Élection présidentielle : si près, si loin

Le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu dans huit semaines environ. La campagne électorale remplit les colonnes de la presse nationale et les journaux télévisés, les émissions radio, les humoristes et autres talk-shows en font leurs choux gras. Mais localement rien. À croire que l’élection du prochain chef de l’État n’aurait aucune conséquence à 18 mois du référendum de sortie de l’Accord de Nouméa.

Cette année sera marquée par trois rendez-vous électoraux majeurs, trois temps forts de la politique dont les enjeux a priori simplement nationaux dépassent toutefois, et de beaucoup, les frontières de la France. En Grande-Bretagne, aux États-Unis, mais aussi en Italie ou en Espagne, pour n’évoquer que quelques grandes démocraties, les citoyens ont fait mentir les sondages et le verdict des urnes, s’il étonne, n’en est pas moins la manifestation d’une volonté de changement radical. La Nouvelle-Calédonie, obnubilée par la perspective du référendum de 2018, serait-elle à ce point schizophrène qu’elle serait incapable de voir que le scrutin des 23 avril et 7 mai, revêt une importance majeure, y compris pour les élections qui se dérouleront ensuite ?

Boycott et attente chez les indépendantistes

Pour l’Union calédonienne, c’est une certitude, mais pas une surprise puisque depuis fin 2016, il est de notoriété publique que la stratégie d’évitement et de quasi-boycott a pour conséquence l’absence de soutien aux candidats de gauche que sont Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélanchon. Le Palika a bien pris part, certes assez mollement, à l’organisation des primaires de la gauche. Mais comme « son candidat » était Manuel Valls, il se contente à ce jour d’attendre de Paris des précisions et des éclaircissements sur les projets du candidat élu sur la vision qu’il peut avoir du dossier calédonien et des engagements qu’il pourrait prendre si jamais les Français le portaient à la présidence de la République.

Hésitations de la droite locale à s’engager

Ce qui paraît beaucoup plus inexplicable, c’est la tiédeur des partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France à apporter leur soutien, à prendre parti et à le faire savoir.
Dans le camp des Républicains, le premier choix des Calédoniens, c’était Nicolas Sarkozy, sorti très largement vainqueur du premier tour des primaires de la droite et du centre. Mais une fois l’ancien président de la République écarté, c’est François Fillon, par défaut, qui est sorti en tête pratiquement partout. Or aujourd’hui, qui fait activement campagne en sa faveur ? Personne ou presque, alors que tous s’étaient engagés à respecter le verdict des primaires et à se ranger derrière le vainqueur. Le « Penelope Gate » ne peut tout expliquer. Alors de deux choses l’une, soit le candidat Fillon ne fait pas recette, soit l’élection présidentielle n’apparaît pas comme une priorité aux yeux d’une droite locale déjà tournée vers les élections législatives.

À Calédonie ensemble, les choses sont encore plus délicates puisqu’après avoir très majoritairement soutenu Alain Juppé, y compris en reprochant à Fillon son bilan, et tout particulièrement de s’être déplacé à Nouméa en 2010 alors qu’il était Premier ministre pour présider à la cérémonie de lever des deux drapeaux, il s’agit désormais de faire bonne figure. C’est ce que semble avoir amorcé, à Paris, Philippe Gomès en intégrant le groupe de travail du candidat Fillon sur l’éducation tout en ménageant les susceptibilités en Nouvelle- Calédonie où ses partisans relayent avec complaisance et délectation les attaques qui font florès dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Vous avez dit grand écart ?

Que dire enfin d’un Front national, dont la candidate caracole en tête des sondages depuis des mois et dont la présence au second tour apparaît désormais de plus en plus probable ? Le parti qui n’est plus présent dans les institutions que sont le Congrès et la province Sud et qui a le plus grand mal à exister localement, ce qui se ressent évidemment sur le terrain dès lors qu’il s’agit de faire de la présence. Objectivement, nous assistons donc jusqu’à présent à une non campagne ce qui n’est ni vraiment pertinent, ni vraiment rassurant sur le sentiment d’appartenance et d’attachement de nombreux responsables politiques à la France et à ses institutions.

C.V