Dissensions autour de la réforme des retraites

Les partenaires sociaux ont envoyé un courrier au gouvernement, le lundi 11 mars, afin de lui soumettre ses propositions visant à pérenniser la caisse de retraite pour les salariés du privé. Les syndicats FO et USTKE n’en sont pas signataires. Ils dénoncent le report de deux ans de l’âge de départ en retraite et appellent à une marche le 22 mars.

La caisse de retraite est déficitaire. En 2018, ses gestionnaires ont dû prélever près d’un milliard de francs dans le fonds de réserve. L’année prochaine, ce sont près de trois milliards qu’il faudra prélever et ainsi de suite jusqu’à ce qu’une nouvelle réforme du système des retraites soit adoptée. Toujours en 2018, le fonds était suffisant pour couvrir 14 mois de versement. Une situation tout juste satisfaisante si l’on considère que le minimum légal pour une caisse de retraite est de 12 mois. On notera toutefois qu’en 2007, date de la dernière réforme, les réserves permettaient à peine de couvrir six mois. C’est en effet entre 2007 et 2009 que la précédente réforme de la branche vieillesse, chargée du dossier des retraites, avait été réalisée. Une augmentation des cotisations ainsi qu’un allongement de la durée de cotisation avaient été décidés.

Les équilibres définis il y a près de dix ans ne sont plus valables aujourd’hui. La raison tient au fait que les retraites sont payées par les actifs. Avec l’allongement de la durée de vie, les retraités sont toujours plus nombreux sans pour autant que les actifs le soient également. Le déséquilibre entre retraités et actifs qui se creuse est renforcé par la conjoncture économique. Les pertes d’emplois qu’a connues le secteur privé ces dernières années vont accroître le déficit et rapprocher encore un peu plus l’horizon de la cessation de paiement de la caisse, au cas où aucune action ne serait entreprise.

Report de l’âge légal du départ à la retraite

Afin de redonner de l’air à la caisse, les partenaires sociaux ont envoyé un courrier reprenant leurs propositions de réforme. La mesure phare consiste à reculer une nouvelle fois l’âge du départ en retraite. Il passerait ainsi de manière progressive à 62 ans contre 60 ans actuellement. De la même façon, l’âge légal du départ en retraite pour les personnes ayant cotisées au moins 35 ans passera de 57,5 ans à 59,5 ans. Pour la majorité des partenaires sociaux, il s’agit de la meilleure solution pour allonger l’horizon de viabilité du régime qui sert près de 32 000 anciens salariés du privé. Afin de tenir compte des positions de la CSTC- FO et de l’USTKE, la majorité des partenaires sociaux a toutefois décidé de conditionner la mise en œuvre de cette mesure à la réalisation d’une nouvelle étude actuarielle (étude spécifique aux régimes de retraite) qui sera menée en 2020. Selon Eric Durand, le porte- parole du Medef-NC, le recul de l’âge du départ à la retraite n’interviendra qu’à condition que le régime en ait besoin pour assurer sa pérennité. Les responsables de la CSTC-FO et de l’USTKE balayent l’argument. Ils estiment que la décision est prise, quelle que soit les résultats de la future étude.

« Le Medef-NC avait prévenu qu’il ne mettrait pas un sou de plus, pointe Firmin Trujillo, le secrétaire général de la CSTC-FO. Le recul de l’âge de départ est un choix de société que nous ne partageons pas. C’est le choix de la facilité et au lieu d’avancer, nous sommes en train de reculer. » Pour André Forest, le président de l’USTKE, ce choix ne tient pas compte de la réalité sociale calédonienne et des nombreux départs anticipés négociés en raison de la pénibilité des travaux, mais aussi de l’insertion des jeunes sur le marché du travail. Pour la majorité des partenaires sociaux, l’allongement de la durée de vie active est une réalité qui se fait naturellement. Aujourd’hui, l’âge moyen du départ à la retraite est de 60,5 ans et en constante augmentation.

Déplafonner les cotisations pour les hauts revenus ?

La CSTC-FO et l’USTKE lancent un appel à marcher, le 22 mars, afin d’alerter la population sur ce choix et tenter de peser sur la décision finale qui relève du politique. Le Congrès pourrait très bien décider de ne pas suivre les recommandations formulées par les partenaires sociaux, d’autant plus si ces derniers sont divisés. Cela avait notamment été le cas lors de la réforme de 2007 où les élus n’avaient pas repris l’ensemble des mesures préconisées. Les deux syndicats expliquent qu’il existe un certain nombre d’alternatives qui n’ont même pas été explorées précisément faute d’étude. « La dernière remonte à 2014. Ces études ont un coût, mais le dossier n’est-il pas suffisamment important pour que l’on en paye une nouvelle ? », interroge Firmin Trujillo. Pour la CSTC-FO et l’USTKE, l’augmentation de l’âge de départ va peser sur les classes les plus populaires dont l’espérance de vie est plus faible, sans compter que certains de ces retraités ont des niveaux de pension très faibles.

Les deux syndicats avaient notamment proposé que l’on travaille sur le déplafonnement des cotisations. Cette mesure consisterait à porter les cotisations sur l’ensemble des revenus. Aujourd’hui, la base des cotisations retraites est plafonnée à 395 107 francs. Autrement dit, une personne percevant par exemple un salaire de 500 000 francs cotise uniquement sur une base de 395 107 francs et non pas 500 000 francs. Selon les syndicalistes, cette mesure permettrait d’augmenter la base des cotisations de manière importante, de l’ordre d’une quarantaine de milliards de francs. Avec un taux de cotisation, le déplafonnement pourrait rapporter près de quatre milliards de francs. Des chiffres qui restent à confirmer, les deux syndicats ne disposant de toutes les informations nécessaires. Mais de manière générale, ils estiment que les personnes ayant des revenus élevés doivent contribuer davantage.


La baisse du rendement pour maintenir les réserves

Afin de maintenir les réserves à un niveau permettant de servir a minima douze mois de retraite, les administrateurs de la Cafat proposent une baisse du taux de rendement. Une mesure applicable à très court terme par la Cafat. Ce taux de rendement passera de 10 % à 7 %. Concrètement, le taux de rendement est ce que va rapporter l’argent cotisé. Autrement dit, 100 francs cotisés aujourd’hui représentent 10 francs de retraite. Ils ne représenteront plus que 7 francs demain. Soit une baisse des pensions servies.


La question des retraites complémentaires

La question des retraites complémentaires, qui fait l’objet de déclarations contradictoires des partis politiques depuis plusieurs semaines, est également au cœur du dossier. La récente réforme des conditions de liquidation appliquée depuis le 1er janvier aura des conséquences sur les départs à la retraite. Ainsi, la mise en place de pénalités poussera les salariés à partir plus tard. Pour partir sans abattement, il ne faudra pas avoir 62, mais 63 ans.

M.D.