Deva, le berceau de l’archéologie préventive

La province Sud organisait, les 20 et 21 octobre, les premières journées provinciales de l’archéologie. L’occasion pour le public et les responsables des institutions de découvrir l’archéologie préventive. Une exposition, qui se tient jusqu’en février 2018 à la Maison de Deva, permet de découvrir les travaux menés depuis plus de dix ans.

Ils avaient bien des chapeaux, mais pas de fouet. Stéphanie Domergue et Jean-Marie Wadrawane, les deux archéologues qui recevaient le public à l’occasion des journées provinciales de l’archéologie, ont permis aux curieux de toucher du doigt leur travail de fourmi qui relève davantage du balayage minutieux que de l’aventure à la Indiana Jones. Un peu moins de 200 personnes, dont une bonne partie de scolaires, se sont rendues sur le site de fouilles archéologiques préventives avant le début du chantier de centre de vacances nature de Deva.

Les visiteurs ont pu rencontrer deux des cinq archéologues de l’Institut d’archéologie de Nouvelle-Calédonie, qui travaille sur le site de Deva depuis 2006. Après les grands chantiers autour de l’hôtel, l’IANC s’intéresse à une zone plus réduite qui accueillera notamment des bungalows. Un premier diagnostic avait été réalisé en 2016, suivi d’un second début de cette année, afin de déterminer des sites à fort potentiel. La phase de fouilles devrait durer trois semaines et se poursuivra par un travail de laboratoire.

Pour ce chantier de fouilles préventives, près de 2 000 mètres carrés ont été ouverts. Si la cartographie de la zone est loin d’être terminée, les experts peuvent identifier d’emblée certaines zones. C’est notamment le cas des « poubelles », où sont entassées de grandes quantités de coquillages, l’équivalent de « notre ISD de Gadji », plaisante Jean-Marie Wadrawane. Des foursn mais surtout des restes de poteries permettent également d’identifier grossièrement la période estimée à laquelle les hommes étaient présents.

Le site de Deva est assez riche sur le plan archéologique. S’il reste encore de nombreuses questions à élucider, les archéologues permettent de mieux comprendre le mode de vie des premiers habitants de la Nouvelle-Calédonie, notamment au travers de leur alimentation ou encore de leurs outils.

Une discipline importante

Les fouilles ont également permis de mettre au jour des sépultures. Il semblerait toutefois que les quatre tombes soient nettement plus récentes que les ustensiles retrouvés à proximité. Selon les premières estimations des archéologues, l’occupation de l’endroit pourrait remonter à plus de 2 000 ans. Mais plus que des réponses, les scientifiques collectent surtout de nouvelles questions, d’autant plus qu’ils ne sont pas encore parvenus à mettre au jour les zones d’habitation sur le domaine de Deva.

Autant de questions qui permettront de comprendre comment vivaient les premiers habitants de la Nouvelle-Calédonie. S’il reste encore beaucoup de mystères, on sait toutefois que l’on était bien loin d’une société « sauvage ». Elle était, au contraire, parfaitement organisée, avec des échanges notamment articulés autour de différents savoir-faire liés à la fabrication d’outils ou encore de la collecte de nourriture. Cette production de connaissance répond au besoin de mieux connaître ses origines et donc de mieux se connaître soi-même.

L’archéologie est donc loin d’être un gadget, d’autant plus que certains savoirs se sont perdus avec l’arrivée des Européens. L’introduction du métal a, par exemple, mis un terme à une grande diversité d’outils, tels que les pierres servant à la confection de haches ou d’herminettes ou encore la poterie. Un groupe de travail inter-collectivités a ainsi vu le jour pour plancher sur la question réglementaire. Les fouilles archéologiques sont actuellement encadrées par des délibérations relevant de chaque province. Il n’y a donc pas d’unité, au moins a minima, au niveau du territoire. Et surtout, il n’existe encore aucune obligation légale en matière de fouilles préventives ou de protection du patrimoine archéologique.

Outre la volonté de s’adresser au grand public, les journées provinciales de l’archéologie avaient vocation à sensibiliser les élus sur l’importance des fouilles préventives. La veille de l’ouverture des journées, une vingtaine d’élus sont venus visiter le chantier et l’exposition. Une manière de leur montrer les résultats du travail et la nécessité de ces chantiers pour préserver une partie du patrimoine historique. « Il est nécessaire de fixer un cadre pour permettre l’aménagement du territoire tout en protégeant notre patrimoine, souligne Malia Terebo, en charge des questions archéologiques à la province Sud. Deva est la seule zone du territoire sur laquelle tout projet d’aménagement doit être précédé de diagnostics et de fouilles. En l’absence de cadre réglementaire, un important travail de fond est réalisé auprès des aménageurs. » Et certains jouent le jeu, selon Malia Terebo, mais ce n’est pas le cas de tout le monde.

