François Hollande fait front

Le chef de l’État fait face aux plus grandes difficultés de son mandat, et plus largement de la Ve République. Attendu par tous, il se montre déterminé depuis les premières heures du drame.

Le président de la République se trouve au Stade de France quand il est informé des premières attaques. Il quitte les lieux à la mi-temps après avoir pris connaissance des détails au PC de sécurité.
Arrivé à l’Élysée, il prépare son premier discours prononcé à minuit vendredi soir. Ému mais ferme, il prononce l’état d’urgence qui permet de prendre des mesures exceptionnelles et le renforcement des contrôles aux frontières. Après le Conseil des ministres, le Président se rend à 1 h 20 au Bataclan et au poste de secours centralisé. Il s’exprime à nouveau devant les médias. Le lendemain, il prononce trois jours de deuil national.
François Hollande est attendu par la France, par le monde entier. Quelle va être la riposte ? Après une réponse immédiate en Syrie, c’est devant le congrès de Versailles qu’il a exprimé les intentions du Gouvernement après avoir consulté l’ensemble des partis politiques du pays. Le Président, la mine grave, a dit que « la France est en guerre ».

En France

Dans un discours musclé, il a ennoncé une série de mesures pour répondre à cette période difficile. Il a d’abord annoncé le prolongement de l’état d’urgence pour trois mois et son adaptation à la situation. Le Parlement a été saisi dès mercredi d’un projet de loi sur la question.
Il souhaite par ailleurs que soit révisée la Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d’agir conformément à l’État de droit, contre le terrorisme de guerre. Selon lui, les conditions d’attribution des pouvoirs exceptionnels au Président ne sont pas adaptées. Il faut un « outil approprié pour fonder la prise de mesures exceptionnelles pour une certaine durée sans recourir à l’état d’urgence et sans compromettre l’exercice des libertés publiques ».
François Hollande a annoncé ensuite le renforcement des effectifs de sécurité. Il prévoit la création de 5 000 emplois supplémentaires dans la police et la gendarmerie, 2 500 dans la justice et 1 000 pour les douanes. La réduction prévue des effectifs militaires (suppression de 9 218 postes) a été suspendue jusqu’en 2019. La création d’une « garde nationale » composée de réservistes de la défense est également envisagée.
François Hollande a par ailleurs souligné que la question de la légitime défense des policiers devrait être traitée à l’occasion d’un « important chantier législatif » entrepris « sans délai » au gouvernement. Il s’agirait de modifier les conditions dans lesquelles les policiers peuvent ouvrir le feu.
Le chef de l’État demande aussi que la déchéance de nationalité puisse être possible pour les binationaux nés en France en cas de terrorisme.

Réponse internationale

Pour le président de la République, l’ennemi qui a sévi vendredi « n’est pas un ennemi de la France mais un ennemi de l’Europe ». Le ministre de la Défense, Bernard Cazeneuve, devait ainsi saisir ses homologues européens au titre de l’article 42.7 du traité de l’Union « qui prévoit que lorsqu’un État est agressé, tous les États membres doivent lui apporter solidarité face à cette action. »
De manière plus générale, le Président souhaite que soit mise en place une « grande coalition internationale » pour « détruire » l’État islamique. Il doit rencontrer dans les prochains jours Barack Obama et Vladimir Poutine et demande la réunion du Conseil de sécurité de l’Onu dans les meilleurs délais pour adopter une résolution marquant la volonté de tous de lutter contre le terrorisme.
« La France parle à tous, à l’Iran, à la Turquie, aux pays du Golfe… », a-t-il déclaré.
François Hollande a confirmé le maintien de la COP21 et la tenue des élections régionales.

