L’« axe » du Président décliné aussi par ses ministres

Lors de sa visite, Emmanuel Macron était accompagné de ses ministres, Jean-Yves Le Drian, pour l’Europe et les Affaires étrangères, et Jean-Michel Blanquer, pour l’Éducation, ainsi que de Sébastien Lecornu, secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire. Tous ont décliné dans leurs dossiers respectifs la stratégie gouvernementale destinée à faire de la Nouvelle-Calédonie, un point crucial de l’axe Indo-Pacifique, sur lequel la France mise énormément.

Bien que plus loin des projecteurs, de la presse nationale en particulier, les représentants du gouvernement central n’en sont pas restés moins actifs lors de leur séjour en Nouvelle-Calédonie. Tandis qu’Annick Girardin, ministre des Outre-mer, suivait avec le haut-commissaire, Thierry Lataste, les moindres pas du chef de l’État, Jean-Yves Le Drian, Jean-Michel Blanquer et Sébastien Lecornu ont enchaîné les réunions sectorielles. Pas d’annonces d’ampleur venant de leur part, celles-ci étant, logiquement, réservées au Président, mais ils se sont appliqués à déployer une approche située dans la droite lignée de la politique formulée par Emmanuel Macron.

S’impliquer davantage dans la région

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Jean-Yves Le Drian s’est entretenu à plusieurs reprises avec le président du gouvernement, Philippe Germain, qui avait également accompagné la délégation présidentielle en Australie. Au menu de leurs discussions : la stratégie politique et géopolitique et les échanges économiques internationaux. Les deux hommes ont aussi présidé le « dialogue de haut niveau » sur le changement climatique et la biodiversité à la Communauté du Pacifique avec les représentants des pays de la région. Jean-Yves Le Drian a porté, lors de ces rendez- vous, le message formulé par le Président depuis son arrivée dans le Pacifique : la réorientation de la présence de la France dans la zone, avec cette volonté de voir la nation devenir un acteur majeur de l’axe Indo-Pacifique par l’intermédiaire des pays et territoires d’outre-mer dont la Nouvelle- Calédonie, que l’on n’a plus peur d’appeler une « base avancée de la France et de l’Union européenne dans le Pacifique ».

Prenant en considération la présence « très active » de la Chine dans la région, il a été question des politiques à mener – en Nouvelle-Calédonie et dans la région – pour la protection des ressources de la mer, en faveur du développement agricole et du touristique durable. Pour l’ensemble des pays et territoires de la région, l’idée est de favoriser l’activité économique, l’emploi et la stabilité, de mettre en place une gouvernance partagée pour éviter l’hégémonie tout en faisant attention aux rapports de force entre les grandes puissances. Avec l’avancée notable de la Chine, et sachant combien certains pays sont toujours plus dépendants et tributaires d’aides financières souvent sujettes à contreparties, l’accent a été particulièrement mis sur la nécessité de rendre plus efficaces et visibles les financements européens (FED) dans la zone. L’État, qui était soucieux de savoir si de telles pressions étaient exercées localement par d’autres pays, a pu être rassuré. « Il n’y en pas » selon Philippe Germain.

En matière de lutte contre le réchauffement climatique, la France s’est dite determinée dans le droit fil de l’Accord de Paris à s’engager au plus haut niveau pour les pays insulaires océaniens, en financant via l’AFD « véritable banque de dévelopement » l’adaptation aux changements climatiques, en soutenant la conservation et la gestion durable de la biodiversité, et en apellant la communauté internationale à fixer des objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Faire du parc de la mer de Corail un exemple mondial

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Évidemment dans ce contexte global, l’étendue et la richesse de l’espace marin de Nouvelle- Calédonie est une source de potentiel immense à protéger et à valoriser. Et dans ce domaine, l’État entend « tenir le stylo » là où il peut.