De nombreuses sépultures ont été découvertes à l’occasion des fouilles réalisées à Deva. Sur le chantier du futur centre de vacances, des restes de quatre personnes ont pour le moment été retrouvés.

Revoir le cadre réglementaire

Délibération, loi du pays, obligations ou non… Le groupe de travail n’en est pas encore aux préconisations. Les membres en sont plutôt à l’état des lieux, qui devrait permettre de mieux identifier les problématiques. Un inspecteur du patrimoine métropolitain appartenant au ministère de la Culture est d’ailleurs venu en juillet 2016 afin d’apporter son expertise. Il avait notamment comparé le vieux village minier de Tiébaghi au fameux site archéologique de Pompéi. Jean-Olivier Guilhot avait alors rappelé l’importance de mieux définir les rôles de chacun et l’importance de clarifier les ambitions politiques en la matière. Derrière les ambitions, c’est bien la question du financement qui se pose.

L’absence d’obligation légale, tant pour les collectivités que les privés, fragilise fortement l’activité de l’Institut d’archéologie de Nouvelle-Calédonie. La recherche archéologique coûte relativement cher et les fouilles préventives peuvent retarder les chantiers. L’inspecteur général métropolitain est plus particulièrement venu éclairer les acteurs locaux des retours d’expérience de la loi métropolitaine adoptée en 2003. Si la loi impose des fouilles préventives financées par le privé, les aménageurs ont le choix de l’opérateur des fouilles, qu’il s’agisse de l’Institut national de recherches archéologiques préventives, de services agréés ou encore de sociétés privées. Le chantier de Deva, qui a été ouvert il y a près de dix ans, reste une sorte de projet pilote intégralement financé par la province Sud.

Au moment où la Nouvelle-Calédonie se cherche un destin commun, l’archéologie est peut-être plus importante que jamais. Comme le soulignait l’expert métropolitain lors de sa visite, l’archéologie est « un ciment culturel fondamental dans toute civilisation ». Et au même titre que les autres archéologies, celle en Nouvelle-Calédonie, qui est pratiquée depuis une soixantaine d’années, doit se réinventer.

De nombreuses sépultures ont été découvertes à l’occasion des fouilles réalisées à Deva. Sur le chantier du futur centre de vacances, des restes de quatre personnes ont pour le moment été retrouvés.L’exposition Worènô, notre histoire, patrimoine de Deva est à découvrir à la Maison de Deva jusqu’au 19 février 2018. Elle présente les résultats des fouilles réalisées depuis une dizaine d’années. Renseignements : 46 57 56.


L’Institut d’archéologie de Nouvelle-Calédonie

Les premiers travaux d’archéologie en Calédonie ont débuté dans le courant du XIXe siècle. Ils étaient toutefois conduits par des amateurs, la plupart du temps. Les premières études réalisées par des scientifiques remontent aux années 50. Les années 70 et 80 ont vu la poursuite de ces premiers travaux dans le cadre de l’Orstom, puis, pendant les Événements, par le département d’archéologie de l’Office culturel et scientifique canaque. En 1991, un département est créé au sein du Service des musées et du patrimoine de Nouvelle-Calédonie. Des programmes de recherches voient le jour sur une période allant des premiers peuplements, il y a plus de 3 000 ans, à la période plus récente de la colonisation. Face aux nombreuses demandes de fouilles et à l’évolution institutionnelle du territoire, l’Institut d’archéologie est créé en 2009.

Deva, un chantier à part

Le projet de Deva est le premier site faisant l’objet de fouilles préventives systématiques. Ouvert en 2006, avant le début des travaux du complexe hôtelier, Le chantier de fouilles, voulu par le GDPL Mwé Ara et la mairie de Bourail, a permis de mettre au jour la richesse du domaine de Deva. Les traces d’occupation remontent à environ 1 000 ans avant Jésus-Christ. Les recherches au niveau du golf ont, par exemple, permis de retracer près de 4 800 ans d’histoire, soit bien avant l’arrivée des premiers hommes.