Réactions

Au Parti socialiste, la grande majorité des élus a salué un discours à la hauteur de la situation. Pour Jean-Marc Ayrault, « François Hollande a tenu un discours à la hauteur de l’Histoire. C’est un grand discours de la Nation […] le président de la République est un grand Président lorsque l’essentiel est en jeu ».
Même si le discours a été globalement apprécié, la droite est restée sceptique sur la révision constitutionnelle. Pour le chef de file des députés Les Républicains, Christian Jacob, « rien à ce stade ne semble justifier » cette réforme des articles 16 et 36. « Notre Constitution offre tous les outils juridiques pour faire face », a-t-il déclaré à la tribune. Laurent Wauquiez a estimé que « ce dont on a besoin, c’est d’action, de mesures concrètes » et « pas uniquement de changement de Constitution ». Pour Eric Ciotti, le discours du Président est « quelque part un aveu d’échec […] je regrette que ces dispositions, que pour beaucoup l’opposition a défendues, ne soient pas intervenues plus tôt », a-t- il dit.
De nombreux parlementaires de droite et d’extrême droite ont par ailleurs regretté que les questions de l’immigration ou de l’islamisme n’aient pas été posées. Certains cadres du Front national ont constaté que le président de la République a « repris des propositions formulées parfois de longue date par leur présidente ». Jean-Luc Mélenchon cofondateur du Parti de gauche a évoqué une « sidérante contribution à l’imaginaire sécuritaire sur la nationalité, les migrants et la délinquance antichambre du terrorisme ».

C.M avec l’AFP

Photo : AFP

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73% des français estiment que François Hollande a été à la hauteur des événements.
(Sondage Odoxa pour Le Parisien/Aujourd’hui en France).

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Les autres propositions

De nombreuses propositions ont fleuri après les attentats. Toutes n’ont pas été reprises. Nicolas Sarkozy a notamment plaidé pour que les 11 500 personnes surveillées pour radicalisation (fiche S) soient mises sous résidence surveillée avec un bracelet électronique. Il a demandé la fermeture des mosquées salafistes et l’expulsion des imams radicaux. Il a par ailleurs proposé que les personnes consultant des sites djihadistes soient elles-mêmes considérées comme telles. Il a appelé à ce que les jeunes Français partis faire le djihad soient mis en prison à leur retour et que les ressortissants étrangers soient interdits de territoire. Le Front national demande la fermeture des mosquées radicales, l’arrêt de l’immigration, dénonce les liens de la France avec le Qatar, l’Arabie Saoudite et réclame que la France s’allie à Bachar al-Assad contre les terroristes de l’EI.

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Manuel Valls prévient :
« Le terrorisme peut frapper dans les semaines qui viennent »

Invité de la matinale de RTL lundi, le Premier ministre a tenu à prévenir que le terrorisme pourrait frapper « ces jours-ci ou dans les semaines qui viennent. Nous savons depuis des mois, Nous alertons et agissons. Cinq attentats ont été déjoués depuis cet été », a-t-il souligné. Les Français, peu ou mal informés, ont peut-être compris trop tard qu’ils étaient effectivement en guerre, même après les premières attaques de Charlie Hebdo.

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La riposte

En 48 heures, alors que François Hollande avait prévenu que le pays serait « impitoyable » contre l’armée de l’EI, la France a procédé à trois raids aériens en Syrie. Ces opérations ont permis de détruire « six objectifs d’importance contrôlés par Daesh », a fait savoir le ministère de la Défense.

L’armée a déployé 10 avions de chasse engagés à partir des Émirats arabes unis et de la Jordanie et successivement bombardé des cibles à Raqqa, fief de l’État islamique. Des centres de commandement, d’entraînement et de recrutement, un centre de munitions. 116 camions- citernes ont aussi été détruits dans l’est du pays.

Le gouvernement français a prévu d’intensifier son action en Syrie dans les semaines qui viennent. Le porte-avions Charles-de-Gaulle a appareillé ce jeudi pour se rendre en Méditerranée orientale, ce qui triplera la capacité d’action de la France. Les frappes menées depuis trois jours par les chasseurs de l’armée française et les autres nations comme la Russie, ont fait au moins 33 morts parmi les djihadistes.