Hors des normes avec Waan danse

Le festival de danse de l’ADCK revient pour notre plus grand bonheur. À partir de samedi et durant 17 jours, des troupes locales et internationales vont nous faire vivre et découvrir leur art de mille et une manières, mais toujours loin des clichés…

Une fois n’est pas coutume : le festival Waan danse donne la part belle à la tradition. L’ouverture se fera en fin de semaine, lors d’un week-end culturel dédié aux danses du Pacifique et nommé « Danses d’île en île ». Des femmes de Santo en particulier vont mener la danse, avec des chorégraphies mais également de l’artisanat et d’autres produits culturels.

Les danses kanak ne seront pas en reste avec deux groupes d’hommes : Nedo Kwe, de Canala, et Thai Neen, de Pouébo, qui s’exprimeront en écho aux pas venus du Vanuatu. Mais si elles nous viennent toutes des temps anciens et perpétuent les savoir-faire (travaux des champs, art de la chasse ou de la guerre), ces danses ont aussi la particularité de s’épanouir aujourd’hui devenant des moyens pour exprimer une certaine singularité, pour s’exprimer à l’autre. La compagnie Troc en jambes ajoutera sa pierre à l’édifice avec son spectacle Le tour du Pacifique en 80 pas dans lequel des « passe-partout de la danse », sorte de touristes, s’essayent aux multiples cérémonies et fêtes des îles de notre océan en passant par Fidji, Wallis, Tahiti… Un bel hommage, très frais, aux gestes de nos régions.

Surprendre

Et qu’est-ce qui fait l’autre particularité de Waan danse depuis toutes ces années ? « Être loin des schémas habituels, proposer des créations osées, surprendre les spectateurs ! », répond Linda Kurtovitch, en charge des spectacles au centre culturel Tjibaou. Et il y aura vraiment de quoi surprendre, cette année.

Le mardi 31 octobre, la compagnie Moebius présentera Humanité, une création de jeunes talents à l’énergie débordante. Ils viennent du hip- hop et s’essayent à la danse contemporaine pour nous conter l’eau sous toutes ses formes, « mémoire vivante » à la « pointe de nos préoccupations », sur une chorégraphie engageante de Yoan Ouchot et une mise en scène de Quentin Rouillier.

À l’affiche ensuite, et on devrait en entendre parler, la performance de la chorégraphe sud- africaine Robyn Orlin, interprétée du 4 au 8 novembre : And So You See… Our honorable blue sky and ever enduring sun can only be consumed slice by slice…* Cette création au nom à rallonge met en scène un jeune acteur de 28 ans à l’énergie incroyable, Albert Khoza. Devant des images vidéo « qui se rient du monde », sur des airs du Requiem de Mozart « qui pleure le monde », évolue le jeune performeur, dont la condition cristallise les questions adressées par Robyn Orlin à la société sud-africaine post-apartheid : « Pourquoi ne peut-on pas être gay et inscrit dans la culture traditionnelle ? Pourquoi ne peut-on pas être diplômé de l’université et pratiquer la religion et la médecine africaine coutumière ? » Albert Khoza, nous offre le cheminement d’un individu pour trouver sa place. Un spectacle « déroutant », nous promet Linda Kurtovitch, qui poussera les spectateurs à réfléchir, à penser, à oser.

Suivra ensuite, du 10 au 12 novembre, Meeting, une « pièce pour deux danseurs et 64 robots », une belle curiosité, poétique, dans l’univers de la danse contemporaine par les Australiens Anthony Hamilton (le chorégraphe) et Alisdair Macindoe. Les danseurs évoluent encerclés par des boîtiers, tous équipés d’un crayon de bois martelant le sol en rythme, une mécanique qui finit par se désorganiser… (La danse a été créée en même temps que les rythmes des boîtes à musique). Les danseurs, eux, finissent par danser au-delà de ce qui est « humain »… « Un spectacle qui devrait ravir autant les amoureux de danse contemporaine que les amateurs de percussions », souligne Linda Kurtovitch. Sous des aspects minimalistes, le spectacle, sorte de transe épurée à l’extrême et présenté comme « un dialogue entre technologie et biologie », est en tout cas d’une richesse incroyable.

Waan danse se clôturera par une décentralisation de quatre jours à Thio, tribu d’Ouroué. Caillasse du Chapitô de Nouvelle-Calédonie et Le tour du Pacifique en 80 pas seront joués les 2 et 3 novembre. Et puis amateurs, contemporains, traditionnels ou professionnels, une vingtaine de troupes locales et régionales se produiront tour à tour lors d’une « journée danse » le 4 novembre avant le spectacle de la compagnie Nyian Yumi Danis, avec Richard Digoué et Nicolas Mollé. Eric Dell’Erba exposera, enfin, L’œil et le mouvement, une série de photos de danse prise au fil des années au centre culturel.

C.M.

©Jérôme Seron, Grégory Lorenzutti, Eric Dell’Erba

* « Et donc voici… notre honorable ciel bleu et notre soleil persistant … ne peuvent être consommés que peu à peu »

 Tout le programme sur le site de l’ADCK – Centre culturel Tjibaou : www.adck.nc