Des perspectives économiques incertaines

Le premier référendum d’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie a donné un résultat en faveur du non à près de 57 %. Un résultat très éloigné des prévisions qui ouvrent des perspectives incertaines pour les chefs d’entreprise et les investisseurs. Le Medef-NC tire la sonnette d’alarme et appelle à une mobilisation pour le soutien à l’économie.

Beaucoup d’observateurs étrangers ont eu bien du mal à comprendre les réactions à l’issue du scrutin du premier référendum d’autodétermination prévu par l’Accord de Nouméa. Difficile, en effet, de comprendre l’allégresse des « perdants » et la retenue des « gagnants ». Mais de fait, le lendemain, le 5 novembre, les Calédoniens ont repris le chemin du travail. Au-delà de la question institutionnelle, la première des réalités est que la Nouvelle-Calédonie et ses entreprises doivent continuer de tourner pour faire vivre ses habitants.

Ce premier scrutin aura toutefois de très probables répercussions économiques. C’est du moins ce que l’on peut redouter, à entendre certains chefs d’entreprise. Au cours de la soirée électorale, ils étaient quelques-uns à expliquer qu’un dépassement de la barre des 40 % pour le oui serait le signal pour commencer à envisager un départ. Cette barre que les partisans de l’indépendance ont franchie, contrairement aux attentes portées par les projections des différents sondages. Ils sont également plusieurs à expliquer vouloir mettre entre parenthèses des projets de promotion immobilière.

De nouveaux scrutins ouvrant une nouvelle période d’incertitude

Le résultat du scrutin, s’il est en faveur du non à l’indépendance, a toutefois redonné de l’espoir au camp indépendantiste et du poids dans les négociations, notamment sur la question deux prochains référendums. Les indépendantistes ont été clairs sur ce point : il n’y aura pas de compromis sur l’application de l’Accord. Une position qui ouvre des perspectives incertaines pour les chefs d’entreprise et les investisseurs qui apprécient peu les échéances électorales.

Ces dernières années, les partis politiques calédoniens se sont essentiellement concentrés sur les questions institutionnelles, traitant les problématiques économiques en fonction des urgences, sans véritable stratégie globale. Les nouveaux rapports de force suggèrent que la question institutionnelle restera au premier plan, au moins pendant les deux prochaines années qui seront marquées par des élections majeures telles que les provinciales ou encore les municipales.

Pour le patronat, l’inquiétude est d’autant plus forte que la situation économique n’est pas brillante. Quelques jours avant la tenue du référendum, le Medef-NC organisait une conférence de presse afin d’alerter une nouvelle fois l’opinion publique et les élus des conséquences de l’application de réglementation des prix dans le cadre de l’instauration de la taxe générale sur la consommation. Si le mouvement patronal n’a pas encore de vision d’ensemble, les remontées des adhérents ne sont pas optimistes, bien au contraire.

Le BTP, un des secteurs parmi les plus importants pourvoyeurs d’emploi, accuse le coup depuis maintenant quelques années. En trois ans, près de 2 500 emplois ont été supprimés dans le bâtiment. Entre 2017 et 2018, le chiffre d’affaires des entreprises est en baisse de 25 %. Un constat abrupt auquel peu de réponses ont été apportées. Si le gouvernement a fait beaucoup d’annonces, les carnets de commandes restent désespérément vides. Alors que les entreprises du secteur ont besoin de 80 à 90 milliards de francs de commandes, elles disposent d’une visibilité d’une vingtaine de milliards de francs pour 2019.

Du côté du nickel, l’ambiance n’est pas tellement différente. En dehors de l’usine du Nord, qui affichait récemment une forte progression de la production, la SLN est dans une situation nettement moins confortable après les blocages de ses mines de Kouaoua. Le protocole d’accord, s’il a permis une reprise des activités, n’est pas nécessairement en faveur de l’industriel dont la durée de vie des mines sur cette commune, importante pour l’approvisionnement de l’usine de Doniambo, est désormais comptée. La direction de Vale a par ailleurs indiqué qu’elle annoncerait sa décision sur le futur de l’usine du Sud dans les semaines à venir. Un sort étroitement lié au projet Lucy, coûteux mais indispensable pour la pérennité de l’outil.

L’intervention d’Édouard Philippe, le Premier ministre, au lendemain du scrutin, a toutefois apporté un peu de réconfort aux chefs d’entreprise en soulignant l’importance de se pencher désormais sur les questions économiques et sociales qui devraient être au cœur du prochain Comité des signataires annoncé pour le mois de décembre. L’État pourrait y décider de mettre la main à la poche pour aider le territoire à sortir de l’ornière. En dehors des communes, qui sont encore relativement peu endettées, les provinces et le territoire sont presque au bout de leurs capacités d’emprunt. Les institutions qui ne disposent plus de marges de manœuvre auront bien du mal à se donner les moyens nécessaires pour mener une politique contracyclique et relancer la machine.

Réforme du modèle économique

Beaucoup espèrent que l’État reproduira le soutien qu’il avait apporté en 2016 pour le nickel. Le patronat ne serait pas contre un plan de sauvetage similaire à celui porté par Manuel Valls, mais pour d’autres secteurs de l’économie cette fois. C’est ce que réclame le Medef-NC dans un communiqué diffusé mardi, en fin de journée. Le mouvement appelle à la mise en œuvre d’un plan d’urgence qui permette de relancer l’économie et pourrait prendre la forme d’un grand prêt de l’État consenti à la Nouvelle-Calédonie. Dans un deuxième temps, les patrons estiment indispensable une réforme du modèle économique. Pour l’organisation patronale, les collectivités doivent réduire le niveau des dépenses publiques qui est devenu « insoutenable ».

Le communiqué souligne l’importance de se pencher sur la question économique sans tarder et de relancer la concertation des acteurs économiques et la prise en compte de leurs avis. Les élus devront répondre à un double enjeu, celui de l’économique et du social. Si les entreprises attendent un soutien, les franges les moins favorisées de la population également. Tout l’enjeu sera de parvenir à redonner confiance aux acteurs économiques afin de remettre l’économie en marche tout en assurant une meilleure redistribution de la richesse. Un défi que les politiques ont pour le moment échoué à relever.

M.D.