Fonds nickel : 600 millions, et après ?

Réuni en milieu de semaine comme prévu, le conseil d’administration du Fonds nickel a acté l’engagement de près de 600 millions de francs pour venir soutenir les entreprises du secteur minier et leurs sous-traitants impactés par une crise sans précédent. Ces mesures, ponctuelles, ne suffiront évidemment pas si les cours devaient durablement rester dans le rouge.

« Sauver l’activité minière et les emplois », la formule est lâchée d’entrée par plusieurs des participants à un conseil d’administration du Fonds nickel attendu de longue date. Les mesures envisagées, qui ne concernent que les entreprises de moins de 500 salariés, sont des deux ordres.

Les premières correspondent à la prise en charge par le Fonds d’une partie des cotisations patronales proportionnellement aux pertes liées à l’activité minière. Elle s’établit à 33 % des charges à compter de 25 % de perte de rémunération et augmentent graduellement jusqu’à 90 % de perte de rémunération par rapport au premier trimestre 2015.

Sont concernés par ces mesures les petits mineurs et rouleurs dont l’activité repose intégralement sur l’extraction ou l’exportation de minerai mais aussi bon nombre de leurs sous-traitants : les entreprises de forage, de minage, les laboratoires d’analyses ou encore différents prestataires tels que les bureaux d’études ou les prestataires en environnement. Pour toutes ces entreprises, la prise en compte des pertes ne concerne évidemment que la part de leur activité liée directement à l’activité minière. Au total, les services de la Nouvelle-Calédonie et le Syndicat des exportateurs de minerai estiment que les entreprises éligibles à ces mesures emploient près de 500 salariés.

Les secondes concernent la prise en charge de travaux environnementaux aux abords des sites miniers, travaux qui pourraient compenser une baisse d’activité sur mine. Sur ce point particulier, la réunion n’a pas permis de préciser exactement la nature ni la localisation des chantiers envisagés même s’il est déjà acté qu’ils concerneront en priorité les communes de Canala, Kouaoua, Houaïlou voire Thio. Il s’agit encore de fixer des priorités en fonction des difficultés spécifiques rencontrées sur chacun des sites miniers concernés. Ce deuxième volet d’action sera tranché d’ici un mois environ à l’occasion d’une nouvelle réunion du conseil d’administration.

Bouffée d’oxygène,
mais pour combien de temps ?

Dans un esprit constructif et d’apaisement, chacun s’est dit satisfait par les mesures envisagées. Les représentants des petits mineurs et des exportateurs ou les sous- traitants du ContraKmine parlent de « bouffée d’oxygène » même s’ils indiquent, à juste titre, que le gouvernement a mis bien trop de temps à mesurer l’ampleur de la crise.

Or, c’est justement sur cette question de fond, l’ampleur de la crise, qu’aujourd’hui chacun doit se positionner. Il est clair qu’en refusant de donner suite aux demandes d’exportation formulées en 2015 par la profession, le gouvernement a commis une grave erreur d’appréciation. Comme il est indéniable que les capacités du Fonds nickel, estimées à 2,5 milliards de francs, seront très nettement insuffisantes pour secourir l’ensemble des acteurs du nickel en Nouvelle-Calédonie.

Il convient d’ailleurs de rappeler que les interventions envisagées excluent les entreprises de plus de 500 salariés, comme cela avait été souhaité en 1998 à l’époque de la création de cet outil. Ce qui signifie que les trois grands opérateurs ne sont pas éligibles aux mesures validées cette semaine.

A l’issue du conseil d’administration de mardi, Xavier Gravelat, président du Syndicat des exportateurs de minerai, déclarait : « Le Fonds doit permettre de pérenniser les emplois dans les périodes difficiles. Mais si la crise dure trois ou quatre ans, je crois qu’il n’y aura tout simplement plus d’entreprises minières ou métallurgiques en Nouvelle-Calédonie. Ça, c’est clair. »

Faire le dos rond ne suffit donc plus à garantir emplois et activité dans la première industrie du pays. Les réponses doivent être envisagées à un autre niveau. Pour sauver le soldat SLN, il faut accélérer le démarrage de la construction de la centrale C, ce qui aurait comme autre vertu de donner un signal encourageant aux acteurs économiques locaux et internationaux.
Il est tout aussi impératif de faire preuve de fermeté à l’égard des opérateurs étrangers en leur rappelant qu’ils ont bénéficié de concessions fiscales et actionnariales majeures.
Enfin, il faut libérer un flux d’exportation des latérites à destination des marchés qui sont encore preneurs car contrairement aux métallurgistes, les mineurs ont, mais pour combien de temps, la possibilité de dégager des profits sur des minerais qui ne seront jamais traités localement.

C.V.