Cinq mois après un premier déplacement aux côtés d’Édouard Philippe, Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, a pu se rendre compte que le projet du parc de la mer de Corail avait enfin émergé avec l’adoption d’un plan de gestion 2018-2022 qu’il juge « robuste », des mesures concrètes de protection qui seront rapidement entérinées et une « structure unique » pour porter le projet (un groupement d’intérêt public, a priori). Parmi les objectifs fixés : le développement de la recherche pour la protection de la biodiversité ; l’innovation et les nouvelles technologies pour l’observation, la surveillance, etc. ; le développement d’activités durables et enfin, la promotion du parc comme un modèle et vecteur d’intégration régionale et internationale en matière de préservation et de gestion durable des océans. Il s’agit, a dit Sébastien Lecornu, de démontrer très concrètement « ce que nous sommes capables de faire en matière de biodiversité » et de montrer que « la valorisation de la biodiversité est une plus belle richesse que son exploitation traditionnelle », selon les mots de Philippe Germain.

Le secrétaire d’État s’est félicité de voir que les objectifs étaient désormais « partagés par tous » et que le discours était « dans l’opérationnel ». Il a néanmoins appelé les acteurs à rédiger des « fiches-actions » et promis en matière d’ingénierie le soutien de l’État, avec notamment l’ouverture d’un poste à temps plein pour le projet du parc à l’Agence française de la biodiversité à Nouméa. L’État a aussi promis de soutenir (en maîtrise d’œuvre) la candidature du projet calédonien au programme d’investissements d’avenir « Territoires d’innovation de grande ambition » (Tiga). (Le premier chiffre évoqué est de près de 55 milliards de CFP). Intitulé « Le parc naturel de la mer de Corail ou comment faire de la préservation de la biodiversité un moteur de croissance dans le Pacifique », ce projet est porté par le Cresica, le cluster maritime et de l’économie numérique, l’Adécal et le comité de gestion du parc. À la clé si le territoire était retenu, une méthode et des moyens financiers. Il a enfin été répété qu’il s’impliquerait dans toutes les compétences qui restent les siennes et en particulier sur le volet surveillance, un « enjeu international majeur » qui « préoccupe de plus en plus ». « Il n’y a pas de plan B, a fortiori dans le Pacifique », a souligné Sébastien Lecornu reprenant le leitmotiv si cher à Emmanuel Macron.

L’international à l’école aussi

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Sachant que l’avenir se joue aussi et surtout à l’école, il n’était pas surprenant de voir que Jean- Michel Blanquer faisait partie de la délégation présidentielle en Australie et en Nouvelle- Calédonie. Le ministre a visité la section internationale franco-australienne du collège Baudoux, qui bénéficie d’un enseignement renforcé en anglais. Une section totalement « en phase », a-t-il dit, avec la stratégie à laquelle travaille Emmanuel Macron. « Le Pacifique est fondamental sur notre planète et la France à un rôle à y jouer. Cette vision ne peut avoir de sens que par l’école, en préparant les jeunes à l’avenir ». Le ministre de l’Éducation s’est également intéressé à l’enseignement des langues et de la culture kanak en harmonie, cette fois, avec la reconnaissance des identités et le rapprochement des communautés évoqués par le Président. Jean-Michel Blanquer a promis d’accompagner le territoire pour la création d’un Capes bivalent en langues kanak.

Devant les professionnels du secteur, il a insisté sur le « vivre-ensemble » de l’après 4 novembre et cette capacité locale à faire vivre la diversité des origines et d’en tirer de la force. « Des choses extraordinaires sont faites ici et je suis très optimiste ». À noter que le ministre a confirmé que l’État financerait l’alignement réclamé du statut des enseignants territoriaux sur le statut national, chiffré à plus de 800 millions de francs et synonyme de nouvelles modalités salariales et d’évolution de carrière dans la fonction publique d’État. De quoi finalement donner des ailes à toutes les ambitions.

C.M.

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