Des OGM « mutés » en Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie a commencé à réglementer l’importation des OGM (organismes génétiquement modifiés) en 2014 mais les évolutions ne concernent que les OGM dits « transgéniques ». L’association stop OGM Pacifique tire la sonnette d’alarme : des semences de maïs OGM d’un autre type, résistant à un herbicide et échappant à toute interdiction, ont été introduites et utilisées sur le territoire. Les parcelles concernées sont de l’ordre de 300 hectares. Le gouvernement a annoncé illico la révision de la réglementation. 

L’importation de semences génétiquement modifiées (céréales et fruits) est interdite en Nouvelle-Calédonie depuis 2014. Mais, comme ailleurs, cette réglementation concerne les OGM issus de la transgénèse et non les OGM dits « mutés » ou « cachés » obtenus par mutagenèse. La première technique consistant à la modification par l’introduction d’un gène d’un autre organisme, la seconde à une modification intrinsèque de la plante (lire ci-dessous).

Une « lacune qui n’aura pas échappé à certains », selon l’association Stop OGM, qui a révélé cette semaine par voie de communiqué que « des semences de maïs OGM mutés, résistant à un herbicide » avait été importées sur le Caillou.

L’information avait en fait été rendue publique par les autorités compétentes en mai à l’occasion des comptes rendus de la délégation sénatoriale à l’Outre-mer sur « les problématiques des normales sanitaires et phytosanitaires applicables à l’agriculture dans les outre-mer ». C’est un conseiller à l’agriculture du gouvernement qui avait lui même indiqué avoir « assisté récemment à l’introduction de maïs issu de mutagénèse vendu par un fournisseur avec un herbicide interdisant toute utilisation d’autres plantes que celles de ce fournisseur ».

Une « erreur du fournisseur » ?

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« Après enquête », Stop OGM, a affirmé que les semences importées provenaient d’Australie et qu’elles avaient été « fournies par l’entreprise Pacific Seeds ». « Il s’agirait d’un maïs dont les mutations génétiques ont été forcées en laboratoire pour qu’il soit résistant à un herbicide breveté (…) qui n’est pas homologué en Nouvelle-Calédonie », souligne l’association.

Stop OGM indique que l’on a parlé dans ce cas précis « d’une erreur du fournisseur… », mais l’association de se demander s’il ne s’agit pas plutôt « d’une tentative de l’Australie de percer le marché calédonien avec cette technologie OGM ou d’un désir de certaines institutions agricoles ou agriculteurs de tester de nouvelles semences miracles ? ».

Quoi qu’il en soit, ces variétés que l’on dit tolérantes aux herbicides ( VrTH), exclues du champ d’application de la réglementation OGM en Nouvelle-Calédonie ou en Europe (lire ci-dessous) inquiètent fortement. D’une part, parce que, quoi qu’on en dise, ce sont bien des OGM et qu’elles peuvent être vendues en toute légalité parfois même à l’insu des agriculteurs.

Plus inquiétant, ces variétés sont de véritables éponges à pesticides et sont vendues avec des produits chimiques associés, imposés par les fournisseurs pour s’adapter à leurs semences. Se pose donc le risque d’une contamination des silos, des autres champs, etc. Et plus largement, le risque d’une perte d’autonomie pour les pays avec l’obligation de racheter chaque année des semences associées aux herbicides ou de faire face à aux desiderata de quelques grosses multinationales. À l’antipode donc de la souveraineté alimentaire que l’on commence à prôner ici…

Le vide juridique devrait être comblé

Sur le terrain, les autorités se seraient rendu compte de cette introduction a posteriori et disent avoir proposé des substitutions, acceptées par la plupart des agriculteurs concernés mais une partie des semences a quand même été plantées,  « il y a moins de deux mois » selon Stop OGM. De fait, la province Sud estime que la surface concernée est de l’ordre de 300 hectares. Elle souligne par ailleurs que le maïs qui sera produit sera uniquement destiné à l’alimentation animale (volailles et porcs).

L’association STOP OGM demande maintenant au gouvernement et aux provinces : un état des lieux précis de ces parcelles, mais également des mesures correctives (destruction des parcelles plantées – avant pollinisation – avec indemnisation des agriculteurs concernés), une position claire sur le sujet et la mise en place rapide d’une réglementation adéquate. Les autorités ont dors et déjà fait savoir qu’elles travaillaient à la révision de l’arrêté sur les OGM pour qu’il intègre la mutagénèse ainsi que la culture maraîchère, toujours exclue du dispositif.

