Gouvernement : Et si Bernard Deladrière prenait la main ?

Troisième mois maintenant sans un président élu au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, qui ne s’en porte pas plus mal. L’absence d’exécutif élu témoigne en revanche de l’attitude bornée des plateformistes, et singulièrement de Calédonie ensemble, aux offres de discussions que leur proposent les Républicains calédoniens. Mais les lignes pourraient bouger prochainement…

C’est une évidence. – Philippe Germain ne parvient toujours pas à se faire élire à la présidence du gouvernement. Il a refusé la main tendue des Républicains calédoniens, comme les appels du pied que lui faisaient l’Etat. Résultat, aujourd’hui, l’ancien homme fort de la Finc agace. Il agace les indépendantistes, toujours pas disposés à arbitrer une partie qui n’est pas la leur. Paul Néaoutyine est allé le dire à l’Elysée et à Matignon, il y a quinze jours, que « le ton employé par Calédonie ensemble » lors des élections législatives a laissé trop de « séquelles ». Mais, le président des affaires courantes agace aussi son propre parti, et singulièrement Philippe Gomès, qui ne s’en cache plus. Mais Philippe Germain s’obstine.

Sauf que… – Arriver au Comité des signataires avec un gouvernement expédiant les affaires courantes et un président de rien du tout, pas même signataire de l’Accord de Nouméa, faut-il le rappeler, ferait mauvais genre. Paris s’en inquiète, dit-on. Aussi, le président Calédonie ensemble de la province Sud, Philippe Michel, a beau monter s’énerver sur les antennes radios, en qualifiant le groupe de Sonia Backes de « maîtres-chanteurs » : si la porte des discussions ne s’entrouvre pas, le statu quo risque de durer. D’autant que le haut-commissaire, Thierry Lataste, l’a confirmé : il ne convoquera pas les membres du gouvernement pour un nouveau tour de scrutin, à moins qu’on le lui demande… Sous-entendu, « à moins que vous vous mettiez d’accord au préalable ! ».

Un débat avorté. – Afin de permettre aux prétendus « maîtres chanteurs » et à leurs détracteurs de s’expliquer, NC 1ère a pris l’initiative d’organiser un débat entre Sonia Backes et Philippe Michel. Il devait avoir lieu mercredi soir. Mais Calédonie ensemble a décliné l’offre, ce que « regrette » la chef de file des Républicains calédoniens. Qui a néanmoins fait une nouvelle proposition.

Les quatre points de Sonia Backes. – « Pour que Christopher Gyges, l’élu des Républicains calédoniens au gouvernement, vote pour un candidat de la plateforme quel qu’il soit » (y compris donc Philippe Germain), il suffirait, dit Sonia Backes, que les uns et les autres s’engagent sur « une feuille de route gouvernementale » en quatre points : ne créer aucun nouvel impôt ; voter les textes sur la lutte contre l’alcool ; ne valider aucun nouveau transfert de compétences et mettre en place un plan de sauvetage pour le Ruamm.

Le recours Deladrière. – Des conditions auxquelles ne pourrait qu’acquiescer une majorité de contribuables calédoniens ! Mais pas forcément leurs représentants élus de la plateforme. Si malgré tout, Philippe Germain ou Calédonie ensemble réfutaient ces propositions a minima, et pour éviter que le blocage ne perdure, Sonia Backes avance l’idée que l’élu de son groupe pourrait « voter pour un autre membre de la plateforme » : Bernard Deladrière, à la personnalité plus affutée politiquement et plus consensuelle que le bouillant candidat de Calédonie ensemble. Homme de dialogue et signataire de l’Accord de Nouméa, cet ancien lieutenant de Jacques Lafleur, au verbe choisi et au ton posé, n’a jamais eu besoin de vociférer pour se faire entendre…

Un choix de raison. – Et c’est bien comme ça que l’entend l’État : de l’Elysée à Matignon et du haut-commissariat à toutes les tutelles de l’administration calédonienne, ce choix apparaît comme « sage ». Plus sage encore à un an du référendum. Quoi de plus normal, en effet, qu’un signataire de l’Accord de Nouméa soit aux manettes de l’exécutif pour l’organisation du référendum. Un argument qui fait autant mouche chez les indépendantistes que chez les loyalistes. Dans un « nécessaire dialogue avec les tenants de la souveraineté, Deladrière a les convictions et l’humilité nécessaires à l’ouverture d’un dialogue constructif », avancent certains caciques du mouvement indépendantiste. En outre, l’État verrait la chose d’un bon œil, sans trop en dire, si ce n’est en privé : ce qui est déjà plus qu’un signe !

Épisode. – Alors, peut-être que cet « introuvable gouvernement Germain » était un mal nécessaire et que cet épisode nous fera sortir de l’imbroglio post-législatives, dans lequel le parti au pouvoir nous a plongés. Vu le calendrier institutionnel, la réponse ne devrait cependant pas tarder.

M.Sp.