La Calédonie s’engage dans la transition énergétique

Après avoir reporté le vote du texte à fin 2015, les élus du Congrès étudient à nouveau le schéma pour la transition énergétique. Ce document fixe les grandes lignes à suivre d’ici 2030, afin de réduire notre production de gaz à effet de serre et transformer notre économie énergivore en économie plus durable.

La Calédonie est loin d’être un modèle de développement durable. Son modèle économique extensif largement adossé à l’industrie minière laisse une place relativement étroite aux alternatives vertes. Mais les choses avancent, doucement mais sûrement. À l’instar de la structuration de la gestion des déchets, par exemple, les questions environnementales font petit à petit leur entrée dans les politiques publiques.

Le report du vote du schéma pour la transition énergétique illustre toutefois un certain désintérêt d’une partie de la classe politique pour l’environnement. En décembre 2015, c’est une guéguerre politique qui avait conduit à l’ajournement du vote. Le texte devrait, cette fois, avoir plus de chances. Philippe Dunoyer, le porte-parole du gouvernement, ne se risque à aucun pronostic mais souligne néanmoins que ce qui était reproché au mois de décembre – le fait de ne pas avoir saisi officiellement le Sénat coutumier – était désormais réglé. Il y a un peu plus d’un mois, une commission plénière du Congrès est revenue sur le fond du dossier. Une commission mixte a ensuite été convoquée avant que ne soient rendus les avis du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental

Des objectifs de réduire les émissions de 10 à 35 %

Le texte a de meilleures chances d’être voté, même si rien n’est encore joué. Car dans le fond, les choses n’ont pas véritablement changé. Les critiques risquent donc d’être plus ou moins les mêmes. Les détracteurs reprochent globalement au projet son manque d’ambition. Il s’agit d’un schéma qui fixe les grandes lignes à suivre à l’horizon 2030. Il pose de grands objectifs, comme celui de réduire de 35 % les émissions de CO2 dans les secteurs résidentiels et tertiaires. Le document donne également un objectif de réduction des émissions de 10 % dans le secteur de la mine.

Mais sorti de cette compilation de bonnes intentions, le schéma ne présente aucune contrainte et c’est l’une de ses principales faiblesses notamment pointées du doigt par les associations de protection de l’environnement. Un aspect qui va dans le même sens que la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de ratifier l’Accord de Paris sur le climat, décidé le 19 mai par le Congrès. Si cette décision marque la volonté de la Nouvelle-Calédonie de s’engager aux côtés des autres pays du monde entier, elle pourrait bénéficier d’aménagements, selon le ministère de l’Outre-mer.

La question de la mine

Il faut dire que le contexte calédonien n’est pas franchement favorable. L’industrie minière, qui a construit le pays, a longtemps relégué les questions environnementales au second plan. Le pacte de stabilité fiscale, qui protège les trois métallurgistes de toute taxation nouvelle, empêche, par exemple, la mise en place d’une taxe carbone. Les dernières informations semblent toutefois indiquer que la future centrale électrique de Doniambo pourrait fonctionner au gaz et non plus au charbon. Un changement qui serait plus cohérent avec les engagements de la Nouvelle-Calédonie et plus généralement du Gouvernement qui a porté l’Accord de Paris et s’apprête à supprimer les subventions aux projets les moins efficients en matière d’émission de gaz à effet de serre. Dans les cartons également, un projet de barrage sur la Côte-Oubliée, à Ouinné. Reste la question du financement. Et c’est probablement une des raisons pour lesquelles le Congrès a souhaité ratifier l’Accord de Paris. À l’image des travaux aux rencontres d’Oceania 21, la grande interrogation était de savoir si la Nouvelle-Calédonie, dont le statut est si particulier, pouvait bénéficier du Fonds vert, alimenté par les États et dont l’objectif est de financer des projets permettant de lutter contre le réchauffement climatique, en particulier dans les pays émergents et les petites nations. D’après les déclarations de François Hollande, de passage en Polynésie française au mois de février, la Calédonie pourra bien bénéficier du Fonds vert, à condition qu’elle ait déterminé ses objectifs, ce qui sera fait incessamment, et, surtout, qu’elle ait des projets à financer.

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Des objectifs de réduction à géométrie variable

Les objectifs en matière de réduction d’émission de gaz à effet de serre (GES) ont été différenciés selon les secteurs d’activité, – 35 % pour les secteurs résidentiels et tertiaires, – 10 % pour la mine et – 15 % pour les transports. En matière de production de GES, la mine arrive loin devant avec l’équivalent de 1,4 million de tonnes de CO2. Le secteur des transports suit loin derrière avec l’équivalent de 266 000 tonnes par an, suivi du résidentiel et du tertiaire avec 200 000 tonnes.

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La Calédonie en pointe sur le piégeage du CO2

Financée par le Centre national de recherche technologique sur le nickel et son environnement, une équipe de recherche interdisciplinaire est parvenue à piéger du carbone en utilisant les scories de la SLN et, dans une moindre mesure, de celles de KNS. Le procédé ingénieux, dont le résultat a été présenté au début du mois de mars, vise à séquestrer le carbone produit par les centrales électriques, à proximité des lieux de production. Le bilan carbone du dispositif est bien sûr positif et le minéral résiduel, s’il faut encore faire des essais, pourrait être utilisé dans la construction de routes ou l’élaboration de bétons spéciaux. Les scientifiques n’attendent plus que les financements pour faire des tests à l’échelle industrielle.

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Des objectifs et des mesures concrètes

Le schéma est un cadre assez général qui fixe les grands objectifs à atteindre d’ici 2030. Organisé autour des trois grands axes que sont la réduction de la consommation électrique de 20 %, soit un retour à la consommation de 2010, l’augmentation de la part du renouvelable (100 % de la distribution publique contre 16 % aujourd’hui) et la réduction des gaz à effet de serre, le schéma se décline ensuite sous la forme de sept orientations stratégiques, elles-mêmes traduites en 23 leviers d’action. Ces pistes plus concrètes reprennent un certain nombre d’actions déjà existantes comme le développement du vélo, l’aide à l’achat pour des équipements moins énergivore ou encore l’aide à l’achat de chauffe-eau solaires.

M.D.