N’oublions pas non plus que les OGM mutés peuvent concerner d’autres cultures, les arbres, les gazons importés… Et aussi que la Nouvelle-Calédonie ne dispose toujours d’aucune capacité d’analyse en matière d’OGM. Le compte rendu de la délégation sénatoriale à l’Outre-mer fait ainsi état en 2015, de « 16 analyses réalisées dans un laboratoire de Strasbourg sur des produits en provenance d’Australie et de Nouvelle-Zélande, essentiellement sur les céréales » (attestant de l’absence d’OGM sur toutes ces marchandises).

Au final, notre réponse paraît encore bien faible au regard des ambitions que le pays semble nourrir en matière d’autonomie, et alors que l’on s’évertue à développer des pratiques qui n’ont pas recours à une application massive d’intrants…

C.M. 

Crédit AFP


« Une expérimentation en 2015 »

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Suite à ces révélations, la province Sud a fait savoir qu’une expérimentation avait été réalisée, en 2015, sur trois parcelles d’un hectare, visant à cultiver une variété de maïs tolérante aux herbicides (VTH).

Mais explique t-elle, le Lightning, l’herbicide utilisé sur les 3 hectares expérimentaux « autorisé  parce qu’il s’agissait d’une expérimentation », « s’est avéré si persistant que ces parcelles n’ont pas pu être remises en culture en 2016, et ne pourront probablement l’être qu’en 2018 ».

Et elle considère aujourd’hui que, au-delà de la question de l’acceptabilité intrinsèque des VTH, il faut se préoccuper du fait que ces variétés constituent une porte d’entrée potentielle pour des pesticides agressifs, « qui n’ont probablement pas leur place en Nouvelle-Calédonie ».

 


Transgénèse et mutagenèse, quelle différence ? 

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Dans les deux cas, il s’agit de modifier la plante pour lui donner de nouvelles propriétés :

  • Dans le cas des OGM transgéniques, le génome est modifié par introduction du gène d’un autre organisme, une plante ou un animal.
  • Dans le cas d’une plante « mutée », la modification du génome est intrinsèque. Les techniques les plus anciennes ont une cinquantaine d’années : il y a ainsi la mutagénèse « aléatoire » qui consiste à exposer des cellules végétales à des agents énergétiques (rayons gamma, rayons X…) ou chimiques afin de les faire muter. On utilise également la sélection des plantes à caractéristiques particulières : on détecte, par exemple, des plantes résistantes (directement dans le champ ou par l’exposition des cellules végétales à des agents sélectifs comme un herbicide) et on identifie ensuite la mutation associée à cette caractéristique que les autres n’ont pas. Plus récemment la mutagénèse dirigée par « oligonucléotides » a été développée. Ces oligonucléotides (de courtes séquences d’ADN synthétisées en laboratoire et construites de manière à être quasiment identiques à une séquence génétique) sont introduits dans des cellules végétales et pénètrent dans le noyau où, en se collant à l’ADN, ils permettent d’introduire la mutation dans le génome de la plante qu’on souhaite faire muter.

Un problème international 

L’Europe devrait bientôt combler le vide juridique concernant les OGM « mutés ». Jusqu’ici, la directive européenne 2001/18 qui donne la définition d’un OGM et qui nous sert de référence, a exclu ces plantes de son champ d’application.

Selon Inf’OGM.org la réponse à cette exclusion « pourrait tout simplement être trouvée dans les avantages que cette « exemption » procure aux entreprises qui les commercialisent (absence d’évaluation et d’étiquetage) ». Ainsi, de nombreuses variétés mutées sont aujourd’hui commercialisées à l’insu de l’utilisateur, jardinier ou agriculteur et consommateur.

L’utilisation de la mutagénèse est pourtant répandue : plus de 170 espèces et pas moins de 3 000 variétés seraient concernées dans le monde. En métropole, elles concerneraient plusieurs variétés de tournesol et de colza.

Plus proche de chez nous, l’Australie fait partie, on le sait, des pays les plus ouverts aux OGM. Les firmes australiennes ont été parmi les premières à tenter de contourner la législation sur les pesticides avec la mutagénèse. Avec un train d’avance, elles développent même maintenant des techniques pour rendre caducs les OGM, en permettant une intervention sans traces sur le gène des végétaux. Le colza, le maïs et le blé sont les cultures les plus concernées par les OGM chez nos voisins.


Produire localement nos semences ?

En Nouvelle-Calédonie, la plupart des organisations professionnelles se sont positionnées contre l’utilisation des OGM. Elles demeurent néanmoins inquiètes, la Nouvelle-Calédonie étant particulièrement dépendante des semences importées et ces semences mutées étant relativement répandues dans l’environnement régional notamment en Australie. Ne serait-il pas opportun, demande Stop OGM Pacifique, de proposer des alternatives à l’importation des semences pour « produire localement des semences non- brevetées, reproductibles, adaptées au climat et aux sols ?»