ont été apportées à la composition du conseil d’administration de la société. Auparavant, les représentants des collectivités étaient Philippe Gomès, Adolphe Digoué et Yoann Lecourieux. Adolphe Digoué, membre du Palika, et Yoann Lecourieux ont tous les deux été remplacés par Philippe Dunoyer et Roger Kerjouan, le secrétaire général de la province Sud. Autrement dit, la gouvernance de ce projet est désormais assurée par un unique parti politique, sans que les autres aient le moindre droit de regard. La nomination de Roger Kerjouan pourrait par ailleurs poser des problèmes juridiques dans le sens où il est le responsable de l’administration qui devra délivrer des autorisations, notamment ICPE, en vue de la construction de la centrale.

Si tous les acteurs sont unanimes sur l’importance de construire cette centrale, notamment dans l’intérêt de la SLN, il est légitime de s’interroger sur les raisons profondes de ces petits arrangements administratifs qui ont conduit à repousser de neuf mois le versement de la subvention et donc le lancement des études sous l’œil visiblement apathique de l’État. Au moment du vote, Jacques Lalié, le secrétaire de la commission permanente UC-FLNKS, a tenu à prendre la parole pour lancer un appel à revoir la gouvernance de la société, juste avant que Philippe Michel ne le rappelle à l’ordre en lui faisant signe de lever le bras pour approuver l’avenant. L’avenant a été adopté à six voix pour, contre les trois voix des Républicains et des Républicains calédoniens.

La séance de la commission permanente est à revoir sur le site de la webtélé du Congrès, www.congres.nc

M.D.