« Il manque peut-être de radios »

Patrice Gélinet, ancien animateur radio aujourd’hui membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, était en visite sur le territoire pour une semaine de rencontres. Plus précisément en charge des groupes de travail sur la radio, la défense de la langue française et des langues de France ainsi que l’outremer, Patrice Gélinet en a profité pour tenir une réunion de travail avec le gouvernement calédonien et les représentant locaux du CSA. L’ordre du jour était chargé avec au menu, les discussions autour du transfert de compétence de l’audiovisuel prévu par l’article 27 de la loi organique qui doit faire l’objet d’un vote du Congrès en 2016, la possibilité de créer Conseil calédonien ou encore de nouvelles radios

NC : Qu’est-il ressorti de vos discussions concernant le transfert de l’audiovisuel qui cristallise les oppositions au sein de la classe politique ?

Patrice Gélinet : Une chose d’abord, le transfert de la compétence audiovisuelle appartient au Congrès. C’est à lui et aux Calédoniens d’en décider. Nous n’avons pas à afficher un point de vue ou une opinion particulière. Nous avons simplement parlé des options qui sont retenues. Il y en a plusieurs, qui concernent essentiellement deux sujets, Nouvelle-Calédonie 1ère qui est une antenne de France télévisions, ainsi que la régulation de l’audiovisuel. Est-ce que ce sera un CSA calédonien ou est-ce que ce sera une mise à disposition du CSA actuel ? Je ne peux pas vous dire ce qui en sortira, ce sera au Congrès d’en décider. Nous avons simplement un rôle d’accompagnateur.

DNC : D’autres dossiers ont-ils été évoqués ?

Patrice Gélinet : J’ai profité de ma venue pour voir l’ensemble des opérateurs de radio et de télévision. C’est important pour moi d’avoir une vision sur le terrain de ce qu’est la réalité du paysage audiovisuel, en voyant bien entendu les radios et les télévisions, mais aussi, et c’est pour ça que je rencontre les autorités locales, le président du Congrès, les présidents des assemblées provinciales et les élus quand ils sont là, pour me rendre compte un petit peu des attentes et des souhaits des Calédoniens vis-à-vis de leurs radios et leur télévision. C’est par le truchement de leurs élus que je le fais. J’ai rencontré aussi le haut-commissaire qui m’a donné également son point de vue.

DNC : Qu’attendent les Calédoniens selon vous ?

Patrice Gélinet : J’ai l’impression qu’ils attendent d’avoir un peu plus de radios et avec des formats différents que ceux qui existent. Les radios actuelles font bien leur métier, mais je constate par rapport aux autres départements, régions ou collectivités d’outre-mer qu’il y a moins de radios en Nouvelle-Calédonie même par rapport à la Polynésie ou la Guyane.  Je prends un exemple, à La Réunion, vous avez plus de 50 radios même s’il y a trois fois plus d’habitants et que vous avez un marché publicitaire qui est un peu plus important. Mais il faut que j’en parle à mon conseil, nous sommes une institution collégiale, ce n’est pas à moi de décider tout seul mais il manque peut-être de radios. Et les radios qui existent n’ont également pas la possibilité, pour certaines d’entre elles, de couvrir l’ensemble du territoire. Donc, on peut envisager de lancer un appel pour de nouvelles radios ou pour les radios existantes, de couvrir l’intégralité du Caillou, c’est ce dont je vais m’occuper dès mon retour à Paris.

DNC : Est-ce que les lignes éditoriales de ces éventuelles futures radios seront précisément encadrées ?

Patrice Gélinet : Le CSA n’a pas à intervenir dans les programmes…

DNC : Il n’est effectivement pas un censeur.

Patrice Gélinet : Il n’a pas non plus à donner de consignes. Mais il a quand même à faire respecter un certain nombre d’obligations qui sont dans les conventions des radios et notamment le pluralisme, en particulier à l’occasion d’élections. Tant que les radios respectent l’ensemble de ces obligations, nous n’avons pas à leur dire ce qu’elles ont à mettre sur leurs antennes. Mais c’est le CSA qui attribue les fréquences et prenant l’avis du gouvernement (de Nouvelle-Calédonie : NDLR). Encore une fois, si nous décidons de lancer un appel, nous saisirons pour avis le gouvernement. Je répète que nous ne faisons rigoureusement rien sans demander l’avis du gouvernement.

