Forum H2O : l’eau, une ressource à bien penser

Un forum dédié à la gestion de l’eau se tient à la CPS et à l’IRD, à l’initiative du gouvernement. À l’heure où la ressource diminue et la demande augmente, tous les acteurs concernés par cette question entendent contribuer à l’élaboration d’une véritable politique de l’eau pour appréhender le futur plus sereinement.

Services du gouvernement, provinces, municipalités, État, autorités coutumières, représentants du secteur agricole, des industries, associations environnementales ou de consommateurs, bureaux d’études… Quelque 300 personnes sont réunies pour la première fois autour de ce dossier désormais jugé « prioritaire » par l’exécutif. L’idée est d’aborder la problématique de l’eau « sous tous les angles » et de s’accorder sur un schéma de gestion qui serait présenté au Congrès à la fin de l’année.

Mais pourquoi donc cette nécessité de bâtir une politique spécifique sur l’eau ? À cause d’un déséquilibre grandissant entre ce dont nous disposons et nos besoins, résume Nicolas Metzdorf, en charge du sujet au gouvernement. « Nous avons un développement démographique important qui engendre une pression sur la ressource ; une politique agricole ambitieuse pour augmenter le taux d’autosuffisance alimentaire – avec, là encore, plus de prélèvements pour un secteur qui représente déjà 70 % de la consommation totale d’eau et surtout des problèmes sur la ressource à la base avec des sécheresses récurrentes depuis cinq ans, qui impactent les nappes phréatiques et les rivières. »

Penser en amont

Les enjeux sont à peu près connus et ont été listés. Tous font ou feront l’objet de sessions de travail lors de ce forum afin que des actions prioritaires soient dégagées.

Ainsi, l’accès à l’eau potable pour tous est une priorité évidente. 95 % des Calédoniens sont approvisionnés par le réseau communal, mais un tiers des unités de production (captages, forages…) ne fait pas l’objet de traitement en Nouvelle-Calédonie. L’eau est amenée directement de la ressource jusqu’au robinet avec des risques évidents de contamination sachant que 60 % de cette eau est de l’eau de surface, plus facilement souillée que l’eau souterraine. En clair, rien ne garantit ici la potabilité. Un problème qui est par exemple récurrent, on le sait, à l’île des Pins. Globalement 90 % des captages situés en terres coutumières seraient dégradés. Et ces situations nécessitent clairement des aménagements, l’amélioration des réseaux et des services.

L’eau est aussi un moteur pour les entreprises et donc observée comme un potentiel économique et d’innovation pour l’avenir. Il faut trouver les moyens, par exemple, de pouvoir irriguer demain 10 000 hectares de surfaces agricoles, selon les objectifs de développement fixés par le gouvernement, avec la ressource et les infrastructures nécessaires. Les besoins sont également colossaux pour les industries.

Enfin, étant donné les pressions actuelles et à venir sur la ressource, il faut réfléchir et de manière urgente, à la préservation des milieux. Les menaces se multiplient : la sécheresse, les espèces envahissantes, les exploitations minières passées, les feux de brousse, les pollutions industrielles et humaines. À noter aussi, les habitudes de consommation des Calédoniens qui sont importantes : 260 litres par personne et par an, contre 140 par exemple en Métropole.

Selon Gérard Fallon, directeur de la Davar, les premiers signes d’alerte de « déséquilibre » sont là. Actuellement, 200 cours d’eau sont impactés par l’engravement des rivières, soit 600 kilomètres de rivières touchées. Il y a, nous le disions, les problèmes de qualité d’eau, de pollution bactériologique ou chimique, les phénomènes d’algues vertes, d’eau rouge… « Il n’y a aucune raison pour que l’on fasse ces constats-là en Nouvelle-Calédonie. Ces signes nous intiment d’agir et il est encore temps d’inverser la vapeur. Mais n’attendons pas que ces problèmes soient trop graves pour les aborder », poursuit Gérard Fallon.

 

Gouvernance

La tenue de ce forum va permettre aux professionnels d’appréhender ensemble toutes ces questions. Une expérience nécessaire dans un territoire où les compétences sont ainsi « éclatées ». « Il y a beaucoup d’acteurs, mais c’est vrai qu’on a un peu l’habitude de travailler chacun dans son périmètre. Il n’y a pas forcément cette culture du partage de la méthode, de la donnée », commente Gérard Fallon.

Les acteurs de l’eau sont nombreux et n’ont pas forcément non plus les « mêmes clés de lecture », poursuit-il. Ainsi, l’eau n’est pas abordée sous le même angle et les réponses diffèrent sur les terres de droit commun et les terres coutumières où se trouvent 50 % des captages (100 % aux Loyauté).

Pour Didier Poidyaliwane, en charge du développement durable, de l’écologie, de la météo et des affaires coutumières au gouvernement, la priorité est justement de sensibiliser les populations sur terres coutumières sur les problématiques globales inhérentes à l’eau. « Il va falloir inverser les mentalités, l’eau devient et deviendra de plus en plus rare, même sur la côte Est, elle va devenir de l’or pour tout le monde et il va falloir la partager. Reste que le lien kanak à l’eau est autre que le lien européen. On considère que l’eau sur notre terre nous appartient, qu’elle n’est pas payante. Il va donc falloir faire un travail de sensibilisation. »

L’autre priorité affichée par le gouvernement sur ces terres, vu la dégradation des outils, est de sanctuariser les périmètres de captage, comme c’est déjà le cas dans certaines communes, en reboisant, en se battant contre les pollutions, les feux de forêt. Toutes ces questions vont être débattues lors de ce forum qui se tient jusqu’à vendredi.

C.M.