DNC : Avez-vous eu l’occasion de parler du projet de télé du Sud, NC9 ?

Patrice Gélinet : J’aimerais surtout l’entendre… Bien sûr que j’en ai entendu parler, c’est évidemment un problème délicat. Quand l’appel a été lancé pour de nouvelles télévisions, le CSA espérait voir apparaître une télévision partagée entre les différentes tendances qui existent en Nouvelle-Calédonie. Car, autant on peut dire qu’il n’y a pas assez de radios, la Nouvelle-Calédonie pourrait difficilement supporter économiquement un trop grand nombre de télévisions.  L’idéal aurait été une chaîne de télévision partagée. Ce projet n’a pas pu arriver à son terme et nous avons donc autorisé deux télévisions, une télévision du Nord, NCTV, et une télévision du Sud, NC9. Malheureusement, NC9 n’a pas les moyens de diffuser ses programmes. Nous attendons qu’elle les ait. Le problème qui se pose, c’est faut-il ou non rendre caduque l’autorisation donnée à NC9 ? Nous pouvons le faire mais nous n’y sommes pas obligés.

DNC : Le gel des fréquences autour de deux positions idéologiques, indépendance ou non-indépendance, n’est-il pas un peu dépassé par de nouveaux positionnements et surtout l’éclatement des grands blocs politiques ?

Patrice Gélinet : Que les radios ou les télévisions reflètent un peu les options politiques, c’est-à-dire l’indépendance ou le refus de l’indépendance, on peut comprendre cela et c’est d’ailleurs conforme à l’esprit de l’Accord de Nouméa. Si on lance un appel, ce n’est pas nécessairement pour ouvrir de nouvelles radios qui expriment d’autres tendances, c’est aussi pour permettre à des formats qui n’existent pas, je pense notamment, par exemple, à des radios de musique classique, de jazz… C’est aussi pour permettre à des radios associatives d’émerger et, pourquoi pas, dans des régions où elles couvriraient de petites parties du territoire, je pense aux îles Loyauté où l’on a de radios que celles qui viennent de Nouméa, qui n’ont pas de correspondant là-bas et ne parlent peut-être pas assez des îles. Les radios associatives n’existent pas ici. Il y a des radios qui sont gérées par des associations mais qui sont en fait des radios commerciales alors que partout ailleurs, en outremer, il  y a beaucoup de radios associatives. Pensez qu’en métropole elles représentent 600 des 900 radios.

Propos recueillis par M.D

 

Bio en bref

Né en 1946, Patrice Gélinet commence sa vie en Indochine, puis en Algérie où il suit les affectations de son père officier dans la marine. Après ses études à Sciences Po puis à l’université de Nanterre, il devient professeur d’histoire avant de se tourner vers le journalisme. Il commence sa carrière à la rédaction du Figaro avant d’entrer à France Culture en 1984. En 1997, il en devient le directeur pour deux ans. À la fin de son mandat, il rejoint France Inter où il crée l’émission 2 000 ans d’histoire. Programme le plus podcasté de France Inter et de bien d’autres radios, Patrice Gélinet quitte la radio en janvier 2011 pour rejoindre le CSA.

 

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Un Comité territorial de l’audiovisuel

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a un pendant en Nouvelle-Calédonie, dont le secrétaire général est l’ancien président du Conseil économique, social et environnemental, Yves Tissandier. Le Comité territorial de l’audiovisuel calédonien – qui couvre également Wallis-et-Futuna – n’est pas le seul puisqu’il en existe 12 en métropole et quatre dans les départements et territoire d’outre-mer.

Ils font partie intégrante du Conseil  dans le sens où ils disposent d’une compétence consultative auprès du CSA lors de l’examen des dossiers de candidatures des radios et télés locales. Il a également un rôle de « surveillance » des conventions passées avec les médias par le biais d’écoute. Ils sont également un relais d’information auprès du Conseil.